O’Riley… Je feuilletais son dossier scolaire dans l’heure qui précédait notre rencontre. J’aurais préféré que les travaux pratiques ne se déroulent pas en tête à tête ; je savais que certaines personnes ne se sentaient pas à l’aise seules avec un professeur du sexe opposé. Je n’aurais pas pu être moins disposé à ce genre de choses, et mon air sévère ne pouvait que confirmer cette certitude, mais les ennuis vont et viennent avec la marée. Je souhaitais éviter l’inondation.

Quoi qu’il en soit, je n’avais pas pu caser Hadès avec n’importe quel autre dieu, son caractère étant trop poussé dans son extrême pour qu’un cours à plusieurs ait du sens. Après avoir consulté la jeune femme au sujet d’un cours particulier et qu’elle n’y ait pas vu d’inconvénient, je l’ai finalement mis en place, et le jour était tranquillement arrivé.

Sous mes yeux, j’avais tout : son arrivée à Immortalia, ses relevés de note de section N, sa possession, son suivi santé, tout ce dont j’avais et n’avais pas besoin pour tout savoir de cette jeune terminale et organiser sa gestion à la possession. Beaucoup moins stressé que lors des cours en groupe, puisque je savais qu’il n’y aurait pas plus d’un élément à problèmes, j’avais méticuleusement préparé mes questions pour qu’elle m’en dise le plus possible sur son dieu – le but n’étant pas de le pousser à bout dès aujourd’hui, mais plutôt d’en apprendre suffisamment sur leur relation pour, justement, comprendre ce qui le mettrait à bout, ainsi que ses plus grandes faiblesses.

Ces questions, je les avais ensuite apprises par cœur – il aurait été inconvenant pour moi de consulter mes notes lors de notre entretien – et les récitai à Horus une dernière fois avant l’arrivée d’O’Riley.

« C’est parfait, je pense que vous couvrez ainsi toutes les dimensions de la possession. Vous maîtrisez bien votre sujet, Neal ; n’ayez crainte, vous avez beau ne pas commencer avec le dieu le plus simple et conciliant, vous y réussirez aussi bien, voire mieux que vous l’espérez, j’en suis certain. »

Je remerciai mon dieu mentalement puis entendis quelqu’un frapper. Je jetai un coup d’œil à ma montre ; elle était à l’heure. Bien.

«  Entrez, » dis-je d’une voix portante dans laquelle on n’entendait ni empressement ni joie, mais ni dédain, ni froideur non plus.

La porte s’ouvrit sur un bout de femme, blonde et expressive.

«  Bonjour, Miss O’Riley. Asseyez-vous, je vous en prie. »

J’avais envie de me taper la tête contre les murs. Aujourd’hui j’avais cours avec le prof de gestion de la possession. Mais ce n’était pas vraiment ça mon souci. Le problème était que ça allait être un cours particulier.
Eh oui, ce cher D’Arcy m’avait fait comprendre que mélanger Hadès avec quelqu’un d’autre serait une mauvaise idée. J’avais été étonnée car ce dernier ne m’avait pas semblé si asociale que cela mais j’avais tout de même accepté, au final c’était lui le prof.

Tout ça c’est ta faute !
Je ne vois pas de quoi tu parles, et je ne t’ai pas encore trop fait la misère non ?
Mouais. Ça me fait penser, tu as déjà eu d’autre…euh… réceptacle ? Enfin d’humain à posséder ?
Mystère…

Alors qu’Hadès rigolait moi je me renfrognais, me décidant à le bouder jusqu’au début du cours. Je prenais rapidement note de l’heure, j’avais encore le temps. J’enfilais mon uniforme, décidant de ne pas mettre la cravate, nous étions en dehors des heures normales de cours après tout. J’ajustais ma jupe sur mes cuisses tout en y rentrant l’arrière de ma chemise. Je m’étais donné l’autorisation de la raccourcir de quelques centimètre, trouvant l’originale un peu trop strict à mon goût.
Une fois habillée je glissais dans mon sac mon livre de cours, une trousse et un cahier. Je ne savais pas trop comment mon enseignant allait gérer le cours mais notre dernière rencontre m’avait fait pensé qu’il valait mieux que j’aie des affaires en trop que pas assez.

Je regardais une nouvelle fois ma montre, une autre chose que j’avais comprise, ne pas être à la bourre avec lui. Je mis mon sac sur mon épaule et me dirigeais vers le bureau de D’Arcy. J’espérais juste que ça allait se passer autrement qu’avec Sunday. Je n’étais pas prête à jouer le même jeu avec tous les enseignants.

Et avec lui tu veux jouer à quel jeu ?
Mystère…
Je suis dans ta tête tu sais.
C’est de la triche, c’est à sens unique !

Je soupirais, je trouvais ça injuste. Les parasites pouvaient lire en nous, mais nous par contre on pouvait se la mettre où je pense…
Une fois arrivée devant la porte du prof je toquais, attendant l’autorisation de rentrer. Une fois cette dernière reçus je rentrais dans le bureau en souriant à D’Arcy. Je refermais délicatement la porte avant de m’asseoir sur une chaise placée en face de son bureau.

« Bonjour Monsieur D’Arcy! »

Mon ton était neutre quoique légèrement enjoué. Je n’avais pas envie de jouer sur de la provoque, quel que soit le genre, avant d’avoir cerné le personnage. Il arborait son air sévère habituel. Je me surpris à me demander si il souriait de temps à autre.

Tu aimerais bien le décoincer à ce que je vois.
Ta gueule Hadès !

Je sortis mes affaires et les posaient sur un coin de bureau attendant que le fameux cours débute.

Aussi délicate que sa nature physique le présumait, la jeune femme s’installa efficacement en face de moi, sur mon bureau. Avec son air légèrement mal à l’aise, je crois que Miss O’Riley était surtout dans l’anticipation d’un cours particulier ; n’ayant pas livré un mot sur le programme qui nous attendait lors de ces leçons en groupes restreints, je comprenais tout à fait l’état à demi anticipateur et à trois quarts perplexe qui pouvait la saisir à ce moment précis. Je décidai alors de ne pas faire durer plus longtemps le suspense et de la mettre au parfum, avant d’enfin pouvoir enchaîner sur le cours.

« Alors… Etant donné que vous êtes la première élève à participer aux travaux dirigés, j’estime que je vous dois quelques explications plus précises concernant ce qui va vous arriver… »

Je hochai la tête d’un air entendu ; mes sourcils se défroncèrent et mes yeux s’allumèrent – ma façon de sourire, j’imagine, lorsqu’il n’est pas encore nécessaire de dérider ma bouche.

« Le but de ces séances – et j’appuie bien sur le pluriel – est de découvrir les faiblesses de votre dieu, ce qui l’énerve, ce qui le rend triste et ce qui l’émeut. Pour quoi faire, me direz-vous ? Pour le pousser à bout, pour le forcer à sortir de sa coquille – votre enveloppe charnelle – et, enfin, pour parvenir à le dompter même dans ses moments les plus terrifiants. Une fois que ceci sera fait, vous serez capable de le retenir absolument n’importe quand, qu’il utilise toute sa force pour vous faire plier – ou non. Est-ce que vous êtes prête ? Nous allons parler entre nous, simplement et en tout franchise ; oubliez ce que vous dit votre dieu, il n’y a que vous et moi pour le moment. S’il vous parle, ne lui répondez pas. S’il critique vos dires, ignorez-le. »

Je la regardai d’un air bienveillant puis commençai enfin les choses sérieuses.

« Pour commencer, vous allez me parler de votre dieu, tout simplement. Qui est-il, ce que vous savez de lui, de son histoire qui ont forgé son caractère. J’aurais pu vous demander d’y réfléchir comme travail à faire avant de venir, mais je pense que l’improvisation me permettra de mieux cerner ce dont vous êtes sûre… et moins sûre. Ensuite, vous allez réfléchir sur certains événements qui auraient pu l’énerver plus que de raison, qui vous auraient fait agir de façon étrangère à votre manière d’être. Je sais que votre possession est très récente, mais voyons si votre dieu est plutôt du genre impulsif… »

Horus se taisait. Il n’y avait que moi et elle, comme je l’avais demandé. J’envoyai une vague d’approbation en direction de mon compagnon.

D’Arcy m’informa qu’il me devait quelques explications quant au déroulement du cours. Je hochais la tête, quelque peu rassurée. Cela voulait dire qu’il ne l’avait pas mentionné lors de son cours d’introduction.
Je le fixais dans les yeux, ceux-ci étaient devenus plus lumineux, attendant les précieuses explications. Je croisais les mains sur mes jambes tout en souriant.

« Le but de ces séances – et j’appuie bien sur le pluriel – est de découvrir les faiblesses de votre dieu, ce qui l’énerve, ce qui le rend triste et ce qui l’émeut. Pour quoi faire, me direz-vous ? Pour le pousser à bout, pour le forcer à sortir de sa coquille – votre enveloppe charnelle – et, enfin, pour parvenir à le dompter même dans ses moments les plus terrifiants. Une fois que ceci sera fait, vous serez capable de le retenir absolument n’importe quand, qu’il utilise toute sa force pour vous faire plier – ou non. Est-ce que vous êtes prête ? Nous allons parler entre nous, simplement et en tout franchise ; oubliez ce que vous dit votre dieu, il n’y a que vous et moi pour le moment. S’il vous parle, ne lui répondez pas. S’il critique vos dires, ignorez-le. »

Sourire forcé. Je ne connaissais pas encore l’étendue des pouvoirs d’Hadès et il n’avait, pour le moment jamais essayer de prendre le contrôle. De mon point de vue le pousser à bout n’était peut-être pas l’idée la plus intelligente. Je n’avais pas eu de signe d’Hadès mais je le sentais au fond de moi, il était aux aguets. J’allais devoir choisir contre qui jouer…
J’imagine qu’il avait dû voir mon air un peu paniquer car ce cher professeur me lança un regard sympathique auquel je du renvoyer un regard remplis de surprise. De la première impression qu’il m’avait laissé, bienveillant n’aurait pas été l’adjectif que j’aurais utilisé pour le qualifier.

« Pour commencer, vous allez me parler de votre dieu, tout simplement. Qui est-il, ce que vous savez de lui, de son histoire qui ont forgé son caractère. J’aurais pu vous demander d’y réfléchir comme travail à faire avant de venir, mais je pense que l’improvisation me permettra de mieux cerner ce dont vous êtes sûre… et moins sûre. Ensuite, vous allez réfléchir sur certains événements qui auraient pu l’énerver plus que de raison, qui vous aurait fait agir de façon étrangère à votre manière d’être. Je sais que votre possession est très récente, mais voyons si votre dieu est plutôt du genre impulsif… »

J’avais envie de pouffer et j’ai eu du mal à garder mon sérieux. Avant d’arriver ici la seule idée d’Hadès que j’avais était la version de Disney.

C’est bon on a compris !
Il a dit que tu ne devais pas intervenir…
Parce que toi tu écoutes ce que te dise les gens ?
Un point pour toi.

« Euh… Bon alors comme vous le savez mon dieu c’est Hadès, ou roi des enfers comme il aime bien s’appeler. Sinon je vais pas vous mentir, avant de débarquer ici la seule idée de lui que j’avais c’était la version de Disney avec les flammes bleues autour de la tête et tout le toutim… »

Je marquais une pause, gênée. Mais qu’est ce qui me prenait de dire ce genre de chose… Autant dire directe que je suis débile ça serait plus facile…

Non mais ça on le sait tous je te rassure.
Ta gueule Hadès…

« Après, je sais qu’il est le souverain des enfers, et que chez les romains il est appelé pluton. Euh… Sa femme c’est Perséphone et il l’a kid… »

Non non non ! Je ne l’ai pas … Ca ne te regarde pas !

« Comme je disais il a kidnappé la fille et la forcer à habiter avec lui. Enfin si j’ai tout compris c’était un accord avec Zeus… enfin des histoires de grecques en soit. Vous parliez de l’énerver, ce sujet-là fonctionne assez bien. Sinon je sais qu’il n’as pas envie de tomber sur Athéna. »

Je sentais une colère que n'était pas la mienne gronder au fond de moi. Eh bah, il en fallait moins que j'en pensais pour le mettre dans de tel états.

Je passais une main dans mes cheveux réfléchissant sur mes piètres connaissances… J’allais vraiment devoir me mettre à réviser le sujet si je ne voulais pas devenir ridicule. En soit je ne connaissais presque rien à son sujet alors que l’autre avait accès à ma tête.

« Je suis désolée, avant tout ça, dis-je en désignant la salle du geste, ce n’étais pas une passion pour moi tout ce genre de choses… »

Je le regardais par le bas, une mine désolée sur le visage, je n’avais pas très envie de le mettre en colère.

« Ah oui ! Je ne sais pas pourquoi mais il ne veut rien me dire sur les capacités spéciale dont je suis capable maintenant… Ca l’amuse je pense de me voir paniquer quand je les découvre. »

Je soupirais d’agacement malgré moi. C’était vraiment ce qui m’agaçait. Je ne voyais pas quel était son intérêt, a par me voir galérer et se foutre de moi. Peut-être qu’il me testait….

Quoi tu reviens encore sur le sujet.

Je décidais d’ignorer mon dieu comme me l’avais conseillé mon enseignant. Après tout c’était moi le capitaine du navire et pas le contraire.

Oh c’est beau elle croit pouvoir gérer la situation.

Je m’agitais légèrement sur ma chaise, au fond c'est vrai j'avais quand même un peu la trouille et en plus il m'énervait. Je ne voulais pas perdre mon calme devant D’arcy, pas aussi tôt en tout cas. Après tout ça fait que trois minutes qu’on était là et je sentais qu’on allait en avoir pour un moment.

Encore une élève qui en connaissait plus long sur la culture Disney que sur son héritage culturel. D’Arcy serra les lèvres, se retenant à grand-peine de lâcher un énorme soupir – vexer son élève avait beau être un jeu amusant et dont Horus se délectait, ce n’était pas tout à fait dans l’optique de cette séance.

« Vous savez, Disney a tout de même une bonne base de recherches concernant Hadès, il est finalement possible que son interprétation ne soit pas loin de la vérité. En tout cas, je vois que vous avez quelques connaissances sur lui qui seront tout à fait utiles pour la suite : au moins, cela me prouve que vous discutez régulièrement ensemble et que vous apprenez à le connaître, ce qui est une bonne chose pour la gestion de la possession. »

Le professeur D’Arcy réfléchit ensuite à la tournure de la situation. En vérité, il s’agissait de son premier cours particulier et même s’il n’oserait jamais le montrer, il était un peu hésitant sur la conduite à tenir. Il avait préparé des répliques bien salées pour faire sortir Hadès de ses gonds, mais était-ce vraiment une bonne idée d’énerver un seigneur du royaume des Morts ?
Lorsqu’il était jeune, le professeur de gestion à la possession de Neal était un imbécile accompli qui pensait que prendre le thé en discutant du beau temps avec ses élèves allait améliorer les rapports de ceux chez qui l’entente était loin d’être cordiale. Neal n’a pas eu beaucoup de nouvelles de ces élèves, à son grand regret : il aurait ô combien souhaité savoir ce qu’ils sont devenus.

Le professeur D’Arcy respira profondément puis, contre toute attente, proposa un revirement de situation qu’on n’aurait pas soupçonné chez lui. En effet, boire du thé en se racontant nos heurts, comme chez un psychologue, ne pourrait faire de mal à personne et serait peut-être une méthode plus douce et mieux acceptée que provoquer un dieu surpuissant.

« Voulez-vous du thé, Mademoiselle O’Riley ? »

Sans vraiment attendre sa réponse, il se saisit de deux tasses et y versa de l’eau chaude contenue dans sa théière constamment en marche – on était des îles britanniques ou on ne l’était pas.

« Y a-t-il des événements désagréables autour de la relation entre Hadès et vous ou entre Hadès et d’autres élèves dont vous voudriez me parler ? »