" Miss du Bellay ... Tu permets que je t'appelles Monet ? A ce stade, il est de mon devoir de te rappeler que tu ne peux pas... "

" Vilain, par quelle autorité oses-tu ainsi t'adresser avec cette dégradante familiarité à Monet Charlotte Yvette Clarisse du Bellay ? "

" Si... V-vous pou ... pouviez me lâcher ... J'étouffe ... "

La notion de "rappel à l'ordre" était définitivement à proscrire, quand l'on parlait de Monet du Bellay, et plus encore maintenant qu'elle partageait son corps avec ce qui devait être l'un des êtres les plus difficiles à vivre du Panthéon Scandinave. Elle qui avait déjà un ego surdimensionné, ne pouvait que s'entendre avec ce qui aurait bien pu être son frère jumeau. Il suffisait de voir la réaction du psychologue scolaire, collé au mur et les pieds décollés du sol, la trachée bloquée par une main qui ne demandait qu'à se serrer plus fort.

" Est-ce que j'aurais le droit à une réprimande vis-à-vis de mes méthodes pédagogiques ? "

" C'est-à-dire que ... tech- ... Techniquement, on n'a pas le droit de ... "

" Je te laisse alors aller repaître Hela de tes effronteries ! "

Elle arma son poing en arrière, ganté de cuir, pour aller le loger dans le visage de l'impudent autant de fois qu'il serait nécessaire pour le faire passer de vie à trépas. Le psychologue ferma les yeux, se signa, et en mouilla son pantalon. Il y avait les sains d'esprit, les fous, les malades, et puis Monet du Bellay, au-dessus. Celle que la possession rendait pire que tout.
Au bout de quelques secondes de panique, cependant, il ne se passa rien, et ses pieds retrouvèrent d'eux-même le contact du sol. Pieds qui se dérobèrent bien vite, pour laisser ses fesses embrasser le plancher.

Il était bien dur de s'imaginer ce que pensait Monet du Bellay, mais celle qui était professeure, probablement la plus jeune doctorante à enseigner au pensionnat - et peut-être la seule de Linguistique eurasienne historique comparée. -, mais il était évident que l'on pouvait déceler en elle que la possession qui était la sienne était non seulement pacifique, mais qu'elle semblait même carrément s'en repaître de manière jouissive. Pour tout ce que son comportement semblait être de la sulfureuse femme de la haute-société, elle passait d'une seconde à l'autre à celui de véritable mâle alpha à la virilité parfaitement consommée, au phrasé médiéval et aux poings plus percutants que ses jurons.

Cela avait tendance à affoler le psychologue, et à raison. Il ne fallait finalement pas se fier au physique ou aux parcelles de peau dépassant. Le cohabitation n'est pas une mince affaire pour beaucoup de personnes, mais pour Monet, c'est un jeu, et gare à celui qui la raille.

" M... Miss du Bellay, il faut vous rendre à l'évidence. Vous n'av- "

" Je suis plus diplômée que vous. Je suis plus jeune, plus belle, plus intelligente, plus forte, plus riche ... Je suis ... Eh bien : je suis Moi, parfaite. Il n'y a aucun problème avec moi. Le problème, c'est votre jalousie. Je n'ai rien à faire ici. "

Le psychologue, toujours à terre, soupira. La femme claqua la porte derrière elle, sans même lui accorder un regard. Elle était parfaitement intenable.

Ce n'était pas la première des frasques de Monet du Bellay. La Monégasque avait déjà une solide réputation dans tout les bars, du Comté de Galway jusqu'à Dublin, et même de Belfast à Glasgow. Elle les avaient tous écumés, lors de ses week-ends, depuis qu'elle partageait son corps avec le Dieu du Tonnerre. Thor l'avait estimé digne, et si la notion de dignité semblait assez galvaudée lorsqu'on parlait d'une étudiante aussi géniale que délurée et imbue de sa personne tout juste sortie d'un doctorat, Monet était honorée autant que satisfaite : Thor était bien le seul à confirmer ce qu'elle savait, elle était la meilleure, c'était même pour cela qu'elle était digne. Encore fallait-il par cela comprendre "aussi sanguine et prompt à s'emporter" que le maître du tonnerre d'Asgard. Lors de ses virées arrosées, emmenées par le dieu belliqueux, elle écumait les pubs, pour boire, se battre et se reproduire avec à peu près tout humain en état de le faire, et c'est amusée qu'elle se découvrait capable, sous le contrôle de Thor, de prouesses d'étanchéité et de combativité qu'elle n'aurait jamais soupçonné. Des prouesses qui lui valurent le surnom erroné de "Scáthach", tant on rigole en croyant voir en elle la réincarnation de la dame de l’île de Skye.

Jusqu'à ce que l'on tente de venir lui mettre une main aux fesses furtives. Là, on découvre qu'elle a une sacré droite.