If I'm a wave, then I'll become a tsunami.
Your labels kingdom cannot control me.
Mon histoire n'avait rien de passionnant. Et n'aura jamais rien eu de passionnant. Pourtant, moi, féru d'histoire, exècre la mienne. Triste ? Non. Terrible ? Non plus. Alors quoi ? Je ne vais pas pleurer sur mon sort, et attendre toute la pitié du monde. J'ai tracé ma route, et j'en ai dévié. Ennuyeux serait le terme. Une histoire banale, comme tout autre. Avec ses hauts et ses bas. Je suis issu d'une grande famille d'avocats suédois. Mon père comme ma mère l'étaient. Nous avions notre manoir, et un niveau de vie des plus aisés. Puis il y avait Jör, mon petit-frère. Tout ce qui comptait à mes yeux. Je m'entendais mal avec ma famille. Très mal. Les relations en particulier avec mon père étaient des plus tendues. L'argent, toujours l'argent était tout ce qui avait de plus important dans ce maudit manoir. Argent qui partait vite en fumée dans les soins médicaux de Jör. Il avait cette maladie qui le mettait dans un état épouvantable, souffrant chaque jour, cloué à son lit, et qui pourtant, malgré l'absence de nos parents, souriait. Il rêvait un jour de pouvoir vivre comme moi je vivais.
Et moi aussi, j'espérais qu'un jour il soit enfin guéri. Mais parents, eux, ne semblaient guère s'en préoccuper. Tout ce qu'ils voulaient c'était que je reprenne le cabinet. Alors avait commencé dès mon plus jeune âge une éducation d'excellence. Établissements réputés, cours particuliers, manières de vivre et d'apprendre… Je n'aimais pas tout ça. Mais cela faisait plaisir à Jör, qui ne pouvant être scolarisé, me demandait toujours ce que j'avais appris. Alors je lui faisais des « cours » chaque soir, à son chevet, pour le voir sourire. Malgré toute la souffrance qu'il supportait, il était celui qui souriait le plus de la famille. Je n'avais jamais été un grand expressif. Ni même sentimental. Et avec le conflit entre mes parents et ma personne, je ne faisais que me fermer un peu plus. Trop lassé des coups de mon père, ou de ses cris. Je passais tout ceci dans une pratique assidue du karaté et du violon. Jör aimait m'entendre en jouer. C'était donc ma seconde résolution.
En plus de lui faire garder le sourire et de jouer les professeurs, j'étais maintenant son violoniste personnel, qui lui jouait à la carte la mélodie qu'il préférait. Il était ma seule raison de vivre. Je m'étais ou plutôt m'avait-on forcé, trouvé un travail après les cours. Il fallait toujours plus d'argent, juste pour Jör, juste parce que mes parents aimaient leur matelas fourré au vert. Méprisable. Je méprisais aussi tous ces médecins, pas fichus capables de trouver d'autres alternatives pour mon frère que de nous dire en boucle qu'il lui restait peu d'années. Je haïssais entendre ses mots. Cela me mettait hors de moi. Jör allait vivre. J'allais obtenir les meilleurs résultats possibles, faire les meilleures études, travailler, et payer cette vie qu'il n'aurait jamais eu. Lui faire découvrir le monde. Comme le devrait tout enfant de 7 ans. J'étais plus un père pour lui. Ce père qu'il n'avait pas, enseveli sous ses affaires, et cette mère qui lui manquait tant. Pas un bonjour, ni un au-revoir. Ce gigantesque manoir était seulement beau de l'extérieur. De l'intérieur, même le plus pourri des bois aurait fière allure à côté.
Parlant bois pourri, je ne saurais expliquer ce qu'il m'avait pris ce jour là aussi. A sauver une parfaite inconnue dans la rue, qui se laissait faire sous les coups de plusieurs gamins. Ses yeux. Ces mêmes yeux que j'avais. Vidés de toutes émotions. De toutes expressions. Je l'avais ramené au manoir, me fichant bien de ce que pouvait en penser mes géniteurs. Ils se fichaient de Jör. Et moi, je n'existais que pour leur ramener leurs liasses vertes. Alors une personne de plus ou de moins, dans ce gigantesque lieu, qu'est-ce-que cela y changerait ? Tout. Les premiers jours ne furent pas faciles. Ni pour elle, ni pour moi, qui croulait sous les activités. Études, sport, apprentissage de Jör, j'avais dû délaisser un temps cette inconnue dans sa chambre. J'avais néanmoins constaté qu'elle s'était familiarisé avec les lieux. Et implicitement, quelques temps après, Jör m'avait glissé qu'elle l'avait sorti d'une bien mauvaise passe. Je m'étais blâmé de ne pas avoir été là.
D'être dans cette prestigiiiiieuse école, à apprendre, alors que lui dépérissait seul dans son lit. Je me blâmais de ne pas pouvoir donner plus. Et j'en remerciais dès lors Lieven. J'avais appris son prénom après un court échange, alors que Jör avait encore fait une crise. J'avais bien eu conscience d'avoir été froid avec elle, sous la panique. Il était tout pour moi. Et bientôt Liev devenait tout pour moi aussi. Jör l'adorait, et je prenais alors du plaisir à faire l'éducation des deux. Liev n'avait rien appris. Et je ne supportais pas ça. Ayant supposé la vie qu'elle avait vécu, je l'avais traîné au club de karaté avec moi, voulant lui apprendre à se défendre. Elle progressait à une vitesse ahurissante, finissant par me mettre à terre, et pas qu'une fois. Et Jör, l'aimant toujours un peu plus, la voyait comme une sœur. C'est ce qu'elle était, une sœur. Une nouvelle membre chez les Retfærd. Je l'avais vu progressivement s'ouvrir, et vivre. C'était une fois encore, mon nouvel objectif. Que de partir avec Jör, je partirais avec les deux.
Ce manoir pourri n'était pas un lieu idéal pour une joie aussi innocente. Je n'avais que trop bien supposé. Je fus contraint, par souci de polyvalence, de quitter Stockholm pour l'Irlande. Mes parents voulaient que je sois aussi bon qu'eux. Je n'étais encore qu'un adolescent, et les voilà qui affabulaient car mes résultats étaient excellents. Il est vrai que j'étais le premier dans tout ce que j'entreprenais. Mais je ne le faisais pas pour eux. Je le faisais pour Jör et Liev. Eux, méritaient une vie. Je partais en Irlande, le cœur lourd, ayant demandé à Liev de prendre soin de Jör, vu le fort lien qui les unissaient. Je les savais tous deux tristes. Et pour la première fois de ma vie, je sentais un poids sur mon cœur si creux d’habitude. Je ressentais quelque chose au bout de tant d'années. Ayant trouvé un travail là-bas, en alternance avec les études, j'écrivais chaque jour des lettres pour Liev et Jör, prenant de leurs nouvelles. J'y glissais aussi de l'argent pour leur bien-être. Je sentais leur tristesse malgré la distance, ce qui ne m'en laissais en rien indifférent.
Je voulais laisser tomber ce fichu établissement, revenir à Stockholm et être à leurs côtés, comme ça avait été toujours le cas. Liev me faisait comprendre malgré tous mes efforts, que la santé de Jör se dégradait, me rendant qu'un plus furieux d'être si loin. J'avais appris, peu de temps après, qu'il avait été transféré dans un centre spécialisé. Ce n'était pas le genre de mes parents, qui se fichaient bien qu'il vive ou meure. Vint alors une seconde inquiétude. Liev. Une coupure brutale. Plus de nouvelles. Mes lettres me revenant systématiquement. Il m'avait fallu un moment, un très long moment pour comprendre ce qu'il s'était passé. Furieux, j'avais suspendu mon cursus en Irlande, prenant le premier avion pour Stockholm. Je me devais de les retrouver. Ils allaient venir avec moi. Mes parents avaient péris dans un tragique accident. Je n'avais pas sourcillé. Je n'avais rien ressenti. De l'indifférence. Toutes mes pensées allaient pour Jör et Liev. Combien de temps ? Combien de temps Jör avait-il été seul dans cette chambre d’hôpital ? Combien de temps Liev se démenait-elle de nouveau dans la rue ?
L'hôpital m'avait informé que Jör n'allait pas mieux, que c'était même l'inverse. Que la jeune fille qui passait avant, avait subitement disparue. J'avais dû faire tous les papiers en urgence, à peine le pied posé à Stockholm. Pour lui. Je refusais de laisser Jör aux mains des services sociaux. J'exigeais qu'il vive avec moi. J'étais majeur, et à la tâte de la fortune colossale des Retfærd. Je pouvais gérer. Tout ceci fait, j'avais tourné en rond pendant des heures, cherchant Liev. Chaque rues. Par ce froid. C'est alors que je l'avais retrouvé là, dans un piteux état. Je n'avais rien laissé paraître, acceptant la gifle magistrale qu'elle me mettait. Elle m'en voulait. Je le savais. Je savais que j'avais merdé à revenir plus tôt. A les sauver. Sans me faire prier, je l'emmenais avec moi pour l'Irlande, encore mal. Jör, trop mal au point ne pouvait pas supporter le voyage. J'avais alors cherché une famille pour lui, une famille qui l'aimerait, et qui s'occuperait de lui. J'y veillais au grain.
Restant en contact avec eux chaque jour, je leur envoyais l'argent nécessaire aux soins de Jör, ainsi que des cadeaux pour lui. Liev retrouvait petit à petit la forme. Et bien décidé à ne plus la laisser seule, je l'avais emmené avec moi dans ce pensionnat mystérieux, Immortalia. Je savais à quel point elle n'aimait pas cela. C'était la seule solution pour qu'elle puisse enfin vivre une vie normale, à mes côtés. Elle aussi, aura ses aventures à conter à Jör. Il en sera ravi. J'étais vraiment le dernier des abrutis. Possédé par Thor, je fus expédié chez les M, mettant de nouveau cette maudite distance entre Liev et moi. Je voulais certes qu'elle apprenne à vivre, et à profiter de cette nouvelle vie, mais je la sentais encore mal à l'aise. Je tentais de venir régulièrement la voir, quand la mauvaise nouvelle tomba. Jör… Était dans un état des plus critiques.
Expliquant brièvement à Liev, j'étais parti ni une ni deux pour Stockholm, voulant être à ses côtés. Mais j'étais arrivé bien trop tard. Je me sentais… Guillotiné. Vide. Tout ce pour quoi je m'étais battu, tout ce pour quoi j'avais donné ma vie… S'écroulait. Jör était mort. Et je mourrais à cet instant aussi. Abattu, j'avais serré les dents, et gardé la tête froide, malgré les larmes. Mes premières, et dernières. J'avais bien pensé au suicide. Mais il me restait Liev, et je refusais de l'abandonner une fois de plus. Je refusais. Mais je ne pensais pas mourir, en fait. Ou du moins, aurais-je dû ? Je m'apprêtais à revenir en Irlande, morne, morose, mort. La suite… Je ne m'en souviens plus.
Aujourd'hui encore, je me réveille dans cette infirmerie, la tête dans le pâté. Cette année fût horrible pour moi. Comment m'étais-je retrouvé de nouveau à Immortalia ? Et surtout, qui étais-je ? J'étais devenu une page vierge, sans le moindre souvenir de ma vie. Seuls mon prénom et nom me furent communiqués, ainsi que diverses informations… Inutiles. Cette année s'était résumée à des douleurs insupportables, une hospitalisation qui me rendait nostalgique. Comme si j'avais déjà vécu ça, ou connu quelqu'un qui avait eu ça… Je ne comprenais plus. Et je cherchais à comprendre. Je m'étais découvert un talent pour les arts martiaux et le violon, apprenant à une vitesse surprenante. Je me savais intelligent voir doué, mais à ce point… Réminiscence du passé ? C'était là ma seule certitude. Reprendre tout ceci en plus des cours, fût dur. Et terriblement douloureux. J'étais faible. Bien que je récupérais une carrure musclée, deux heures de pratique et je frôlais le malaise.
Ça m’insupportais d'être si faible, si pitoyable. Je n'en perdais pas ma verve et mon expression glaciale, même sous la douleur. Je voulais des réponses. Savoir qui j'étais. Et pourquoi le pensionnat s'était affairé à me garder si longtemps au chaud ? Tout clochait. Et ça ne m'allait pas. Je veux des réponses. Et je les aurais. Quitte à retourner ce lieu s'il le faut. Un nouveau terrain s'offrait à moi. A moi d'en prendre les mesures et de faire qu'il soit mien. Oui, c'était là l'objectif. Et c'était sans compter que j'allais de nouveau revenir à l'étage des M. Et devinez avec qui ? Le pilonne. Oui, Thor, en personne, encore. Le destin à l'humour gras. Ça tombe bien, j'ai à dépenser.