Ah, le traditionnel entretien d’embauche. Ce n’était pas comme si tu en avais passé des tonnes pour un véritable emploi mais vu le nombre de fois où tu t’étais retrouvé dans un bureau à devoir répondre à des questions toutes préparés par un professionnel dans le cadre d’un stage tu n’étais, bien évidemment pas étonné. Toujours les mêmes questions… Toujours mais pas cette fois-ci. Pour cet entretien tu n’avais eu qu’une question… étonnamment « générale » d’ailleurs :


Tu avais été invité dans cet établissement pour une « petite évaluation ». Un étrange petit bonhomme t’avait abordé le jour même de l’obtention de ton diplôme, en te disant qu’il souhaitait un peu de sang frais dans les veines de son établissement. Avec ton look de membre d’un groupe de rock, cheveux noir aux mèches roses, lentilles de la même couleur, ton mètre soixante-quinze, ton tatouage de lotus entre les épaules, habiller d’un t-shirt et d’un jean et ayant quelques cicatrices –une allure un peu atypique–  tu avais plus l’air un étudiant en art que d’un futur Prof’ d’Histoire et pourtant tu te retrouvais dans le bureau du directeur afin d’obtenir ce poste. Un véritable cadeau du ciel, tu avais bien évidemment montré ton intérêt pour cette offre dès qu’on te l’avait proposée, le chômage ne t’intéressait pas le moins du monde et tu étais du genre à saisir les occasions lorsqu’elles se présentaient.
Mais revenons à nos moutons.

Certes tu étais venu habiller de manière un peu plus formelle sans être pour autant trop décontracter ; c’est-à-dire chemise et pantalon. Tu pensais devoir être sur ton trente-et-un, histoire de faire bonne impression et bien que tu préfères choisir toi-même ton accoutrement, l’uniforme ne te déplaisait pas pour autant. Cependant, la question qu’il t’avait posée ne devait pas être portée sur le physique. Il avait des yeux et il savait s’en servir non ?
Tu entamas donc un bref résumé de ta personnalité.

Plutôt sociable, enjoué et ouvert ; tu n’avais aucun mal à laisser parler les autres, à les observer sans dire un mot pour mieux les comprendre. Par contre tu étais plutôt têtu, quand tu avais quelque chose en tête tu n’en démordais pas, peu importe de quoi il s’agissait.
Bon, tu étais aussi un peu maladroit – mais pas empoté – , disons simplement qu’il valait mieux ne pas se trouver près de toi lorsque tu utilisais un couteau et ce n’est pas les cicatrices sur tes mains qui démontrerons le contraire.
Tu t’appliquais tout particulièrement dans tes entreprises, dans tes relations amicales et sentimentales comme pour le travail. Pour ce qui est du genre qui t’attirait c’était ce qui s’apparentait de près ou de loin aux femmes, cependant, tu gardais ce genre de détail pour toi, non pas que tu étais pudibond ou autre, simplement que ce n’était pas les affaires du directeur.

Visiblement tes quelques mots ne suffisaient pas au vieil homme, il te dit donc, dès que ton silence fût un peu trop long :


Des élèves qui ne rentraient pas dans le moule ? Et bien pendant tes différents stages tu n’avais jamais eu à prendre en charge et donc tu ne pouvais pas parler d’expérience. Cependant tu ne t’imaginais pas vraiment traiter tes élèves différemment les uns des autres. Tu étais du genre à essayer d’unifier un groupe, qu’il soit soudé et à éviter les conflits dans la mesure du possible, sans pour autant être laxiste. Bien sûr tu étais capable de faire du cas par cas et tu le ferais si besoin, mais traiter les gens comme différents c’était en quelque sorte les exclure et à tes yeux il n’y avait pas de normalité, donc au final pas de méthodes différentes à adopter.
Tu te frottais légèrement la nuque, nerveux. S’il y avait bien autre chose que tu étais c’était honnête et sincère, le mensonge n’était pas une option valide à tes yeux.

Le directeur esquissa un sourire mystérieux qui pouvait très bien signifier une chose comme son inverse. Plutôt doué pour ne rien laisser paraître ce vieux bougre.

Voilà maintenant un peu plus 25 ans que tu as vu le jour.
C’était une après-midi pluvieuse comme il y en avait tant en ce pays. Une après-midi où le temps lui-même, semblait retenir son souffle face au miracle qu’était la venue en ce monde d’un nouvel être. L’accouchement, bien qu’ayant eu lieu au domicile familial et non dans un hôpital se passa sans le moindre encombre et toi, le jeune garçon qui se mit à crier pour la première fois fût nommé Gabriel. Pourquoi Gabriel ? Parce que. C’était venu à l’esprit de sa mère, Elisabeth à la seconde où elle l’avait eu dans ses bras.

Ni pauvre ni riche, tu grandis auprès de parents qui t’aimaient et t’encourageaient durant toute ton enfance. Mais les choses ne restent jamais roses et simple à jamais. À peine arriver au collège, que tu trouvais Papa avec une deuxième Maman ainsi que Maman avec un deuxième Papa. Ce genre de choses arrivait tout le temps à la télé, mais tu étais loin de penser que cela t’arriverait un jour.
Dans les années qui suivirent tu t’enfermas dans ta chambre dès que tu passais la porte de la maison de ton père ou de l’appartement de ta mère ; les études et les amis étant tes seuls moyens d’échapper de ce foutoir qu’était tes relations familiales.
Alcool, pleurs et parfois même violence ; tu n’osais pas ne serait-ce qu’imaginer ce qui se passait de l’autre côté de cette porte, les entendre c’était déjà bien assez...

Tu décrochas rapidement une bourse grâce à tes bons résultats et tu en économisais chaque centime dans l’optique de pouvoir rejoindre une école supérieure digne de ce nom dès ta sortie du lycée.
L’environnement scolaire étant un havre de paix à tes yeux, tu orientas tes études de manière à y rester le plus longtemps possible. Les choix pour rester dans le circuit scolaire ne manquait pas, mais l’étude de l’Histoire et le fait de transmettre tes connaissances te semblaient un meilleur choix que CPE, ou bien ses horribles mathématiques… Brr, rien que d’y penser tu en avais froid dans le dos.
Plus les années passaient et plus tu reprenais goût à la vie, t’épanouissant à travers ton cursus scolaire et voyant les soucis familiaux s’atténués, ne serait-ce qu’un peu. Tu t’affirmais un peu plus auprès des autres, laissant libre cours à tes envies diverses et t’ouvrant à nouveau au monde. Te payer une guitare ainsi les cours qui vont avec ; partir en soirée dans un pub avec quelques amis ; te teindre partiellement les cheveux ou bien déclarer ta flamme à cette jeune femme de la 3ème rangée de l’amphi’ qui t’avais un jour fait un clin d’œil. Tout ça revenait dans le champ des possibles, et ces possibilités tu les avais concrétisées.

En bref tu as connu une vie on ne peut plus normale, avec des hauts et des bas. Tu as voyagé un peu partout en Europe, tu prends régulièrement des nouvelles de ta mère et ton père et pour finir, ça faisait maintenant trois semaines que tu étais enseignant dans cet établissement. Si bien sûr si avoir été engagé en plein milieu des vacances d’été permettaient d’être déjà considéré comme enseignant à part entière. D’ailleurs maintenant que tu y pensais, le directeur t’avait demandé de le rejoindre dans la salle 3.4 en début de soirée.

C’était aux alentours de 18h que tu avais décidé de rejoindre le directeur à l’endroit convenu : La salle 3.4.
Le silence était total, hormis bien évidement le bruit de tes pas qui résonnaient dans les longs couloirs du pensionnat. Seules quelques minutes à peine avaient été nécessaires pour que tu arrives à l’étage supérieur, celui de la mystérieuse section M.
Tu avais déjà eu l’occasion de croiser quelques-uns de tes collègues. Par pure curiosité tu leur avais demandé de quoi cette fameuse section retournait, mais tu n’avais pu glaner que deux types de réponses : « Aucune idée, leurs professeurs n’en parlent jamais. » ou bien, lorsque tu posais la question aux enseignants concernés « Demandez plutôt au directeur, je ne peux rien vous dire sur ce sujet. »

Autant vous dire que tous ces mystères t’avaient pour le moins intrigué. Tu en avais bien évidemment fait part au directeur qui m’avait dit de le retrouver devant la salle 3.4 le soir même, qu’il y aurait toutes les réponses à mes questions dans cette fameuse salle, d’habitude interdite à tout le monde dans ce pensionnat.
Tu étais comme un gosse devant un magasin de bonbon. Impatient, ne tenant pas en place et surtout ne te rendant pas compte de ce qu’il y avait autour de toi, ou du moins qui était silencieusement en train de te regarder gesticuler depuis sans doute deux bonnes minutes c’est-à-dire le directeur.
Il s’éclaircit un peu la voix avant de te dire :


Il esquissait une fois de plus son sourire malicieux, mais tu étais bien trop excité pour t’inquiéter de quoi que ce soit.

Tu lui répondis en souriant à ton tour :

- « Oui monsieur le Directeur. Je dois avouer que vous êtes plutôt doué pour faire monter le suspens. »

Il mit la main dans sa poche et la fouillait quelques secondes, avant d’en sortir une belle clé en argent, de s’approcher de la serrure et de déverrouiller la porte sans pour autant l’ouvrir.
Il attendit quelques secondes avant de finalement appuyer sur la poignée et de m’inviter à entrer.
Toujours aussi souriant tu rentrais dans cette pièce faiblement éclairée et dis, pensant simplement à haute voix:

- « Alors qu’y a-t-il dans cette pièce..? »

Tu obtins pour seule réponse un léger rire, qui te semblait de plus en plus disant, avant d’entendre :


Au moment où sa phrase fût conclue la porte se ferma. Tu tournais la tête vers cette dernière et cherchait à l’ouvrir… Cependant c’était impossible.
Ton euphorie, encore présente quelques secondes auparavant, c’était envolée ; laissant place à un sentiment d’angoisse et un nœud te serrant l’estomac. Lentement, tu tournais à nouveau la tête vers la pièce, vers la seule lumière l’éclairant.
A ta grande surprise, tu remarquas que tu n’étais pas seul dans cet endroit ; endroit qui ne semblait cesser de changer à chaque fois que ton regard quittait quelque chose pour en observer une autre.
Une seule chose restait immobile dans cet espace : un homme et le rocher sur lequel il était assis.

Pendant que tu te demandais comment une telle pierre pouvait se trouver au troisième étage d’un pensionnat et pourquoi tu n’arrivais absolument pas à trouver un autre point de repère, l’homme adopta une posture qui te semblait similaire au Penseur de Rodin, avant de s’exprimer dans une langue qui n’était vraisemblablement pas de l’anglais.
Étrangement tu l’avais compris. Et plus étrange encore tu lui avais répondu dans le même dialecte de manière automatique:

- « Excusez-moi, mais je ne comprends pas ce que vous m’avez dit. »

Tu posas ta main sur ta bouche, à demi ouverte. Comment était-ce possible ? C’était comme si tu avais parlé cette langue toute ta vie.
Une fois de plus tu te questionnais et fût interrompus à nouveau de tes pensées par cette même phrase que l’homme avait prononcé précédemment.

- « Ainsi tu es le jeune Midgardien dont je serais l’hôte. Mon nom Heimdall, Dieu gardien d’Asgard. »

Sous le choc, tu ne sus pas quoi répondre. Une bonne trentaine de seconde passait, sans que l’homme ne lève un sourcil, mécontent de n’avoir aucune réponse. Bien au contraire, il restait impassible, comme figer dans le décor. Comme attendant une réponse quelconque pour être de nouveau loquasse.
Tu te mis une baffe, afin de vérifier que tu ne rêvais pas. La douleur s’élançant dans ta joue droite t’indiquait que non, tu ne rêvais pas. Tu inspiras un bon coup avant de répondre au dénommer Heimdall :

« Mon nom est Gabriel Mc. Aullief. J’avoue ne rien saisir à la situation ; si je suis en pleine hallucination ou si ce que je vois, entend et raconte est vrai… Qu’est-ce qui se passe au juste ? »

S’en suivi une longue explication, ayant duré plusieurs heures ou plusieurs jours. Ta notion du temps n’existait plus dans cet endroit, mais une fois que tu en fus sortis tout était clair dans ta tête. Une déité scandinave avait maintenant élu domicile dans ton corps. Vous deviez vivre l’un avec l’autre à présent. Fort heureusement pour toi et ton intégrité mentale et physique, ce bon vieux Heimdall était plutôt du genre passif et observateur, il t’avait bien fait comprendre qu’il n’avait pas l’intention de s’engager dans une lutte de force avec toi pour prendre totalement possession de ton corps, qu’il n’avait pas besoin de cela pour accomplir la tâche qui est la sienne c’est-à-dire surveiller et donner l’alerte en cas d’attaque… Du moins tant que son roi, Odin ne lui donnerait aucune indication.

Tu profitas donc du reste des vacances scolaires pour te familiarisé à la présence de ton hôte, pour en apprendre sur lui ainsi que ce qu’il t’apportait en contrepartie de cette cohabitation pour le moins forcée.
Grâce à l’aide du Professeur de maitrise des pouvoirs et d’un entrainement quotidien, tu arrivais petit à petit a usé des talents visuels de Heimdall. Certes contrairement à lui, tu ne pouvais pas voir jusqu’à la ligne d’horizon de manière parfaite et quand tu le souhaitais, mais tu étais déjà capable de voir tout ce qui se passait au sein d’une salle de classe et ce, plusieurs fois par jour.
Pour les essais nocturnes, ils se soldaient tous par des échecs à ce jour mais tu te disais que ça viendrait plus tard, après tout il venait seulement « d’emménager chez toi ».
Tu fus muté par la suite dans la section M, en tant que Professeur d’Histoire. Tu allais devoir revoir ton programme d’ailleurs, civilisations Grecque, Égyptienne, Scandinave, Chinoise et Celte au programme plutôt que les traditionnelles 1ère et 2nd Guerre Mondiale. Direction l’antiquité avec des choses vraiment, vraiment plus intéressantes.