Swanhild, l'équilibre parfait entre la douceur et la brutalité, son prénom le souligne bien. Swan, le cygne, qui symbolise la lumière, la pureté et même l'amour. Puis la deuxième partie, Hild, qui veut dire bataille, est complètement à l'opposé au premier fragment qui se veut si pacifiste. Cette dualité correspond bien à Swanhild; c'est ce qui la représente, en fait.

De nature sérieuse, droite et ordonnée, Swanhild est votre professeure très assidue à la tâche de l'enseignement. Dans son cours, l'échec est interdit. Bien que froide, elle a une tendance à couvrir et encourager ses élèves d'un point de vue purement objectif; elle n'a aucun problème à répondre aux questions et donner de son temps afin d'aider ceux-ci. Dotée d'une patience constamment mise à l'épreuve, on pourrait presque dire que l'instinct maternel est fort chez elle, si seulement sa froideur ne couvrait pas son côté amical d'une fine couche de givre. Elle reste en tout temps professionnels et sa classe est mieux que disciplinée; si vous êtes du genre à faire le petit malin, Swanhild se fera une joie de vous remettre sévèrement à votre place. Elle adore la bonne ambiance lors des heures de cours et la participation des élèves qui prennent goût à l'art, la matière qu'elle enseigne avec beaucoup d'amour puisqu'elle est sa plus grande passion.

Hors cours, Swanhild est la même personne, à quelques différences près. Bien sûr, son caractère bien trempé de sauvageonne ressort beaucoup plus lorsqu'elle n'est pas au travail. Par sauvageonne, je ne veux pas dire agressive, non, non. Je parle plutôt du fait qu'elle est désintéressée et a tendance à fuir les gens. Plus froide, secrète ainsi que bornée, les gens ne l'intéressent pas et elle ne cherche pas le contact d'autrui. Swanhild est une femme introvertie, et son monde intérieur est très riche, composé de mille idées, éclatés, où elle doit réfléchir afin de les reconstituer pour créer ses œuvres d'art, seule, chez elle. Si elle passe autant de temps en solitaire, c'est pour nourrir son imaginaire et par la même occasion reposée son esprit actif et penseur. Bien que silencieuse, Swanhild est une femme aux émotions fortes, et qu'elle le veuille ou non, sa sensibilité—qu'elle voile précieusement—l'épuise souvent, à son mécontentement; mais c'est grâce à cette faculté sentimentale qu'elle performe si bien dans les arts visuels et qui fait d'elle une bonne artiste.

Autrefois plus chaleureuse, Swanhild ne retire plus son éclat pour son aura joyeuse. Abandonnant son côté affectueux et ''humain'' pour la pure classe, cette femme semble intouchable, voire insensible—mais elle n'en reste pas la moindre douce. La tonalité de sa voix est calme et posée, bien qu'un peu rauque; ce qui la rend au final beaucoup plus mystérieuse que simplement gentille ou attentionnée. Dans tous les cas, l'artiste se présente toujours avec classe et l'élégance est toujours de mise. L'éloquence naturelle de son regard gris, l'aisance des mouvements de ses mains lorsqu'elle s'exprime, ou encore la légèreté de ses pas sûrs, accentués de ses talons aiguilles.

Même si Swanhild démontre un sang-froid et un calme hors pair, elle a tout de même ses instants de colère—même si elle préfère éviter cet état d'âme. En cas de dispute, la jeune femme va tout faire pour tenter de vous surpasser; si vous criez, elle tentera de hurler plus fort que vous. Si vous osez lui faire quelconque mal physiquement, l'Allemande frappera plus fort, en plus de vous balancer ses talons hauts par votre tête. De nature capricieuse et orgueilleuse, madame Faust déteste lorsque les choses ne sont pas comme elle le veule et hors de son contrôle. Swanhild a beaucoup de mal à se laisser aller, et elle ne voit pas l'intérêt en les choses auxquels elle ne juge pas pratique. Elle ne sourit pratiquement jamais, son visage la plupart du temps neutre—ses lèvres ayant plus tendance à courber vers le bas en signe de dédain ou de dégoût. En classe, certains peuvent cependant déceler un faible sourire se dessiner timidement sur son visage, sans qu'elle s'en rende compte.

Ayant repoussé les gens loin d'elle depuis longtemps, Swanhild a oublié la sensation et les bienfaits d'une amitié forte. Maladroite avec les gens et les réactions d'autrui, elle se voit désarmée, ce qui peut la rendre souvent impatiente voire agressive, brutale. L'artiste préfère donc fuir afin d'éviter toutes complications. S'exprimer, pour elle, est une chose bien difficile—ses crayons et pinceaux parlent mieux qu'elle. Sans pour autant être une mauvaise personne, ses intentions sont généralement bonnes et elle se fait très protectrice, particulièrement avec ses élèves, même si elle reste très exigeante. Complètement détachée des relations personnels concernant l'humain, elle reste curieuse. Très curieuse. Il n'est pas rare de la voir le nez dans des livres—elle ne lit pas des petites histoires !—lorsqu'elle n'est pas préoccupée à dessiner.

Admiratrice de la haute couture, Swanhild arbore toujours des vêtements stylisés, qui colle bien avec ses goûts d'esthétismes recherchés. La mode, ça la connaît. Superficielle ? Peut-être, mais seulement pour elle-même. Les beaux habits l'attirent et elle aime vêtir ce qu'elle apprécie vraiment. L'artiste prend énormément soin de son apparence et y prend une satisfaction énorme à se chouchouter; le petit pourquoi elle adore se maquiller et prêter attention à sa peau. Se présentant toujours avec une paire de talons aiguilles, elle fait un mètre et soixante et onze—sa taille sans ses talons est une information confidentielle. Une crinière platine se trouve sur sa tête, une chevelure des plus sauvages où malgré le désordre, chaque mèche blonde à sa place, précisément. À son visage, des yeux bleus, se rapprochant beaucoup plus au gris, caractérisent son regard discret—ses yeux que l'ont peu jugé en permanence mi-clos. L'œil gauche de Swanhild est, par ailleurs, aveugle.

L'artiste n'a pas de courbes majeures, puisqu'elle possède un corps plutôt fin. Svelte, elle bénéficie de longues jambes souples. Son physique est humble, et cela ne l'empêche pas de s'aimer pleinement. Son visage possède tout de même une beauté naturelle, la délicatesse de ses traits en plus de son regard énigmatique apportant une certaine fraîcheur... ainsi que de piquer la curiosité.

Née en pleine nuit à Berlin lors d'un orage lors d'un été chaud, Swanhild naquit en pleine santé, en tant que petite fille unique, d'une mère suédoise et d'un père allemand. Sa mère, Milla, est mannequin et une actrice tout de même assez connue. Quant à son père, Jonathan, celui-ci est photographe de mode. Je vous laisse deviner comment ces deux mortels se sont rencontrés.

L'Allemande fut élevée dans une grande maison spacieuse, où la famille avait même leur propre majordome, ses parents ayant plus que les moyens vu leurs salaires respectifs. Ceux-ci étant souvent occupés et loin de la maison pour des longueurs de temps qui variaient, elle s'attacha rapidement à Anselm, le majordome, la seule présence dans cette luxueuse, mais si silencieuse maison. Anselm, par ailleurs, s'occupait de Swanhild comme si elle était sa propre fille. Bien qu'il n'y ait aucun lien de sang reliant ces deux êtres, ils s'entendaient à merveille. Anselm avait un don pour piquer l'attention de Swanhild, de cette fillette curieuse et fascinée par le savoir, et cela lui faisait plaisir de l'éduquer dans toutes sortes de matières.

Tôt, elle développa—inconsciemment—un amour pour le dessin et la peinture, ou simplement tout ce qui touchait l'application de couleurs sur un support visuel; les murs de la maison inclus... Anselm devait travailler fort afin de tout nettoyer les œuvres de Swanhild, même s'il aimait chaque trait qu'elle avait appliqué impulsivement.

Swanhild eut une enfance calme, dîtes normal. Ses parents l'envoyèrent à l'école privé, où ses notes étaient en moyenne haute. Elle passait la plupart du temps inaperçue, de nature réservée et discrète. Loin d'être populaire, la jeune fille s'était tout de même fait un cercle social respectable, qui la sauvait souvent d'un ennui constant lorsqu'elle était à l'école. Jeune, Swanhild avait déjà l'esprit clair et malgré sa timidité, elle n'était pas influençable ou facilement intimidée par autrui. Loin d'être agitée ou rebelle, elle ne sortait presque jamais de la maison familiale, préférant passer son temps seule avec son imaginaire un peu trop vaste ou simplement avec Anselm—ainsi que ses parents, lorsqu'ils étaient miraculeusement présents... malgré leurs absences constantes, Swanhild n'a jamais ressenti une quelconque rancœur ou haine envers eux.

En dehors de l'art et des sucreries, Swanhild aimait une autre chose par-dessus tout; et cette chose était Batman. Oui, oui, Batman, l'homme chauve-souris, le super-héros. Si elle était fan de cet univers de crime fictif, c'était pour Alfred Pennyworth, le majordome de Bruce Wayne, qui lui rappelait énormément Anselm. La ressemblance amusait beaucoup la petite et taquinait souvent celui-ci. Même si elle était une fillette, Swanhild, pour Anselm, était bel et bien sa propre version de Batman.

Les années se succédèrent et Swanhild passait toujours ses cours aisément. Alors qu'elle tentait de s'engager (à l'aide de plusieurs activités comme le théâtre) dans les voies les plus probables que ses parents avaient pisté pour elle, les formes d'art qu'ils exerçaient n'étaient pas assez éclaté et intime pour elle. Swanhild aimait déborder du tableau. Les couleurs vives. La possibilité de toujours remanier son œuvre comme elle le souhaitait. Qu'il soit palpable. Donner vie à son imaginaire. Elle était trop discrète pour complètement s'afficher devant autrui, même sous un rôle fictif; et la photographie trop droite, réelle et sensée. Les lignes droites l'exaspéraient. Il fallait que tout vibre. Il fallait qu'elle rende quelque chose de vide et statique en vivant et émouvant. L'Allemande poursuivit donc ses études dans les arts visuels pour ensuite aller à l'Académie des beaux-arts de Berlin, où ses œuvres sont aussi colorées et distrayantes que celles d'Andy Warhol et démesurées de Jackson Pollock. Elle devient une adoratrice de Vincent van Gogh et Barnett Newman.

C'est pendant ces années d'études qu'elle rencontre un jeune norvégien de son âge venu étudier en Allemagne, Tomas Omdahl. Lui aussi artiste, les deux se lient vite d'amour, et c'est une véritable histoire romantique qui s'ensuit; les deux jeunes tourtereaux convaincus qu'ils ont rencontré leur âme sœur respectif. À peine sortis de leurs études, ils se marient, et Swanhild ne pourrait être plus heureuse que la vie se déroule de la sorte. Bien que leur amour soit loufoque et hors norme, il était véritable et fort. Peu de temps après leur mariage, Swanhild suit son amour qui voulait retourner un moment en Norvège proche de sa famille, dans un petit village bien reculé. Là, tout en prenant soin d'apprendre la langue d'origine de sa deuxième moitié, elle entreprend des études en enseignements de l'art. Vers la fin de son programme, la jeune artiste tombe enceinte, une situation que le couple n'essayait pas vraiment d'éviter; ils laissaient simplement le hasard décider pour eux. Comme prévu, la nouvelle éleva leur bonheur et la vie continua.

Toujours en Norvège, au sein de son hiver, le couple avait prévu de retourner en Allemagne une fois que Swanhild aurait donné naissance à leur fils. Oui, c'était un garçon ! Swanhild obtenue aisément son diplôme en enseignement, et continua paisiblement ses œuvres alors que les mois de sa grossesse défilaient. Or, une surprise de taille attendait le jeune couple. Contre toute attente, Swanhild était prête à mettre au monde son petit garçon un mois en avance de la date prévue. Cette anomalie força le couple à sortir du village pour se rendre à la ville la plus proche; ville qui était à une trentaine de minutes en voiture.

Proie d'un mauvais pressentiment—appelez cela l'instinct maternel, aussi nouveau qu'il soit—la jeune Allemande était plutôt tentée de rester dans le foyer afin d'accoucher, mais Tomas réussit à convaincre celle-ci de se déplacer malgré le blizzard qui faisait rage à l'extérieur. Une fois sur la route, il était trop tard pour rebrousser le chemin. La tempête compliquait bien le trajet et malgré la prudence de Tomas, le véhicule bascula sur la glissade de glace qui s'était formée sur la route, caché sous la neige infernale. La voiture dégringola le long d'une colline, et bien qu'elle n'était pas très haute, l'impact fut meurtrier. Tomas mourra sur le premier choc, la tête violemment fracassée contre le pare-brise. À la fin de leur chute, la voiture était complètement renversée. Swanhild fut blessée au visage, et elle ignore toujours ce qui lui a percuté l'œil de la sorte, mais la blessure lui enleva la possibilité de voir.

Malgré la douleur et les larmes, l'Allemande fut contrainte d'accoucher malgré la situation horrible. Appelant désespérément son amour, l'Allemande remarqua tôt que ses efforts étaient futiles, et se força à accepter la réalité... pour le moment. Se délivrant de la ceinture de sécurité, elle prit place comme elle le pouvait au sein de la voiture accidentée et renversée. Avec aucun moyen pour demander des secours, Swanhild fut obligée de donner naissance à ce moment, au sein d'une catastrophe. À ce moment, elle contempla avec joie que son ventre n'était pas du tout abîmé malgré les secousses. L'adrénaline la poussa à faire un miracle et la détermination d'une jeune mère pour le bien-être de son enfant la mena à accomplir la lourde et exténuante tâche.

Aveuglée par le désir de survivre et de sauver la vie de son fils, elle coupa le dernier lien qui restait entre elle et son enfant. Les pleurs stridents de son fils—Ludger—la fit pleurer de joie... et d'un chagrin sans mesure. L'artiste recouvrit son fils de son manteau, de son écharpe—de pratiquement tout ce qui la couvrait, comme elle le pouvait, espérant lui donner le plus de chaleur possible. Le gardant près de son corps de toutes ses forces, Swanhild espérait que le tout serait suffisant et que par miracle, des secours viendrait bientôt grâce à un témoin de la scène catastrophique. Acharnée et combattant la fatigue afin de rester éveillée, sa lucidité n'était plus, et elle perdue conscience. Malgré la disparition de rigueur dans le corps de la jeune femme, Ludger était toujours retenu contre elle avec les bras les plus protecteurs et chaleureux qui soit. Jamais ses bras ne cédèrent.


S'il vous plaît, faites que tout soit un mauvais cauchemar... que ce n'est pas vrai...

Les mots que réfléchis Swanhild, à chaque réveil, dès que sa conscience redevient claire. Depuis l'accident, rien n'est comme avant. Le bonheur a sombré dans le passé. La chaleur de Tomas n'est plus. Parfois, lorsqu'elle se concentre—ou peut-être trop enfoui dans ses désillusions, ses chimères, seraient plus appropriées—elle arrive à ressentir le toucher fantôme de son amour.

Ludger. Ludger. Elle se rappela lorsqu'elle s'est réveillée à l'hôpital, faible, confuse, seule. Sa mémoire avait oublié le tragique événement. En l'espace d'une seconde, son esprit se remémora le visage vide et blême de son jeune mari. Mort. Terrifiée et seule dans la pièce, dans son lit, la jeune mère s'époumona à hurler le prénom de son fils, sa présence lui manquant déjà trop. Un médecin l'informa bientôt, suite à son réveil bruyant, que son fils n'était plus.

La Norvège n'avait plus rien pour elle. Le retour en Allemagne se fit aussitôt qu'elle avait récupéré ses forces. Swanhild se fit accueillir par ses parents et sans oublier, par son cher Anselm. Si elle pouvait se mouvoir, c'était bien l'une des seules choses qu'elle pouvait accomplir; ses forces étaient minimes. Maintenant aveugle d'un œil, elle mangeait à peine, dormait que très peu et ne parlait pratiquement plus. Enfoui dans une profonde dépression, Swanhild ne cherchait pas à s'en sortir. Son entourage tentait tant bien que mal d'aider cette autrefois si joyeuse femme, mais l'éclat de son bonheur était complètement disparu, dissiper, détruit. L'artiste est devenue que le vulgaire fantôme de la femme qu'elle était. Anselm tentait, presque à chaque jour, de redonner à Swanhild le goût de l'art; mais son opposition était des plus farouches. De détruire se qu'on lui offrait jusqu'à repousser brusquement la main avec lequel on lui proposait, un refus violent était toujours de mise.

Après quelques mois, Anselm réussit, après maintes tentatives, à redonner à Swanhild ses outils de créations. C'était, pourtant, une journée comme une autre. Une série de création s'enchaîna rapidement, et ce n'est point la patte artistique qu'autrefois. Du pop-art au ténébrisme, l'expressionnisme abstrait au caravagisme... tout était sombre, lugubre et définit. Cette période dura au moins un an, avant que Swanhild ne daigne de retrouver un goût à la vie, aussi petit soit-il, une nouvelle lueur d'espoir naissant en elle.

Ses forces lui revenaient peu à peu ainsi que l'envie de combattre pour regagner sa vie. Les couleurs vives se retrouvèrent à nouveau sur ses pinceaux. Par la même occasion, un poste au sein d'une école, bien loin de chez elle, lui fut offert; une proposition des plus curieuses... qui piqua l'intérêt de l'artiste. Si enseigner l'art pouvait lui permettre de sortir du gouffre davantage, elle devait tenter sa chance. Se déplaçant donc pour vivre en Irlande, elle ne partit pas seule pour sa destination; elle devint la nouvelle employeuse d'Anselm, qui suivit Swanhild dans sa nouvelle aventure.

Leur lien est ambigu. Si Swanhild est bourré de contradictions, il en est de même pour Odin.
Swanhild refuse de céder quelconque accès à Odin, malgré qu'elle soit bien consciente qu'il pourrait facilement utiliser la force pour parvenir à ses fins. N'importe quel être humain serait craintif et aurait peur à la présence d'un dieu dans leur tête, mais après quelque temps, Swanhild est devenue plutôt... insouciante. Téméraire. Elle ne s'empêche pas de rétorquer parce qu'elle abrite le chef des Ases. Après l'événement qu'elle a traversé, la mort (autrement dit la possession complète) est loin d'être le pire châtiment qui pourrait lui arriver.

Plus ou moins habituée à la présence du dieu nordique, l'artiste est beaucoup plus agressive que son partenaire l'est. Dieu de la sagesse, Odin cherche à comprendre son hôte, et il est beaucoup plus malin que Swanhild pour s'abandonner à la colère et la confusion lorsque cela ne lui plaît pas. Swanhild complique la tâche en masquant tout—particulièrement ses émotions, ainsi que l'événement tragique de son passé. Si Odin prenait souvent l'identité d'un vagabond, il n'est pas différent aujourd'hui; pouvant s'absenter plusieurs jours, Odin s'enferme dans l'esprit de Swanhild afin de mieux la déchiffrer et comprendre sa vie, fouiller dans les détails, sans lui demander ou la forcer. Il ressort toujours victorieux. Minutieux ? Curieux ? Rusé ? Personne ne peut en douter, et la perspicacité de cet être divin exaspère l'Allemande.

Prenant en quelque sorte le rôle de mentor, Odin cherche absolument à tout savoir ainsi que de redonner ses connaissances, sans être vraiment clair dans ses ''enseignements''... Il veut par-dessus tout accentuer sa propre sagesse et par la même occasion, celle de Swanhild. Même si la jeune artiste reste très têtue, il faut quand même admettre que le dieu nordique sait l'amadouer et attirer son attention...


Ses doigts fins et pâles retrouvèrent la couverture du livre, et fermèrent lentement le bouquin. La Saga de Hervor et du roi Heidrekr. Une saga islandaise qui relate des faits présentés comme réels, en mettant en scène les anciens Scandinaves. Depuis l'événement de la salle 3.4, Swanhild avait entrepris de connaitre plus en profondeur ce que l'on avait écrit sur son partenaire. Parce que oui, l'Allemande n'était plus seule. Odin avait pris place au sein de son crâne, contre son gré.

Si on m'avait prévenu que mon poste était synonyme de colocation spirituel, je ne pense pas que j'aurais embarqué dans ce paquet de troubles.

N'importe qui reste sous le choc après la possession. N'importe qui fait attention à ce qu'il pense après être affecté par ce lien... étrange. Swanhild est toujours plus lousse lorsque Odin est absent—oui, Odin s'absente. Troquant son noble casque ailé pour un chapeau sombre pointu, sa lance Gungnir pour un vieux bâton de marche, monsieur barbe grise (c'est l'un des surnoms que Swanhild aime bien utiliser) part vagabonder dans les recoins sombres de la conscience de l'artiste. ''Old habits die hard'', dit-on. Enfin, c'est ce qu'il avait expliqué. Malgré cette précision, la jeune femme y voit possiblement une excuse; peut-être qu'au final, il reste simplement silencieux pour mieux l'observer... on dit que Odin est aussi sage qu'il est rusé, et elle s'en méfie constamment.

Dans son salon, au chaud à l'intérieur de son appartement, Swanhild ramène ses genoux proches d'elle, posant le livre juste à ses côtés. Elle prit, d'une main absente, la tasse de café préparé par Anselm quelques minutes auparavant qu'il quitte les lieux pour faire les courses. Du bout des lèvres, l'artiste sirote—merde, siffle l'Allemande, vexée par sa mégarde. C'était un peu trop chaud.
Réfléchissant au dernier texte qu'elle avait lu, ses pensées étaient toujours fixé à trouver la réponse. Il n'est point difficile de la trouver lorsqu'on partage sa tête avec la personne concernante. Il s'agit de Odin... et de son fidèle destrier, Sleipnir. Récupérant un livre à la vieille couverture de cuire, elle l'ouvrit, n'oubliant pas de s'armer d'un crayon noir HB bien aiguisé.

Un cheval gris dit fabuleux, possédant huit jambes, capable de se déplacer au-dessus de la mer comme dans les airs. Les lèvres de l'artiste s'étirent en un sourire malin, feignant de bouger légèrement la tête en haussant les épaules. On tire des bons bonus quand on est un dieu—surtout lorsqu'on est le Père. Oui oui, avec un gros P majuscule bien gras. Le salaire doit être plutôt bon.

Appuyant la mine du crayon contre la feuille vierge, Swanhild trace lentement, mais sûrement, un cheval. Un cheval doté de huit pattes. Plongé dans son esquisse réaliste, son esprit ne se promène plus d'une idée à l'autre. S'appliquant davantage sur les muscles du fauve divin, elle ne remarque pas que sa posture a changé. Plus rapprochée de son carnet de dessins, elle sursaute à la voix familière qui la surprend.

- Sleipnir, constate le dieu, d'un ton intéressé.
- En voilà un qui revient d'une longue route, lui rétorque l'artiste, calmement. Quelque chose dans sa voix laissait sous-entendre que son retour n'était pas vraiment la bienvenue. La chasse a été bonne ?

Un petit silence s'installe, et le dieu ne répond pas tout de suite—ou il ne rétorque simplement pas. Swanhild continue d'appliquer ses traits précis et juste, tandis que Odin murmure son approbation, qui réjouit secrètement la jeune femme. L'artiste ne retient aucune rancune envers son partenaire qui semble refuser de lui répondre. Rien n'est différent de d'habitude. Bien qu'ils soient inévitablement toujours ensemble, leurs moments se dévoilent à être silencieux... comme s'ils cherchaient à s'ignorer. Swanhild dirait que c'est exactement cela—Odin dirait qu'ils sont simplement complices, inconsciemment, dans leur furtivité.

- Ta représentation n'est pas loin de la véritable version. J'aimerais voir Freki et Geri, de tes traits aguerris, requête sérieusement le dieu. Odin parle souvent en rime, pour son propre plaisir. Voleur de l'Hydromel poétique, cette boisson lui a donné le talent de poète.
- Les deux loups d'Odin, pense-t-elle pour elle-même par pur réflexe. C'est une habitude—étant autrefois seule dans son corps—que le dieu du savoir n'a jamais fait de remarque, à la joie de Swanhild.

Le cheval sur la page de gauche, et les canidés sur la droite. Les loups, bondissant, apparaissent aisément sur la feuille jusqu'à maintenant vide. Odin, à travers ses yeux, observe. Il est vrai que le dieu nordique aimait bien le talent développé de son hôte, et pouvait passer des heures à admirer sur quoi elle s'appliquait. Complètement absorbée, Swanhild n'a jamais demandé l'opinion de son possesseur, ce pourquoi Odin lâche lui-même une petite remarque. Même si elle le veut, elle est beaucoup trop bornée et Odin en a bien conscience.

Suite aux loups, Swanhild se permet d'ajouter Hugin et Munin, les corbeaux, traversant les deux pages, complétant l'esquisse efficacement, la scène plus fluide. Les compagnons d'Odin rassemblé dans un sketch. Pas mal. Swanhild admire un moment. Elle n'avait pas prévu de mettre autant d'efforts sur le premier dessin de la journée, une routine qu'elle s'est imposée depuis longtemps.

- De Hlidskjalf, tu pouvais observer les neuf mondes de la cosmologie nordique. Ça doit te manquer. J'imagine que fouiller dans ma tête est un droit que tu t'es donné sans te poser de questions.
- Serais-tu entrain de t'opposer à mon errance qui découvre ton présent jusqu'à ton enfance ? Tu es mon hôte et tant que tu vivras, nous allons être côte à côte... ne fait donc pas l'ingrat.

L'artiste soupire. Sa remarque ne semblait pas lui plaire et c'est bien la première fois qu'il semble démontrer sa réprobation à garder ses secrets. Cependant, elle ne baisse pas pour autant la tête, restant forte jusqu'au bout. Elle se moque bien d'attirer la colère ou non de son dieu possesseur.

- Que tu sois un dieu ou non, ce corps a tout d'abord été le mien. La moindre des choses est que tu respectes quelques-unes de mes volontés ! Murmure l'Allemande entre ses dents, mécontente à son tour.
- Swanhild, tu me rappelles parfois Brünnhilde, cette valkyrie qui avait fort caractère, mais qui pouvait être douce et protectrice comme une mère.

Désarmée, l'artiste se tait. La comparaison lui a enlevé le goût de combattre davantage. Fermant son livre de poche pour ses esquisses quotidiennes, elle place son crayon par-dessus en soupirant. Il a le don pour l'amadouer et par conséquent la découragée... d'une façon les plus aimables. Poursuivant quand même sa quête de savoir sur son hôte, Odin prit tout de même sa requête en considération. Le regard penseur, les yeux gris de la jeune femme fixe amèrement le plancher. La possession... elle souhaite qu'elle ne lui soit jamais arrivée.