Minuit. La nuit était belle et si claire qu’on apercevait sans peine chaque constellation, formant dans le ciel des milliers de petits contes imagés. Les étoiles racontaient leur histoire et chantaient leurs noms grâce aux rossignols qui brisaient le silence de la nuit. La lune, croissant d’une lueur pâle, venait orner le ciel sombre de son éclat céleste.

Quant à moi, je marchais dans le parc ; incapable de trouver le sommeil, j’avais décidé d’observer de plus près ce ciel magnifique en me rendant à l’observatoire pour utiliser les télescopes. Oh, le couvre-feu était déjà largement dépassé, mais je m’en contre-fichais : ce n’est pas comme s’il y avait grand-monde d’inquiétant à rôder dans les couloirs la nuit. Le concierge était vieux et trop gentil, il dormait depuis longtemps et le cas contraire, il me dirait simplement que je devrais retourner dans mon lit avant d’aller dans le sien. Je marchais d’un pas léger, sans me soucier de rien ; la quiétude de la nuit m’apaisait d’une telle façon que personne ne pouvait me sortir de cette torpeur.

Arrivé à l’observatoire, un couple surgit bruyamment des ténèbres, tous deux rouges de honte, et courut vers la sortie avant que je ne puisse les identifier. Il était vrai que grâce à l’opinon très meh qu’avaient la plupart des élèves concernant l’astronomie, l’observatoire était devenu un lieu très prisé de rendez-vous intime pour les couples. Un pincement vint me serrer le cœur ; c’était dans ces moments-là que je me sentais le plus seul.

Être célibataire ne me dérangeait pas, d’autant plus que je n’avais jamais vraiment trouvé quelqu’un qui m’attirait et avec le ou laquelle je pourrais sortir. A mon arrivée au Pensionnat, j’avais vu quelques jolies filles mais aucune n’était à mon goût. Pareil pour les garçons. Le mental des élèves de section M laissant également un peu à désirer, en général, je préférais aussi m’éviter une mauvaise surprise : mieux vallait être seul que mal accompagné. Et puis j’étais encore jeune, et même si je ne souhaitais pas vivre ma première relation à 25 ans, il me restait du temps avant d’être sûr de mon choix.

Je collai un œil contre le téléscope et orientait le tout pour trouver mon point de départ, la Grande Ourse. Je commençais à débattre avec Loki de quelle constellation avait l’histoire la plus intéressante – je soutenais qu’il s’agissait d’Orion, au plus grand dégoût de Loki – quand des bruits de pas résonnèrent dans le bâtiment courbe. Ils s’estompaient et revenaient de plus belle d’une façon très bizarre. Après tout, il était minuit, l’heure des fantômes comme disent les enfants, et si on était tous persuadés que les fantômes n’existaient pas, je l’étais aussi que les dieux n’étaient pas ou en tout cas, plus.

Je pris mon courage à deux mains et lançai d’une voix tremblante :
« Qui… Qui est là ? »

*Tu dois apprendre à utiliser cette vision et pas uniquement tes yeux !*

*ouai ouai je sais… c’est juste tellement perturbant toutes ces couleurs vives…*

*Tu vas t’y habituer. Forcement que tu n’es pas habitué pour le moment… ton corps à besoin de temps pour s’approprier cette nouvelle capacité.*

Je ferme les yeux et patiente lentement le temps que la vision thermique du parc me parvienne.

*Du bleu… Qu’est-ce que tu veux que je discerne à part du p’tin de bleu !*

*Observe mieux, chaque objet, buissons, arbres possèdent leurs propres signatures thermiques. Ils n’ont pas tous le même bleu*

Je rouvre mes yeux. Je sais très bien que ceux-ci ne sont pas ceux d’un humain mais la différence de luminosité me surprendra toujours. Ces pupilles verticaux couplés aux iris jaunes  fonctionnaient vraiment trop bien… en plus avec le ciel dégagé de cette nuit, je vois comme en plein jour.

*Referme les yeux ! On est ici pour s’entrainer avec la vision thermique, pas pour s’amuser…*

J’obéis, m’appliquant à discerner les différences de bleu entre les divers buissons et arbres du parc. Les teintes sont tellement infimes que je me demande si je vais vraiment y arriver un jour. Sortant de derrière un arbre j’aperçois une tache rouge se déplacé en direction d’un grand bâtiment que je souhaitais aller exploré après mon entrainement.

*Tu sais quoi Sifflotin ? On va combiner l’exploration à l’entrainement.*

*Tant que tu utilises la vision thermique ça me va…*

Je me lève en m’appuyant sur l’arbre contre lequel j’étais adossé et passe mon habituelle capuche sur la tête. Mon corps semble conserver son équilibre contrairement aux premières fois. Je fais un premier pas hésitant, puis un deuxième plus assuré. Gardant ma vision sur cette tache rouge, je la suis à distance raisonnable sans que celle-ci me remarque jusqu’à l’entrée du bâtiment, tout en trébuchant sur les buissons que je n’arrive toujours pas à discerner de l’herbe. Entendant des bruits de pas précipités, je me mis sur le côté du chemin en me collant au mur du bâtiment afin d’éviter que les deux taches rouges qui passèrent à côté de moi remarque ma présence.

*Un couple… tu es sûr de vouloir rentrer là-dedans ? Ça doit en être rempli…*

J’ouvre les yeux et regarde à l’intérieur du bâtiment. Un long couloir entouré par des salles probablement réservé à la recherche. Au fond de celui-ci j’aperçois un escalier montant probablement à l’étage permettant d’utiliser les télescopes. Je rentre dans le couloir en faisant le moins de bruits possible et referme les yeux pour récupérer la vision thermique. En observant à travers les diverses fenêtres donnant sur les salles. J’aperçois à chaque fois un couple de taches rouges à l’intérieur, sauf dans la dernière où ils sont trois.

*meh, mauvais délire de rentrer ici finalement…*

*Je te l’avais dit…*

Je bute alors contre quelques chose et me réceptionne de justesse sur ce que je devine être les marches de l’escalier.

*P’tin de bleu à la con !*

*…*

Je reprends mon avancé progressivement, me cognant à plusieurs reprise contre le mur. Je sens alors que j’arrive à l’étage en manquant une marche qui n’existe pas.

« Qui… Qui est là ? »

Je tourne vivement la tête dans la direction de la voix. Tache rouge, avec un trait rouge accroché à du p’tin de bleu… probablement son bras. Tout en gardant les yeux fermés, je lui réponds :

"Que fais un non M debout à cette heure-là ? "

Je garde mes yeux fermés, si en effet c’est un non M, je ne peux pas lui montrer mes yeux…

*Me demande pas mon aide cette fois, je t’avais prévenu…*

Et merde….

Un non-M ? Il se fout de moi ? Et pourquoi il garde les yeux fermés, il a peur de les avoir brûlés par ma beauté fulgurante ?

« Au moins, c’est pas un fantôme… » se moqua gentiment Loki.

« Certes… Mais ça a l’air d’être un sacré festival à lui tout seul, ce mec, » rajoutai-je pour qu’il confirme la drôle de première impression que j’avais eue de ce gars.

« Ça, je ne te le fais pas dire…» me rassura mon dieu.
Bon, voilà déjà qui était dit. Je me décrochai du télescope et allai tranquillement me planter devant le nouvel arrivant, sourcils un peu froncés.

« Tu as bien de la chance que je sois M, mec, parce qu’un non-M aurait eu de drôles de soupçons en t’entendant dire un truc pareil. Et qu’est-ce qui t’a fait t’exclamer ça, d’ailleurs ? Ne me dis pas que tu vas voir chaque élève que tu rencontres en lui demandant : « qu’est-ce qu’un non-M vient faire ici ? ». »

Méfiant, je m’approchai encore plus du garçon. Section M, visiblement. Jamais vu ; comme beaucoup. Je ne m’en inquiétai pas. Il avait l’air beaucoup plus âgé que moi – ne serait-ce que dans la taille et la forme du corps, beaucoup plus matures que les miennes. Mais il ne me faisait pas peur ; si jamais ça tournait mal, il était M et je pouvais donc me défendre sans craindre qu’un non-M ne soit témoin de cette altercation, si altercation il y avait. Je doutais néanmoins fortement de devoir en arriver là ; je veux dire, je ne lui sauterais pas violemment dessus s’il ne faisait pas de même avant.

La tache rouge se rapprocha de moi. Il devait m’examiner…

*C’est un M t’inquiète pas… Tu as le scalpel ?*

Je tapote légèrement ma poche arrière droite pour vérifier si le métal tranchant est toujours là.

*Oui… mais tu sais bien que je ne serai pas capable de m’en servir…*

*Moi si, t’inquiète pas…*

« Tu as bien de la chance que je sois M, mec, parce qu’un non-M aurait eu de drôles de soupçons en t’entendant dire un truc pareil. Et qu’est-ce qui t’a fait t’exclamer ça, d’ailleurs ? Ne me dis pas que tu vas voir chaque élève que tu rencontres en lui demandant : « qu’est-ce qu’un non-M vient faire ici ? ». »

*J’ai déjà entendu cette voix dans notre couloir non ?*

*Oui j’en suis certain, tu peux ouvrir les yeux. On ne risque rien… Un non-M aurait probablement détalé vu les rumeurs qui courent sur vous… ou il ne serait pas tout seul.*

Je repense aux taches rouges d’en bas et secoue légèrement la tête. J’ouvre mes yeux, la vision restreinte des pupilles verticales me fait voir en gros plan un jeune  gars que j’avais déjà aperçu dans le couloir des M. J’aperçois brièvement mes yeux jaunes dans ses lunettes… Je tire un léger sourire sur mon visage.

"Bonne réponse camarade"

Je lis sur son visage la tension, je suis si intimidant que ça ? Je montre lentement mes mains vides, puis retire ma capuche sans faire de mouvement brusque. Ignorant pour le moment ça question, je me dirige en passant à côté de lui vers le télescope qu’il utilisait.

"Orion… 206 étoiles observables à l’œil nu, étoile la plus brillante : Rigel"

*Tu n’es pas obligé de ressortir tout MON savoir…*

"Les grands esprits se rencontre apparemment… "

Je lâche le télescope en secouant légèrement la tête amusée. J’arrive maintenant à déchiffrer de temps en temps la pensée de Sifflotin. C’est à la fois inquiétant et intéressant… Je retourne ma vision vers le gars qui me faisait face en reprenant mon air neutre habituel.

"Pour répondre à ta question, non, je ne le fais que lorsque nous sommes quasiment certains que la personne en est un. Dans le pire des cas… ça ne sera qu’une rumeur de plus sur nous, les dégénérés..."

Je fais le tour du télescope et m’appuie contre la rambarde en tournant le dos au mec. J’observe le parc plongé dans le silence de la nuit. Possédant toujours les yeux de serpent, je peux quasiment voir l’ensemble du parc sans problème. Repérant des mouvements sous les arbres, je ferme mes yeux pour repasser en vision thermique.

"Meh, il pourrait se cacher un peu mieux que ça quand même…" dis-je à haute voix en voyant les deux taches rouges bouger en rythme régulier.

*Ils sont cachés…*

Lorsque le garçon ouvrit les yeux, je réprimai difficilement une expression d’horreur. Son dieu les lui avait modifiés ; jaunes et à la pupille draconienne, on aurait dit ceux d’un serpent. Je frissonnai. Qui était assez ambitieux pour détruire la vie de son possédé en lui octroyant un changement aussi repérable ? Devait-il se balader constamment les yeux fermés ? Adoptait-il des lunettes de soleil, comme le X-Man Cyclope ? J’étais bien content de ne pas avoir cette spécificité ; peut-être était-il content d’avoir un trait unique, qui le rend spécial, mais ça ne me plairait pas du tout, à moi.

Il se pencha sur mon télescope, toujours orienté vers Orion, et me fit un splendide étalage de culture qui n’avait absolument rien à faire dans le contexte, si ce n’est me montrer à quel point il était intelligent. Manque de chance, ça ne prend pas avec moi, ce genre de machinerie. Visiblement, Loki n’était pas dupe non plus.

« Je suis sûr qu’il a un dieu omniscient. »

Heureusement pour moi, mon dieu, s’il n’était pas omniscient, était intelligent, observateur et fin déducteur. Une vague de fierté déferla en moi et j’eus une bouffée d’amour – amical, hein – pour mon dieu. Même si, bon, pour le coup, je crois qu’après quelques instants de réflexion, j’aurais pu arriver à la même conclusion.

Google-man se retourna vers moi, l’air totalement blasé. Eh ben, encore un qui a l’air heureux de vivre. Sympa, l’ambiance au sein du Pensionnat. Néanmoins, il énonça une vérité toute simple et incroyablement triste sur la manière dont la section N nous voyait – enfin, le peu qui étaient au courant de notre existence – et je ne pus qu’acquiescer.

« Tu n’as pas tort… » lui répondis-je en haussant les épaules.

Il se retourna pour regarder aux alentours – drôles d’alentours, puisque nous étions à l’extérieur, dans une nuit noire et que je ne voyais pas plus loin que l’observatoire – et grommela pour lui-même. Néanmoins, j’entendis tout – mieux se cacher ? Qui ? Où ? Je m’avançai prudemment, cherchant l’endroit où son regard s’était posé. Pas facile de déchiffrer des yeux de lézard. Je m’approchai du parc et tournai la tête.

Je les vis.

C’était la première fois que je voyais en vrai ce genre de scène et j’avoue n’être pas prêt à revivre ça une deuxième fois. Je détalai aussi vite que si j’avais vu un fantôme et revins auprès du mec, totalement choqué et dégoûté.

« Putainn… Putainn ! Merde quoi ! C’était horrible ! » bafouillai-je en éclatant de rire. « Comment as-tu su ce qui se passait, là-bas ? »

Je continue de regarder les taches bouger encore quelques instants. Le gars s’approche de moi et les voit. Sa réaction fut immédiate.

« Putainn… Putainn ! Merde quoi ! C’était horrible ! Comment as-tu su ce qui se passait, là-bas ? »

Je récupère mes yeux verts normaux avant de me retourner vers lui.

"Simple observation… En même temps tu as choisi le bâtiment j’ai envie de te dire… En bas ça fricote pas mal. Même des trucs pas nette des fois…"

Je hausse les épaules avec un sourire en coin.

*Tstststss, dommage que sa première fois soit sans lui*

*N’est-ce pas ?*

Amusé, je me dirige vers le surplomb en béton et commence à monter dessus à l’aide de l’échelle. Arrivant dessus, je m’allonge sur le dos observant le ciel dégagé de la nuit et lance au gars rester près de la rambarde.

"Je suis curieux petit… Que vient faire un célibataire comme toi dans le coin ? Tu n’es pas au courant que c’est l’un des lieux préféré des couples N ?"

*Comment tu sais qu’il est célibataire ?*

*Je ne sais pas… l’instinct comme ça.*

*C’est vrai que toi et ton instinct…*

Je soupire, Sifflotin comme d’habitude était déprimant à mourir. Sortant mon scalpel de ma poche arrière de pantalon, je commence à spinner tranquillement avec, toujours allongé sur le dos à contempler les étoiles.

*Bon laquelle est la tienne ?*

*Hein ?*

*C’est où ta constellation ?*

*Tu ne pourras pas la voir en entier ici. Uniquement la tête, et encore si tu la vois… Je pense que ce soir se ne sera pas possible*

*hmmm*

Je poursuis mon exploration du ciel noir d’un œil pensif.

… Comment savait-il que c’était le rendez-vous des couples, ici ? Venait-il les observer en cachette grâce à ses yeux qui, visiblement, lui permettaient de voir à des proportions surhumaines ? Je toussai, dérangé par mes pensées. Il avait l’air d’être un habitué des lieux et je me demandais si lui aussi, il avait une copine avec laquelle il aimait venir ici. Pour savoir tout ça… Ou alors était-il simplement voyeur ? Je frissonnai avant de lui répondre d’une voix beaucoup plus assurée que je ne l’étais.

« Hum… Je n’étais pas vraiment au courant que c’était un lieu euh… prisé pour… euh… ça. En fait, j’étais venu simplement pour observer les étoiles ; on dit que cette semaine, la galaxie d’Andromède est particulièrement bien visible et je ne voulais pas vraiment manquer ça. »

Le garçon jouait avec un scalpel. Euh … ? Pourquoi avait-il ça sur lui en premier lieu ? Se sentait-il tellement en insécurité, au Pensionnat, qu’il avait besoin d’une arme en permanence sur lui ? S’en était-il déjà servi comme arme, d’ailleurs ? Etait-il plutôt du genre à agresser les gens pour les racketter ou gardait-il son couteau en cas de légitime défense ? Enième frisson. Je n’étais pas à l’aise avec lui, j’avais envie de m’en aller loin d’ici, retrouver mon lit, ma chambre et ne plus jamais le croiser, lui et ses yeux reptiliens. Mes iris céruléens, à côté de ses pupilles, avaient eux aussi quelque chose de surréel, mais jamais je ne souhaiterai avoir des organes monstrueux pour une simple amélioration.

« Je ne peux pas te faire voir à des kilomètres à la ronde, mais grâce à moi, tu peux te défendre sans te promener avec un scalpel. Tu es tellement maladroit de toute façon, que tu risquerais de t’asseoir dessus, si tu le gardais dans ta poche, » intervint mon dieu, comme s’il voulait me rassurer d’une manière que je ne comprenais pas.

« Merci, c’est gentil… » répondis-je en simulant la vexation. « Mais que veux-tu dire, par me défendre ? A part leur faire croire qu’ils sont autre part grâce à une illusion qui me laisserait dans un sommeil proche du coma pendant plusieurs jours, je ne vois pas. »

« Grâce à moi, tu peux aussi lancer des projectiles magiques. Bon, ils seront petits, car tu es jeune et encore fragile, mais un pic de glace dans le cœur ne fait jamais de bien. »

« Arrête de vouloir tuer mes camarades ! Les blesser grièvement, oui, je te l’ai déjà dit, mais pas les tuer ! Je finirais en prison ou à l’asile… Mais de quels éléments je dispose ? »

« Eh bien, c’est moi qui dois choisir leur nature. Je dispose de petites boules de feu, de glace, d’eau, de vent et de terre. »

L’expression mettre un vent prit alors tout son sens.

« Oh… » laissai-je échapper dans ma pensée. Loki était vraiment le plus cool, mais je le pensai un peu trop fort, et je le sentis rougir intérieurement, avant de me dire qu’il savait déjà qu’il était le meilleur.

Je revins vers le jeune homme, avide de questions. Il était allongé sur le béton et je vins le rejoindre en m’asseyant non loin de lui.

« Comment sais-tu que je suis célibataire ? Ça se voit à ce point ? » commençai-je en riant doucement.

« Tes yeux sont… un cadeau de ton dieu ? As-tu dû payer quelque chose, en échange ? Ils te permettent de voir plus loin ; quoi d’autre ? Désolé de te harceler de questions, » me repris-je, gêné. « Ma curiosité a un peu dépassé les limites du raisonnable, là. Tu n’es pas obligé d’y répondre. Je m'appelle Alum, au fait. Je suis en seconde. »

« Hum… Je n’étais pas vraiment au courant que c’était un lieu euh… prisé pour… euh… ça. En fait, j’étais venu simplement pour observer les étoiles ; on dit que cette semaine, la galaxie d’Andromède est particulièrement bien visible et je ne voulais pas vraiment manquer ça. »

Son explication vient perturber mon observation du ciel. Apparemment il apprécie l’astronomie et avait probablement dû penser que c’était également mon cas avec la récitation que je lui avais faite il y a quelques instants.

*Semblerait que tu l’as perturbé…*

*Allons, pas à ce point-là quand même.*

*En même temps quelle idée de balancer sa comme ça…*

*Je ne sais pas, semblait être une bonne idée.*

*Et depuis quand tu as accès à ce que je pense comme ça ?*

*…*

*Répond !*

*Depuis peu… mais pas tout le temps et je n’ai pas forcément le temps de comprendre…*

*Merde…*

*Quoi ?*

*Rien… Oublies…*

Conservant le silence, j’essaye de deviner à quoi pense Sifflotin sans pour autant réussir à accéder à son esprit. J’aperçois alors les mains du gars sur l’échelle. Il monta sur le surplomb et vint s’asseoir non loin de moi. À peine était-il installé qu’il m’inonda de question.

*…*

*…*

*Eh bah dit moi… Il s’est vite repris non ?*

*Hmmm, en même temps j’ai récupéré mes yeux normaux. Doit moins flipper maintenant.*

*Tu dis ça alors que tu joues avec le scalpel…*

Remarquant l’incohérence de ma phrase, je range le scalpel dans ma poche arrière droite puis croise mes bras derrière ma tête afin de m’en servir comme oreiller. Prenant une profonde inspiration je commence à lui répondre.

"Un coup au pif comme ça. L’instinct si tu veux… Tu es encore un peu jeune pour ce genre de truc si tu n’es que en seconde. Concernant ce… ‘cadeau’ comme tu dis. Oui je paye le prix fort… Cependant je ne pense pas te donner cette information sans que tu m’en révèle un peu plus sur tes propres talents. Après tout, je donne rarement sans recevoir en retour."

Hésitant quelques instants, je me relève et tends ma main vers Alum.

"Fergal Oblivisci Galeson, enchanté"

*Tu pourrais faire un sourire en plus… ça aiderait la conversation un peu…*

*Laisse-moi tranquille…*

Je maintiens le regard vers Alum attendant sa réaction. Pas sûr qu’il est envie de me toucher avec la couleur de ma peau et la peur que je lui avais foutue au début de notre rencontre.

Je serrai la main à Fergal avec plaisir. Il me faisait flipper mais, après tout, j’avais certainement jugé un peu trop vite, en me basant uniquement sur son physique peu commun. Son contact était chaud, comme une main normale, et sa couleur de peau grisâtre ainsi que ses yeux reptiliens à mi-temps ne me dérangeaient désormais plus – disons que c’était l’effet de surprise qui m’avait fait peur car je ne m’attendais pas à quelqu’un comme ça. Qui pourrait s’y attendre, de toute façon ?

« Je comprends… Je trouve cependant qu’il serait un peu tôt pour que l’on commence à se confier nos petits secrets intérieurs. Plus tard, peut-être, lui répondis-je, déçu de ne pas avoir la réponse à ses questions – mais à vrai dire, il devait être aussi réticent que moi à divulguer ce dont il était capable de faire et grâce à qui il le pouvait. Au f… »

Loki me coupa net.

« A onze heures, Andromède pointe le bout de son nez, regarde la petite tornade d’étoiles, » me dit-il pour  ne pas me faire louper la scène.

Je me redressai net et fus émerveillé par cette vue incroyable : de mes propres yeux, même pas à travers un télescope, je voyais une autre constellation abritant d’autres milliards d’étoiles alors que je ne pouvais même pas voir toutes celles qui formaient notre Voie Lactée. Un large sourire se dessina sur mon visage ; en plus d’avoir rencontré quelqu’un de nouveau, aussi bizarre et décalé soit-il, j’avais vu par moi-même la nouvelle dont parlaient tous les journaux scientifiques. Je poussai un soupir de satisfaction puis revins à Fergal, qui devait se demander pourquoi je m’étais arrêté – aurais-je aperçu un nouveau couple s’ébattre derrière un arbre ?

« Je… Désolé. Je disais : tu m’as parlé d’Orion tout à l’heure ; tu t’y connais, toi aussi, en astronomie ? Tu t’y intéresses, ou c’est ton dieu qui te souffle tout ça ? » le taquinai-je un peu.

Après avoir entendu sa réponse, je hochai la tête et me remis debout assez péniblement.

« Bon… j’ai vu ce que je voulais voir – et je ne parle pas du couple de tout à l’heure – alors je pense que je vais rentrer, il se fait tard. Merci pour la compagnie, c’était sympa de te rencontrer et de discuter un peu avec toi. Passe une bonne nuit, » lui souhaitai-je avant de m’éloigner à pas lents, pressé d’échanger la dureté du sol sur lequel nous étions contre la douce chaleur que me procurait mon lit.

« Je comprends… Je trouve cependant qu’il serait un peu tôt pour que l’on commence à se confier nos petits secrets intérieurs. Plus tard, peut-être. Au f… »

Il c’était brusquement arrêter en regardant le ciel étoilé avec un sourire béant sur son visage. Jetant un coup d 'œil au ciel a mon tour. Je ne comprends pas la raison de son soudain silence.

*Il est tomber malade ?*

*Il doit juste voir une étoile un peu plus brillante que les autres...*

*C'est un peu trop comme réaction pour juste une lumière non ?*

*Si je pouvais hausser les épaules je le ferai gamin.*

Son soupire me tira de ma conversation avec Sifflotin. Lorsqu'il se tourna je fis simplement hausser mon sourcil pour toute forme de questionnement.

« Je… Désolé. Je disais : tu m’as parlé d’Orion tout à l’heure ; tu t’y connais, toi aussi, en astronomie ? Tu t’y intéresses, ou c’est ton dieu qui te souffle tout ça ? »

*Voila... grâce a toi il a un indice sur mes talents...*

Haussant les épaules je répond calmement.

"Le don d'omniscience est un cadeau précieux."

*Je ne suis pas omniscient*

*Je sais. C'est fait exprès.*

*Hmmm pas bête gamin.*

Alum se releva alors me disant qu'il allait se coucher. Je fis un petit signe de la tête en le regardant s'éloigner dans le noir.

*Drôle de gars...*

*C'est toi qui dis ça ?*

*...*

*Aller fini de se reposer, on retourne s’entraîner avec la vision thermique !*

Je lâche un soupire. Le travail n'attend jamais avec Sifflotin.