Don't be scared

feat ~ Rory

J'soupirais une énième fois, affalée depuis bien 10 minutes dans mon siège. J'n'aurais pas dû venir si en avance au cinéma.

J'avais choisi, hier soir, sur un coup de tête, d'aller voir un film, histoire de me changer les idées. J'étais déprimée de ce voyage scolaire qui allait commencer dans une semaine, alors, en voyant une pub pour le film "Conjuring 2" pendant que j'faisais de l'ordi', j'me suis dit, "why not" ? Alors, j'ai sauté sur l'occasion et prit la dernière séance, à 22 h. Les seuls films qui me font ressentir un peu quelque chose, ce sont ceux d'horreur, et je voulais éviter de dormir pendant la séance. La journée s'était déroulée comme tous les jours précédents, j'avais eu mes examens, les cours finis j'avais glandé jusqu'à l'heure pour partir, puis j'm'étais préparée, prenant une douche et m'habillant d'une chemise noire ouverte sur un t-shirt, montrant le motif tête de mort grand format, ainsi d'un jean noir. Niveau bijoux, trois diamants ornait chacune de mes arcades sourcilières, une chaîne oreille à mon oreille gauche en plus de deux autres bijoux et trois autres à mon autre oreille, et un anneau à ma narine droite. J'avais ensuite pris le bus, marché jusqu'au cinéma qui était à quelques minutes de la destination de l'arrêt de bus, dans la nuit noire et fraîche, j'me félicitais d'avoir pris mon blouson en cuir. Avant d'aller dans la salle j'avais pris un coca et maintenant j'attendais depuis trop longtemps à mon goût.

Pour cette heure, il y avait un peu de monde j'trouvais, réparti par petits groupes un peu partout dans la salle. J'étais dans la rangée du milieu, dans le fond, sur le siège le plus à droite juste à côté de l'escalier, j'étais dans un coin assez tranquille, personne n'était dans la même rangée que moi, j'pourrais donc regarder en toute tranquillité le film. Les chuchotements, les exclamations, les mouvements ne m'ont jamais plu lorsque j'suis au cinéma - ce qui est ironique, j'sais -, j'préfère largement qu'on soit loin de moi. Ainsi, j'me permets d'appuyer mes pieds contre le siège de devant, étant alors bien à l'aise, comme actuellement.

- Je continue de dire que les histoires d'amour, c'est mieux. C'est plus doux.

J'soupire en roulant des yeux.

- Les trucs nunuches c'est pas mon truc, j'te l'ai déjà dit.

- J'insiste tout de même de changer de salle et d'aller dans celle d'à côté.

- Et moi j'resterais là.

Brigid "hmpfa" et j'grognai. J'gagnerais, de toute façon.

- J'suis sûre que t'aimeras au final.

Elle grogna à son tour, désapprouvant. J'me permis un petit sourire en prenant une gorgée de ma boisson.

Le film ne semblait pas être pressé de commencer. Étais-je venue si en avance ? Durant tout le voyage, j'avoue d'avoir été dans mes pensées, et il serait possible que j'n'aie pas réfléchie à la vitesse de mes pas, mais de là à attendre encore depuis si longtemps... J'voyais la salle se remplir au fur à et mesure, par des jeunes de mon âge ou un peu plus, certains plus bruyants que d'autres, mais heureusement on ne venait pas dans mon coin. A vrai dire, je crois que j'me fonds dans l'ombre, actuellement, la salle n'est pas très bien éclairée vers mon emplacement. J'détourne mon attention des entrées et reporte mes yeux sur l'écran encore éteint. Bon, ce film, il va commencer, oui ou non ?  

Don't be scared

feat ~ Rory

Encore quelques minutes et les lumières commencèrent à s'éteindre, les unes après les autres alors que l'écran s'allumait enfin et laissait défiler quelques bandes-annonces, pour qu'enfin le film commence. Entre-temps, le pire était arrivé. Un bélître avait eu la bonne idée de s'asseoir juste à côté de moi. C'était quoi son problème à celui-là ? Il y avait toute la place possible sur le reste de la rangée et dans la salle, alors pourquoi juste à côté de moi ? 'Tain, en plus de ça il a du pop-corn. Plus bruyant, t'meurs. Pour un peu cet idiot il va se mettre à crier durant le film. J'm'tourne vers l'arrière de la salle, vers les places encore plus haut, mais j'vois qu'il y a trop de monde pour que j'trouve une place tranquille là-haut. B*rdel de merde, j'allais tuer ce gars. Qu'il dégage !

- Roh, il ne t'a rien fait ce garçon.

- Si, justement ! Il est là, la place à ma gauche ! Explique-moi pourquoi il s'est mis là, franchement, alors que le reste des places de la rangée sont libres ?

- Eh bien... Aucune idée. Mais ça ne reste pas un crime pour autant.

J'grognais en réponse. Vaincue - j'n'trouverais pas d'autre place -, j'm'enfonçais dans mon siège, rentrant ma tête dans mes épaules tout en croisant les bras sur mon torse, appuyant encore plus mes pieds contre le siège de devant - vide, j'fais la remarque - alors que j'regarde rageusement l'écran, comme si c'était d'sa faute.

Le film commence doucement. C'est même drôlement lumineux pour un film d'horreur, c'est original, ça pique ma curiosité. Il ferme enfin les rideaux, la pièce n'est plus qu'éclairée par les bougies, tout est plongé dans cette ambiance glauque où t'essayes de chasser le mauvais esprit. On commence de parler d'un homme assassinant toute sa famille et qu'il serait possédé par quelque chose de démoniaque, et bim un bruitage stressant et la femme ouvrent les yeux en même temps et enfin ça devient sombre. Les plus émotifs dans la pièce s'exclament, majoritairement des filles et j'entends leurs amis qui se moquent d'eux. J'fronce les sourcils, qu'ils ne fassent pas trop de bruit les abrutis. En même temps, j'entends un murmure provenant du gars assis à côté de moi. Ce qu'il vient de dire et tellement insensé que j'tourne pour la première fois la tête vers lui. La première chose que j'remarque, ce sont ces cheveux roux, ne trompant pas son origine irlandaise. Ces yeux clairs restent fixés sur l'écran pendant qu'il grignote des pop-corn. Son t-shirt que j'devine gris clair grâce à la lumière de l'écran de cinéma à manche courte laisse paraître ses bras bien que fins semblent assez musclés. À part cela, il m'paraît assez fin pour un gars, alors j'conclus qu'il doit être plus jeune que moi ainsi sa croissance ne doit pas être encore fini, j'parie même que j'l'dépasse en taille. Plus j'l'regarde, et étrangement, plus j'me dis qu'il n'est pas du genre à regarder des films d'horreur, m'affirmant bien ce que j'avais cru entendre plus tôt, alors sans plus de cérémonie j'l'dis sur un ton détaché :

- Ce n'est pas une bande-annonce, c'est le film. T'es dans la salle pour regarder Conjuring 2.

J'le fixe alors que j'dis ça, ma face n'exprimant rien, quelques mèches de cheveux viennent cacher mon œil gauche, celui du côté public, tendit que mon œil droit le regarde fixement et j'pense qu'avec la lumière de l'écran, il doit en réalité donner l'impression d'être de couleur rouge tout comme mes piercings qui brillent dans l'obscurité, ce qui me fait sourire intérieurement. J'détourne la tête, reportant mon intention sur le film. Pendant que j'inspectais le gars et que j'lui parlais, j'étais sûre d'avoir entendu des coups de feu, et j'fus de "retour" pour pouvoir voir la dernière victime, avant que la femme commence à comme "paniquer" et que ce drôle de gosse arrive, tendit que dans la réalité le reste du groupe s'est réveillé.

Bien, voyons ce que va donner la suite, avec ce film et ce rouquin.

Don't be scared

feat ~ Ror(t)y

J'bois lentement mon coca tendit que le film s'enchaîne. Screamer, moments de calme, tous continue gentiment. J'm'ennuie la plupart du temps, car pour moi il y a pas assez de moment flippant et trop de moments ennuyants. Brigid m'assure que ces moments "ennuyants" sont là pour nous laisser le temps de respirer, mais j'ne m'vois pas faire une crise cardiaque devant ce film - ni devant aucuns autres. Moi pas, mais mon voisin, peut-être bien. Depuis que j'lui ai dit qu'il s'est trompé de salle, il n'a pas quitté des yeux ses popcorns. Très franchement, ça fait bien une demi-heure qu'il est comme ça ! Il n'va pas s'faire un torticolis ou quelque chose du genre celui-ci ? Nah parce que moi, j'pourrais pas rester comme ça si longtemps. Il n'semble même pas réagir au film... Soit, il est juste terrifié des images, soit, il est tellement mort de peur qu'il n'entend même plus ce qui se passe autour de lui. J'le regarde du coin de l’œil durant les moments ennuyant, hésitant à lui dire "tu peux regarder, là" pour lui éviter de souffrir à la nuque durant la soirée, mais j'préfère finalement à chaque fois ne pas l'déranger. Pendant les screamers, j'lui jette un coup d’œil ou deux, pour voir s'il réagit, mais niet, zéro réaction. Il n'serait pas tombé dans les pommes, celui-là ?  J'me désintéresse de lui, ce qui se passe sur l'écran étant plus amusant.

- Ah parce que tu trouves que c'est captivant de voir une gamine se faire posséder par un vieillard revenu d'entre les morts uniquement pour entendre des cries de terreur ?

- C'est le principe d'un film d'horreur, ce genre de truc. Puis le vieux est drôle, dans sa démence.

Brigid n'me comprenait définitivement pas. Bah ouais, que d'un coup d'un seul, t'vois le vieux parler à "travers" la gamine pour répondre aux questions du journaliste et du spécialiste, c'pas mal. Il a une voix dégueulasse par contre, mais, c'est bien pour un démon, j'imagine. J'suis par contre encore surprise de la non-réaction du roux. Si bien que j'me demande sérieusement s'il n'aurait pas tourné de l’œil... J'commence à me pencher un peu vers l'avant pour essayer de voir son visage, mais avant que j'n'y arrive, entendre des bruits d'os qui se disloquent me font lever la tête, et j'crois comprendre que c'est le chien qui se change en... "quelque chose", à forme à peu près humaine, avec une voix tout aussi dégueulasse. La "chose" poursuit le gosse qui bégaie - d'ailleurs celui-ci se met à hurler jusqu'à presque me péter les tympans. Ça réveille toute la petite famille, l'gosse essaye d'expliquer le truc - mais bon, il bégaie, hein - et j'me dis que le monstre a disparu quand j'remarque de la fillette réceptacle n'est pas là. Juste après ma réflexion, on entend de nouveau la voix dégueulasse ainsi que l'ombre difforme du monstre, et lorsqu'il apparaît enfin dans la lumière, c'n'est autre qu'en réalité la gamine, encore possédée. God, sert qu'à ça. Alors, attendez, l'monstre à travers elle parle d'un truc penché - lui ? -, qui tue sa famille en rigolant - comprend très franchement rien - et après elle hurle, c'qui fait voler dans la pièce un objet qui rate de peu de tuer quelqu'un à mon humble avis. Les lumières éclatent, la gamine se retrouve à trembler au sol dans un état très second et la mère demande une ambulance. Et on change tout, nous retrouvons le couple Warren avec un prêtre qui leur fait écouter l'enregistrement de la première fois où la gamine s'fait posséder. Bien...

Et, vous allez pas me croire, mais le rouquin se décide enfin à bouger. J'pensais pas que ce jour arriverait. J'me voyais déjà à la fin du film le réveiller à coups de claques si j'avais du mal à le faire autrement, mais monsieur semblait pas avoir collapsé finalement. Ça va, il a bien choisi son moment, il s'passe pas grand chose. Enfin, pour le moment. L'couple Warren se rend au final sur le lieu des "bizarreries" et il va s'passer de nouveau - j'crois - un de ces moments où la gamine va s'faire "posséder". Oh bah, ça commence. Immédiatement, mon voisin sursaute - m'envoyant des popcorns sur les cuisses - et détourne le regard de l'écran, tournant la tête vers moi tout en murmurant sa terreur. Oh, come on, c'est rien comparé à avant. J'tourne ma tête inexpressive vers lui, le regarde droit dans les yeux, et lui murmura tout naturellement :

- N'est pas peur de ça, c'n'est rien comparé à ce qu'il y a eu avant. Un démon, à la forme humaine de femme, au visage cadavérique qui a failli tuer à travers un miroir cette Lorraine alors qu'en réalité c'est elle-même qui s'étouffait. Juste comme ça..., et comme démonstration, j'prends ses mains lui faisant lâcher son paquet de popcorn, qui reste sur ses jambes, et les porte jusqu'à son cou comme s'il voulait s'étrangler, mais bien sûr, j'n'appuyais pas, il n'ressentait donc aucune gène, et aussi vite que j'ai fait cela j'enlevais mes mains qui vinrent chasser les popcorns de mes jambes et j'reportais mon intention sur le film comme si rien ne s'était passé, comme s'il avait halluciné.

- Qu'est-ce que ça voulait dire ?

- Ça ? Oh rien, j'm'amuse un peu.

- Gwen..., la menace perçait dans son ton.

- Hey, j'n'vais pas devenir une meurtrière, c'est bon. J'le taquinais juste un peu.

- Il faudrait revoir ta définition d'« un peu », grommelait-elle.

J'retins un rire, que pourrait mal interpréter mon voisin, d'autant plus que ce qui se passe dans le film n'est pas très marrant. Bah, c'n'est pas très grave.   

Don't be scared

feat ~ Ror(t)y

Hm, peut-être que j'y suis allée un petit peu trop fort. Extérieurement, j'donne l'impression de m'intéresser au film, toujours avec mes jambes appuyées contre le siège de devant, mes mains pendent lâchement entre le petit espace entre mes jambes et mon menton est relevé vers l'écran, comme si j'voulais ignorer mon voisin ou bien parce que j'm'intéressais vraiment de la réaction du vieux démon face à une croix sainte. Mais en réalité j'regarde du coin de l’œil l'état du garçon. Il reste depuis quelques minutes dans la même position, les mains autour de son cou, le regard dans le vide, semblant comme... "Choqué" ? Ouais, peut-être bien. Finalement, il se retourne vers l'écran, replaçant ses mains autour de son paquet de popcorns, et ses yeux fixent plus le siège devant lui que le film. Il semble complètement absent avec ses yeux dans le vide. Ce regard vague, il me fait presque penser au regard qu'ont les possédés au pensionnat. Ça me fait encore une petite idée à ce à quoi on ressemble. Mais le fait qu'il ne soit pas possédé et de le voir avec ce regard de mort me fait presque sentir une petite pointe de culpabilité... Nah, oubliez, ça me fait trop marrer en réalité. J'porte une main à ma bouche pour cacher de sa vue mon sourire en coin prétextant me gratter la joue avant de la remettre à sa dernière place lorsque mon rictus incontrôlé a disparu.

- Gwen ! Pour un peu, j'aurais sursauté de sa soudaine intervention, d'autant plus que sa voix est trop haute d'une octave.

- Pas la peine de me réprimander, Brigid, dis-je en gardant néanmoins mon calme.

- Tu es vraiment une sale gosse quand tu le veux...

J'n'répondis pas. J'n'prendrais pas ma défense, parce qu'elle a totalement raison. Le fait de sentir ma déesse un peu énervée me calma. Pas au point de me dire que j'n'm'amuserai plus avec le garçon à ma gauche, oh non, mais me calmai quand même un peu... L'effet qu'elle me fait, sérieux.

J'sens le screamer arriver dans le film au moment où la gamine se retrouve dans la mauvaise chambre et lorsque toutes les croix se mettent à l'envers, ça me fait oublier l'intervention de Brigid - par ailleurs, j'sens celle-ci, tout comme moi, s'intéresser totalement au film. J'savais qu'elle y prendrait goût... J'oublie le rouquin à ma gauche et j'espère que le screamer répondra à mes attentes. Et, bien sûr, comme par hasard, c'est à ce moment-là que décide mon voisin pour se rapprocher de moi et me chuchoter une absurdité comme j'en avais peu entendu. Dans l'empressement de n'vouloir rater rien du screamer, j'tourne vivement la tête vers lui, plantant mes yeux dans les siens comme si j'voulais les transpercer avec ceux-ci, puis j'saisis son menton entre mes doigts sans être brusque et le dirige vers le film, lui intimant muettement de se taire et de regarder. J'reporte également mon intention vers l'écran pile au moment où le vieux sort de nulle part à et s'attaque à la gamine. J'n'le lâche qu'au bout d'un petit moment pour être sûr qu'il ne détournera pas le regard. Comme j'l'avais sentie, le screamer est pas mal. La meilleure scène est sans aucun doute lorsqu'on voit que la gamine est en train de s'étrangler avec son rideau - même si ce n'est pas elle qui le fait, quelque part. Cette scène me fait penser aux dernières paroles de mon voisin, sur lequel j'reporte mon intention lorsque j'décide que les moments ennuyants sont de retour. J'le regarde, et montre d'un signe de la main l'écran où la mère est avec sa fille dans les bras, les Warren autour, dans un signe voulant dire : "tu vois" ? J'reposais ma main comme dernièrement avant de reprendre la parole pour bien expliquer mes pensées.

- Elle s'étranglait contre sa volonté juste à l'instant. Et puis, repris-je après un instant, tu sais, ces histoires d'instinct n'sont pas très importantes. C'n'est qu'un film. Qu'elle se plante un couteau dans le ventre, qu'elle avale de l'eau de javel, qu'elle se jette du haut de sa fenêtre, j'suis sûre qu'elle le ferait sans s'occuper de son instinct de survie.

De quoi ? Comment ça j'dis toutes ses tentatives de suicide dans le but qu'il imagine bien les scènes et que ça le hante ? Vous vous faites des idées ; vous êtes malsains ! Une autre idée vient de germer dans mon esprit. Malgré les faibles protestations de Brigid, j'décide de l'appliquer. Du regard, j'détail le rouquin de haut en bas, comme on évaluerait quelque chose, pas quelqu'un, non. Un regard calculateur qui n'voit pas que ce qu'il a en face de lui est un être humain ; pour mon regard, ce que j'ai, c'est juste quelque chose qui a les aptitudes pour mon expérience. Du moins, c'est le message que j'veux transmettre, mais j'suis plutôt bonne comédienne pour ce genre de sujet et j'suis sûr que ce rouquin se fera avoir. J'finis de l'inspecter en remontant plonger mes yeux (dont j'me demande s'ils sont rouges ou marrons en ce moment) dans les siens, ils ne transmettent aucune émotion, et ma voix non plus lorsque j'reprends la parole :

- Mais j'avoue que j'n'sais pas ce que ça donnerait dans la réalité...

Oui, vous avez le droit pour me prendre pour une psychopathe, mais j'n'le suis pas, j'vous l'assure. Ce soir c'est juste très étrange, mais j'suis d'humeur joueuse, d'humeur à faire flipper ce garçon. Le pauvre... J'détourne finalement le regard après l'avoir fixé un temps sans cligner des yeux et reporte mon intention sur le film. Dans l'idée première, c'était pour ça que j'étais là. Mais j'n'pensais pas que j'trouverais un voisin si amusant ; j'ai une bonne excuse.  

Don't be scared

feat ~ Ror(t)y

Pas de réponse. Sans le regarder, j'sentis son regard rester sur moi avant qu'il ne tourne vivement la tête vers le film. J'n'savais pas trop comment interpréter ce geste. Trouvait-il intéressant le fait qu'Ed se mette à chanter ? Sans aucun doute ma scène détestée de ce film. J'étais littéralement à l'intérieur de moi entrain de hurler de douleur, de dégoût. Un film d'horreur c'n'est pas des chants... du moins, pas ceux de ce genre-là, quoi ! J'soupire fortement. Mon Dieu, faite qu'un screamer vienne pour tout gâcher avant que j'n'vomisse. Les gosses s'y mettent, et la mère chiale... J'vais vomir, j'vais vraiment le faire. Et j'jure de le faire sur le rouquin. Cette menace sembla marcher, car, enfin, cette scène d'une niaiserie incroyable prit fin. V-i-c-t-o-i-r-e. Sauf si on prend en compte que les screamers ne sont toujours pas là, et les scènes sont toujours aussi ennuyantes. Heureusement, mon voisin, bien qu'il tournât la tête du côté opposé du mien, murmura quelque chose qui ne m'échappa pas, surtout que le film n'détenait pas du tout mon intention. J'tournais à mon tour la tête, et posai mon regard sur lui. Il me semblait d'un coup plus petit, comme frêle, il me donnait presque l'impression de retranscrire l'image du petit garçon terrifié, seul, essayant vainement de se réconforter en croisant ainsi les bras. Et ce fut bien la première fois que j'ressentis comme le début de culpabilité, parce que mes actes avec lui ne devaient pas l'aider à aller mieux...

- Brigid ! Essaye pas d'inculper ce genre de pensées dans les miennes ! J'ai vraiment faillie croire que j'ressentais ça ! Ca va pas ?!

J'suis presque sûre qu'elle hésite à éclater de rire ou bien à continuer de me sermonner, que j'n'devrais réellement pas être ainsi avec ce pauvre garçon, que j'n'me rendais pas compte de ma méchanceté, que j'n'avais pas le droit de faire ça, etc. J'reportais mon regard sur mon voisin, qui semblait pas mal effrayé, c'est vrai, d'autant plus lorsque j'me souvins qu'il souhaitait que le film se finisse bientôt... J'avais la mine renfrognée, attitude physique de mon opposition de l'avis de Brigid. Cependant, au fil du temps, du doute s'insinua sur ma face, et une pâle lueur d'inquiétude germait derrière le rouge de mes iris. J'suis sûre, c'est la faute de Brigid si j'vois presque le garçon terrifié dont elle a fait la description plus tôt. J'laissais échapper un petit "tch" en me retournant face à l'écran, irritée que Brigid est réussie son coup. Non, j'me reprends, finalement, non, elle n'a pas réussi. J'mets un point d'honneur à continuer à l'effrayer jusqu'à la fin du film. Ça m'fait m'rappeler le murmure du rouquin. Sans me retourner vers lui, c'est d'une voix pas aussi basse qu'avant et où perçait peut-être une pointe de ressentiment, mais bien sûr celui-ci ne sait pas que j'suis ainsi car j'vais, j'le sais, me retenir inconsciemment pour ne plus trop lui faire peur (Brigid, j'te déteste...), que j'm'adressais à lui après avoir regardé l'heure sur mon téléphone :

- 40 minutes.

Ni plus, ni moins. J'ai hésité à rajouter quelque chose avant de secouer légèrement la tête pour me reprendre. J'décide de l'ignorer pour le moment et tenter de me concentrer uniquement sur le film, dans l'idée de me calmer en l'oubliant quelques instants, avec l'espoir de retrouver mon envie de l'effrayer après. J'suis assez chanceuse, car un screamer arrive - un truc qui sort d'une eau bien dégueulasse dans le dos d'Ed, c'est assez crade.

- Bon, Brigid, j'souris légèrement, j'lance un pari, si ce gars se fait attaquer right now, tu m'laisses effrayer notre voisin tranquille.

Oh, j'sentais comment elle hésitait. Elle jouait gros ; si j'gagnais, elle perdait tout et s'en voudrait, condamnant le rouquin, mais si elle gagne, elle serait plus détendue pour le reste de la soirée et aurait définitivement le sentiment d'avoir fait une bonne action. J'fixais bien l'écran pour qu'elle voit comment se présentaient les choses ; une silhouette s'approchait dans le dos de l'homme, ne présageant vraiment rien de bon...

- Pari tenu.

Du coup j'fus un peu surprise quand elle le dit, mais ce sentiment fut bien vite remplacé par de l'amusement ; j'étais contente d'avoir une déesse comme elle, prête à prendre des risques ! Pour la peine, j'ai presque de la jubilation qui éclate dans mon corps lorsque la femme avertit Ed qu'il y a quelqu'un derrière lui, j'suis pour le coup sûre et certaine qu'il va lui arriver quelque chose lorsqu'il se retourne mais... Rien. J'hurle un "non" indigné dans ma tête, comme si on venait de me trahir ; on n'pouvait pas m'enlever la joie de voir quelque chose lui arriver, de m'empêcher de faire du mal au rouquin et de laisser gagner Brigid, j'n'étais pas d'accord ! Ce qui me dégouttait encore plus c'est que Brigid rayonnait littéralement de joie à l'intérieur de ma tête. J'grognais, j'étais contre, totalement contre, ça pouvait pas se passer comme ça, non, non, non... Brigid rigola et allait pour me répondre avant que ne surgisse à l'écran la face souriante, dégueulasse, du vieux démon, qui s'en prit non pas à Ed, mais à la mère. Et merde. C'était bien beau de voir que la femme était pas loin de se faire noyer, entraînée dans l'eau par ce démon, mais j'voulais qu'il arrive quelque chose à Ed moi, mon pari n'tenait toujours pas...

- Et il ne tiendra pas, j'ai gagné et puis c'est...

Elle ne finit pas sa phrase, voyant Ed s'approcher de la dernière source de danger. J'retins ma respiration, priant intérieurement que le démon essaye de le tuer lui aussi, ainsi j'pourrais effrayer mon voisin, et j'sentis Brigid faire comme moi, mais priant pour que rien ne lui arrive. Allez, allez, allez... On s'en fout que t'es trouvé les dents manquantes de ce malade, ce que j'veux c'est qu'il t'arriv-... Non ! Ne changez pas de scène, mais non, pas de Noël, retournez dans cet endroit crasseux et sombre, et faite qu'Ed se fasse attaquer, aaaargh, j'vous déteste. J'soupire fortement en me ré adossant assez fortement dans mon siège, baissant ma tête vers l'arrière, fixant le plafond. J'n'aurais pas dû faire ce pari. J'me déteste, au fond de moi. J'me déteste pour avoir des idées débiles, et j'me déteste parce que j'tiens mes paris...

- Moi j'aime ce côté de chez toi. C'est bon Brigid, pas besoin de me narguer encore plus.  

J'n'ai plus le temps pour me lamenter davantage lorsque j'entends parler de couteaux. J'relève rapidement la tête, soudain intéressée, oubliant même mon pari. Tout se passe avec les enfants. Janet voit le démon dans la cuisine, avec des couteaux, le plus vieux des garçons décide donc d'aller dans la cuisine, bien décidé à ne pas se faire intimider. Janet le supplie de revenir avec eux dans le salon, mais il ne s'arrête pas et rentre dans la pièce, sur la table sont plantés tous les couteaux de cuisine. Il en prend un, lorsque soudain un cri retentit, il va donc voir ce qui se passe en délaissant l'arme. Janet a disparu, alors qu'elle était à côté de sa sœur et de son frère. Puis elle est là, dans la cuisine, avec un couteau dans la main et un regard de tueuse, et j'vous dis qu'il va y avoir un mort.

Des hurlements alertent les adultes qui ne sont pas dans la maison, ils essayent de tous rejoindre la cuisine mais le démon ferme toutes les portes. Ed finit par réussir à en forcer une, pendant ce temps on entend des objets se briser et des cris de terreur. Lorsqu'ils entrent, la pièce est sens dessus dessous, et les enfants introuvables. Le garçon est finalement déniché dans un placard, mais Janet a disparu... Grâce à un appareil étrange d'un des adultes, elle est retrouvée dans un endroit très étroit, mais elle n'est pas elle-même, elle a les yeux sombres et grogne, ses membres prennent des drôles d'angles ; elle est possédée... Ed, avec son talisman, réussi à faire fuir le démon de la fille et celle-ci redevient à la normale.

J'm'installe plus confortablement dans mon siège, poussant encore plus mes pieds contre la place de devant, étirant mes bras au-dessus ma tête ; c'est vrai que ça fait un moment que j'suis dans cette position maintenant, j'commence à sentir un peu l'engourdissement. J'repose mes bras sur mes accoudoirs mais j'rentre en contact avec quelque chose sur l'accoudoir commun. J'baisse la tête, et remarque comment la main de mon voisin est crispée. Mon regard suit le chemin de son bras jusqu'à sa tête, qui reste encore bloquée sur l'écran. J'regarde aussi ; une des femmes sur l'affaire affirme suite à une vidéo que Janet ne fait que simuler, le reste des adultes le pensent également, et la mère de famille leur demandent de partir, tous. J'reporte mon intention sur le rouquin. Il aurait fait l'effort d'avoir regardé le screamer ? Et il serait resté en état de choc ? Hmm... Il respire encore, au moins ?