activité mortellement intéressante

erin & ashton

Depuis son arrivée à Immortalia, Ashton ne s’était rendu que de rares fois dans la serre. Pour quelles raisons, me demandez-vous ? Il pensait juste avoir plus de choses à régler en dehors de celle-ci. Ce n’était pas que le jardinier précédent avait été mauvais à la tâche, mais le blond avait cru comprendre qu’il avait été embauché un mois et demi après la démission – annihilation ? – de la personne qui occupait le poste juste avant lui. Alors, oui, le parc avait eu le temps de se… détériorer légèrement.

La serre, elle, par contre, était assez souvent utilisée par le club de botanique – auquel appartenait Ashton, sans qu’il ne leur ait rendu visite, pas une seule fois – alors elle restait en à peu près bon état. En tout cas, c’était ce qu’il avait pu constater lors de ses précédentes visites. Bien sûr, il y avait des choses à améliorer, dans la disposition des plantes, et puis aussi, la propreté n’était pas très très présente, mais… mais ça restait convenable. Il avait donc reporté le jour où il ferait un vrai examen de l’endroit, et ce jour était finalement venu.

Le parc était sublime – à ses dires, et à celles d’Artémis, qui avait normalement toujours quelque chose de négatif à faire remarquer – et il n’avait plus grand-chose à corriger, que ce soit dans la partie basse – les fleurs, l’herbe – que dans la partie haute – les arbres. Et il pouvait le dire. Il était carrément fier de lui. Et il avait fait un bon boulot. Bon, bien sûr, il avait reçu l’aide d’Artémis, à travers les pouvoirs qu’il avait acquis avec la possession, mais… il avait vraiment fait ça. Tout seul. Il n’avait pas d’assistant, ou quoi que ce soit – qui voudrait être l’assistant d’un jardinier, de toute façon ? pfeuh – alors il avait dû faire fonctionner ses propres méninges, et utiliser ses propres mains pour tout, tout faire.

’C’est bon, on a compris…’

Il sortit de ses pensées comme on se réveille d’un bon songe. Il cligna des yeux quelques instants, bâilla, et finalement, un sourire se dessina sur ses lèvres.

Ferme-la et laisse-moi profiter d’mon œuvre.

Elle ne se tut pas, continuant de blablater à propos de son ego et de toutes ces choses dont il ne se souciait pas, mais elle le laissa profiter de la vue qu’il avait.
En effet, il était perché sur un arbre, assez robuste pour que ses branches supportent son poids. Il avait devant ses yeux toute la surface verte et ondoyante, comme un lac d’herbe qui s’arrêtait au chemin bordant le côté du pensionnat. Il pouvait également apercevoir, minuscule de là où il était, le bassin des carpes, scintillant sous les timides rayons de Soleil de début d’après-midi qui perçaient à travers les fins nuages.
Il eut un petit soupir de satisfaction et entreprit de descendre de son perchoir, habilement. On voyait bien qu’il en avait l’habitude. Une fois les deux pieds revenus sur le plancher des vaches, il attrapa son sac contenant ses outils, le passa sur une de ses épaules et, tenant la bretelle d’une main, il se dirigea vers la serre qu’il avait délaissée depuis son arrivée.

Il ne s’arrêta pas en arrivant, entrant directement et refermant la porte derrière lui.
L’humidité le frappa en plein fouet et il ne put que se dire que ses cheveux allaient onduler encore plus. Artémis ricana.
Posant le sac près de l’entrée, il commença à faire le tour de la serre, examinant attentivement chaque plante. Il lui semblait qu’elles allaient toutes bien, alors un sourire étira ses lèvres, éclairant son visage déjà bien chaleureux de base. Déjà, ça lui faisait du travail en moins. Et puis, voir des plantes en aussi belle forme – bon d’accord, ça dépendait lesquelles, mais elles allaient bien, c’était le principal – le rendait heureux. Amoureux de la nature, il ne changerait pas.

Il continuait sa vérification méticuleuse et arriva finalement dans un coin qui, malgré les rayons de Soleil qui emplissaient la serre, restait à l’ombre. Il semblait qu’un des élèves avait trouvé le point parfait pour ses plantes qui ne supportaient pas la lumière directe de l’astre. Il ne se départit pas de son sourire, s’approchant, et se rendit compte qu’il y en avait qui avait été plantées à même la terre. Intéressant. Cela signifiait sans doute que l’heureux propriétaire de ces plantes n’avait pas vraiment l’intention de les bouger de là, et préférait plutôt qu’elles poussent plus librement. C’était toujours bien, les plantes libres, uh ?
Il s’accroupit devant le carré de terre et il s’arrêta de respirer.

Oh merde mais c’est…

’Ce ne sont pas des plantes que l’on trouve aisément, en Irlande, je me trompe ?’

Tu t’trompes pas. Ou sinon, j’me trompe moi-même. La belladone et l’aconit sont parfois utilisés pour leurs propriétés thérapeutiques.

’Tout comme la mandragore ?’

Ouaip. Attends, y’en a ici aussi ? T’en as vu une ?

’Juste au-dessus de ta tête, garçon.’

Il leva les yeux et rencontra, effectivement, la mandragore. Les mandragores. Elles étaient belles. Il descendit son regard sur les deux autres. Si belles, et pourtant, bien dangereuses pour les incompétents et les ignorants, et même pour ceux au courant. Il se mordilla la lèvre. Qui était l’étudiant si téméraire qui avait planté tout ça là ?

activité mortellement intéressante

erin & ashton

Alors qu’il était toujours en pleine contemplation des plantes, essayant de se souvenir de la liste du club de botanique qu’il avait vue, il entendit derrière lui un raclement de gorge. Tranquillement, sachant sa présence complètement légitime et ne sursautant pas à chaque bruit, il regarda derrière lui, tournant à moitié son torse, toujours accroupi et s’appuyant à terre avec ses mains.

Son regard tomba sur une demoiselle aux cheveux flamboyants – une cousine de l’autre idiot maladroit ? Il retint un ricanement – et complètement bouclés, ou même frisés ? Il ne savait pas trop. Elle semblait plutôt jeune, faisait presque gamine. Sur sa peau pâle, les taches de son ressortaient en nombre important, en dessous de son regard bleu – c’était bleu, hein ? il n’était pas sûr, dans le peu de lumière qui éclairait le coin sombre de la serre –, bleu comme l’océan.

Elle est adorable !
Ça, ça signifiait que s’il tenait à sa santé mentale, il n’avait pas intérêt à faire du mal à la demoiselle.

Elle n’attendit pas pour prendre la parole.

« Euh … excusez-moi ? Il aurait-il un problème ? »

Sa voix faisait bien plus adulte que ne le laissait penser sa physionomie. Un sourire se dessina sur ses lèvres, lui donnant un air innocent. Ashton hésitait, entre penser qu’elle était véritablement angélique, ou bien qu’elle jouait très bien la comédie. Il en avait rencontré, des filles comme ça. Pas que des filles, même. Ces personnes qui ont l’air terriblement pures, terriblement frêles, et qui pourtant cachent une force et une malice incomparable.

Enfin. Il devait répondre à la question, qui le fit tilter.

« Non. Pourquoi est-c’qu’il y aurait tout de suite un problème, ma chère ? »

Pourquoi l’attaques-tu d’entrée en jeu ? Tu dois être plus sympathique, garçon. Regarde ce petit agneau !

C’est peut-être le loup déguisé en grand-mère… Non, cherche pas à comprendre.

Elle marmonna quelques mots à propos de son incompréhension et de pourquoi un loup se déguiserait et il se mordilla la lèvre pour empêcher un éclat de rire de sortir de sa bouche.

« C’sont de belles plantes que j’vois là. Elles sont à toi ? »

Il la regarda avec un sourire, se demandant ce qu’elle allait répondre. Bizarrement, ça ne l’étonnerait pas si elle en était l’heureuse propriétaire. Alors, dans ce cas, il fallait juste savoir pourquoi elle avait planté ces trucs dangereux dans la serre du pensionnat.

« Au fait ! Si tu savais pas, j’suis le jardinier. Enchanté ! Tu fais partie du club de botanique, j’suppose ? »

Garçon… Tu as encore posé beaucoup de questions.

Quoi ? Seulement deux ! T’abuses.

Oui oui… En attendant, ne l’embête pas.

Si c’est un ordre, majesté… C’était sarcastique.

activité mortellement intéressante

erin & ashton

Elle ne se pressa pas pour lui répondre, et prit même le temps de s’agenouiller devant ses tue-loups. Elle commença à s’en occuper et Ashton ne put qu’admirer sa dextérité. La jeune fille semblait vraiment s’y connaître. Le fait que c’était en fait des plantes dangereuses ne retirait rien au talent que le jardinier décela en elle. Il se demanda même si elle en savait plus que lui… Sans doute à propos de ses plantes inhabituelles, oui !

Elle lui répondit, sans le regarder, continuant de jardiner tranquillement. Puisqu’il n’avait montré aucun reproche à la vue de ces petites illégalités – façon de parler, vu qu’il ne se souvenait pas avoir lu quelque chose à propos des belladones et autres jolies plantes de la sorte – elle ne paraissait pas être dérangée de s’occuper d’elles.
Mais donc maintenant, il savait que c’était cette jeune fille qui les avait plantées ici. Il savait qui suspecter si quelqu’un mourrait d’empoisonnement, non ?

Si c’est un homme qui meurt, je ne pourrais que la féliciter. J’aime les demoiselles avec du caractère et qui n’hésitent pas à tuer !

Calme tes pulsions, s’te plaît.

N’étant pas très à cheval sur la morale et tous les trucs qui sont nécessaires pour vivre en société, il n’avait pas grand-chose à reprocher à la jeune fille, concernant ces plantes dont elle semblait prendre très grand soin.

« Et vous que faites -vous ici ? Je ne vous ai croisé qu'à l'extérieur. Je ne pensais pas vous croiser dans la serre. A ce propos, j'aime beaucoup ce que vous avez fait à l'extérieur. C'est très beau. »

Le regard d’Ashton avait suivi les mains de la demoiselle, attentif à ce qu’elle faisait, mais il remonta immédiatement sur son visage aux mots qu’elle prononça. Elle souriait largement, et le blond put confirmer le fait qu’elle avait des yeux bleus. Un sourire se dessina sur les lèvres du jardinier et une lueur de satisfaction et de fierté brilla dans ses yeux.

« Merci beaucoup ! Ça m’fait plaisir que t’apprécies mon travail. C’pas tous les jours qu’on y fait attention et qu’on me le fait savoir. »

Artémis lui fit remarquer qu’il ressemblait à une victime, à une personne effacée, quand il disait ça. Il ne réussit pas à la faire taire avec un « ta gueule », et elle lui glissa encore deux trois remarques divinement mesquines qu’il ignora royalement.
Cependant, ils s’étaient éloignés du sujet de base. L’avait-elle fait exprès ? Le sourire du blond se modifia légèrement. Elle n’allait pas s’en tirer comme ça, parce que s’il tolérait la culture de plantes dangereuses – tant qu’elles ne conduisaient pas à un homicide, même involontaire – il voulait savoir pourquoi.

« Bon, j’suis pas con, j’sais ce que c’est que ces plantes. Tu les fais pousser dans quel but ? Cherche pas à me mentir, s’il te plaît. »

De but en blanc ? De but en blanc.
Il n’était pas là pour la gronder. Il n’aimait vraiment pas faire la morale, étant lui-même pas très bien placé pour la faire. Bien sûr, il lui venait des besoins de la faire, à certains moments. Mais ce n’était pas son genre. Non, là, il voulait vraiment juste savoir. Une grande curiosité à satisfaire. Surtout que là, l’affaire était intéressante.