Vous la croisez parfois au détour d’un couloir, ce petit bout de femme qui n’en impose pas vraiment. Chemise blanche sous un tailleur sombre accordé à un pantalon serré, elle se déplace souple et droite, suivie par le claquement discret de ses chaussures de cuir souples. Elle vous gratifiera toujours d’un regard franc et d’un léger sourire, comme pour vous assurer que oui, elle a bien remarqué votre présence et que celle-ci ne la dérange pas. Une fois qu’elle vous a dépassé, ne restent d’elle qu’une subtile flagrance fruitée rappelant étrangement la tarte à la myrtille. De dos, vous ne voyez plus qu’une chevelure claire retenue en arrière sans aucun artifice.

Anna se déplace toujours ainsi d’un point A à un point B. Elle sait où elle va, ou du moins donne toujours l’impression que c’est le cas. L’image de confiance absolue qu’elle doit dégager, elle l’a travaillée très longtemps et ça se voit. Pas de regard fuyant, pas d’épaules voutées, pas de voix qui tremble, rien d’autre qu’une femme à la stature assurée et droite. Et contrairement à ce que sa stature peut laisser penser, elle a une force physique à proprement parler insultante. Les médecins parlent de « densité musculaire anormale » ou de « sollicitation nerveuse au-delà du naturel », mais aucun n’a vraiment réussi à comprendre d’où elle tenait un tel punch. Dans tous les cas, Anna s’en sert comme d’un moyen supplémentaire pour appuyer son autorité sur les petits malins qui la prennent d’un peu trop haut, dans l’éventualité où ils n’auraient pas reçus le mémo de leur camarade à la joue un peu trop rouge.

En dehors de son travail, elle est aussi avenante qu’un camion. Elle ne marche pas sur des œufs et dit très clairement le fond de sa pensée avant même d’en entamer la surface. Les codes sociaux sont demeurent un concept assez vague dans son esprit. Concise et terriblement franche, on l’a souvent comparée à Alceste lorsqu’elle pratiquait des cours de théâtre. Les mêmes éclats qu’elle dissimule si bien devant les élèves, elle ne les mâche plus en dehors. Non pas qu’elle soit constamment sur les nerfs, mais à moins que les choses n’avancent vraiment, elle se sent frustrée. La vie doit bouillonner, se débattre, pas ronger son frein parce que l’on n’ose pas faire ce qu’on veut vraiment faire. Une sorte de paradoxe qu’elle contrebalance par une maitrise exemplaire d’elle-même lors de ses heures de travail. Presque exemplaire.

Dans le secret de sa chambre pourtant, face à son miroir, Anna se contemple vraiment. Tout ceci reste bien trop friable à son gout. Elle a beau s’en garder devant les autres, elle manque cruellement de confiance en elle. Sa force n’est rien d’autre qu’un apparat dont elle se sert dès que les choses lui échappent, dès que sa prestance ne suffit pas à masquer qu’elle n’en imposera jamais totalement devant ceux qui la dépassent d’une tête ou deux. En tout point elle cherche à s’améliorer. Rien n’est suffisant pour elle et cette course permanente au toujours plus gomme à ses yeux tout ce qu’elle a déjà pu accomplir par le passé. Elle se saborde sans le vouloir. De même, le tumulte interne qui l’agite fait qu’elle se retrouve très souvent seule alors qu’elle adore être avec les autres. Son honnêteté trouve sa limite chez autrui bien qu’elle soit toujours distillée dans sa débordante joie de vivre.

Et alors qu’elle cherche encore à s’équilibrer est entré dans l’équation un poids bien plus lourd que tous ceux qu’elle pourrait être capable de soulever.

Foule d’anecdotes inutiles :

-Aversion pour les « bruits de bouche » tels que la mastication ou les claquages de langue.
-Tient un journal intime depuis ses douze ans. Elle est passée à l’informatique vers dix-sept ans.
-Goût impie pour les amandes et les pois cassés.
-Pratiquante quotidienne de la méditation
-Végétarienne
-Porte toujours sur elle le bouchon de liège venant de la bouteille ouverte lors de l’obtention de son diplôme
-Traitée durant l’adolescence pour trouble obsessionnel compulsif (entre autre, elle se sentait obligée de toquer trois fois trois coups chaque fois qu’elle entrait ou sortait d’une pièce)
-Passe beaucoup de temps sur sa 3DS
-Ancienne adepte de la désobéissance civile
-Photophobique
-Danse très bien le shuffle
-Adore marcher sous la pluie ou les soirs d’orage
-Peur de perdre la mémoire
-Très bonne oreille mais sujette aux otites

C’est étrange comme les souvenirs de ton enfance son brumeux et chaotiques. Êtes-vous vraiment incapable de vous rappeler le jour de votre conception et tous ceux qui suivent après ? Tes premières esquisses prennent leur forme autour d’une table. Tu courrais après un petit chien noir et blanc. Merlin, il s’appelait, à cause de ses poils blancs autour de sa bouche donnant l’impression d’une grosse moustache. Il est mort quelques années après, de vieillesse et d’un squelette qui accusait le poids des ans. Quelle pitié.

Déjà petite, tu étais une pile électrique. Et ce n’était pas que de joie, de rire et de curiosité. Tu étais capable des pires caprices dans les allées des magasins si tant est qu’on te refusait quelque chose. Tu pleurais beaucoup aussi. Pour te calmer, ton père te forçait à accomplir des tâches qu’on ne confierait normalement pas à une petite de ton âge. Tu faisais le ménage, tu retirais le papier des bouteilles de vin vides dans des bassines remplies d’eau froide, tu l’aidais à s’occuper des vaches, tu ramassais les patates et d’autres choses dont tu te souviens à peine. Ah oui, c’est vrai. Tu as grandi dans une ferme non loin de York. Ça explique les relents d’accent et les quelques expressions étranges qui trainent ici et là quand tu parles.

C’est comme ça que tes parents ont remarqué que tu étais capable d'accomplir des choses qui auraient normalement calmé n’importe quel autre enfant. Toi, tu ne t’en rendais pas compte. Tu faisais ce qu’on te disait de faire pour ne pas te faire encore punir parce que tu avais un peu trop crié dans la journée. Les médecins t’ont suivie avec attention pour déceler tout trouble de la croissance mais tu as grandi tout à fait normalement, si ce n’était cette énergie incroyable dont tu disposais. Au final, ça ne t’a jamais vraiment posé problème alors personne n’a cherché plus loin.

En cours de sport, c’est là que tu brillais le plus. Téméraire, compétitive et peut-être trop sûre de toi. Par contre, les autres matières n’étaient pas ton fort. Surtout la géographie et l’arithmétique. Ça ne t’a jamais plus, les chiffres, qu’ils soient sous forme d’équation ou de tableau de PIB. C’est peut-être pour ça que tu as commencé à suivre des cours de théâtre ? Parce que là, tu n’étais pas face à tes faiblesses ? Ou alors parce qu’il fallait encore trouver un moyen de de te calmer pour t’endormir le soir sans faire crier tes parents ? Tu as continué longtemps dans tous les cas. Même après avoir arrêté le cursus scolaire de base. Tu aidais toujours tes parents à la ferme puisque c’était la seule chose pour laquelle tu étais douée, et à côté, tu côtoyais des « artistes ».

Pendant ces années tu as commencé à te rebeller. Un petit groupe de jeunes aux idées anarchistes ont implanté dans ta tête toutes ces belles choses sur la révolution, la désobéissance, la chute du capitalisme et tu les as crus. Tu y crois toujours au fond de toi, surement, mais pas autant qu’à l’époque. Tu participais aux manifestations, tu cassais parfois, jusqu’à te faire pincer un moment où tu t’étais montrée plus inconsciente que d’habitude. Tes parents t’ont passé un sacré savon ce jour-là. Tu t’en souviendras toute ta vie. Tous tes choix de vie étaient mauvais, même tes relations. Ils ont bien tenté de resserrer les visses mais rien n’y a fait. Dès que tu as été majeure, tu es partie. Tu as repris contact avec un oncle qui habitait à Galway en Irlande pour habiter chez lui le temps de te trouver une situation.

Là, tu as enchainé les petits boulots. Le genre de travail ingrat que tu faisais petite. Usine agroalimentaire à la chaine, préparation de commande, déménagement, tu es passé par à peu près tout ce qu’on pouvait te proposer. En somme, tout ce qui ne demandait pas de qualification. Avec ton pécule, tu as loué un petit appartement avec un colocataire rencontré sur un site dédié aux jeunes en situations précaires comme toi. Sans trop savoir pourquoi, tu as suivi les conseils de celle qui s’occupait de ton dossier et tu t'es lancée dans une formation d’agent de sécurité. Encore une tentative de faire voir que tu étais capable de quelque chose au final ? A peine avais-tu décroché le sésame censé t’ouvrir les portes du monde du travail, le vrai, l’aliénant, celui sur lequel tu as craché durant des années, que tu as reçu une enveloppe.

Tu as sauté sur l’occasion. Une offre d’emploi aussi tôt, alors que tu n’avais absolument aucune expérience dans le domaine, c’était l’aubaine idéale. Tu aurais peut-être dû y réfléchir un peu plus, car aujourd’hui, te voilà avec un dieu dans ta tête. Et pas n'importe lequel.

Ici, tu vas nous parler de ton dieu. Tu vas nous le décrire, et nous dire comment tu t'entends avec lui, ce que ça vous fait à tous les deux d'être dans le même corps. Et tout à la fin, tu vas nous mettre ton test RP, mais si tu veux, tu peux combiner les deux parties.