*up !*

L’intonation que pris la déesse me rappela vaguement Hermione, vous savez lorsqu’elle tente de faire lever son balai. Never mind.. j’ouvris ainsi les yeux et aperçus le jour pointer le bout de son nez à travers les rideaux. Je passai une main sur mon visage puis m’assis péniblement sur mon lit laissant pendre mes pieds. Mais tu n’es pas en vacances me diriez-vous, pourquoi se lever aussi tôt ? Ne cherchez pas plus loin, cela défit toutes les lois de la logique. Après une rapide toilette, j’enfilai un sweat à capuche entendant la pluie frapper contre la fenêtre, je fis rapidement mon petit sac avec l’essentiel dont je pourrais avoir besoin. Je sortis en silence de la chambre veillant à bien fermer la porte derrière moi puis progressai dans le couloir menant aux escaliers. J’ignorais ce que j’allais faire exactement mais les seuls moments où je pouvais sortir sans être dérangée, se situaient le matin tôt ou tard le soir. Durant l’entre deux je pratiquais généralement l’isolement, je me retranchais soit dans la bibliothèque soit dans ma chambre. Ce n’est pas très sain en effet, chacun son mode de vie, le mien me convenait parfaitement.

*quel est le programme ?*

*Premièrement trouver un arbre dans lequel grimper, ensuite on avisera.*

*je me disais, ça serait pas sympa si on sortait du pensionnat, c’est pas interdit alors pourquoi le faire rarement ?*

La sécurité. Je ne savais pas vraiment ce que je pouvais trouver en dehors, les seules fois où je m’y étais rendue, c’était pour courir.

*pas forcément plus sûr à l’intérieur, souviens toi du petit incident de la dernière fois*

Atalante n’avait pas tort, au final on est à l’abri nulle part, la solution est de savoir se défendre tout simplement, et je commençais justement à apprendre. Je me décidai finalement à traverser le parc sous une pluie fine, jusqu’à arriver devant le portail. « Come on », me dis-je en appliquant ma capuche sur ma tête, ce n’est pas une prison alors aucun risque à sortir. J’étais à présent dehors, non sans entendre les horribles grincements du portail, une vraie antiquité. Je marchais pendant longtemps, veillant à mettre beaucoup de distance entre moi et le pensionnat dans lequel j’étouffais. Je m’arrêtai après avoir gravi une colline, et contemplai l’horizon dont les couleurs étaient dignes d’un tableau. Ne pouvant m’en empêcher je sortis mon carnet à dessin et un crayon gris. Grossièrement je fis mon croquis veillant bien à marquer les couleurs que je ferais à mon retour dans le dortoir. La page gondola légèrement à cause de la pluie, je ne le remarquai pas, ou plus devrais-je dire. Le vent vint fouetter mes jambes me faisant à peine basculer d’un pas « splotch ! ». Mon pied était entré en contact avec de la boue, une chance que je m’étais munie de chaussures montantes. Mes oculaires balayèrent rapidement la zone où je me trouvais jusqu’à repérer un arbre dont l’accès semblait simple. Je finissais mon dessin avant de m’y rendre. La colline recouverte presque entièrement de boue, m’apparaissait comme un danger, étant donné ma maladresse. Une fois l’arbre atteint, j’escaladais aisément et choisis une branche très en hauteur pour me porter durant le reste de la matinée.

*pas essoufflée ?* , s’enquit la divinité.

*Pourquoi le serai-je ?*, répliquai-je étonnée de sa question.

*eh bien l’arbre est quand même très haut, ajoutant à ça le fait que tu n’es pas très musclée.. tu dois acquérir de certaines de mes capacités je pense, il va falloir surveiller tout ça*

*Tu penses aux nombreux verres que j’ai cassés ?*
Erin allait sûrement s’en apercevoir mais ce n’était pas la fin du monde non plus.

*plus grave que ça, tu ne contrôles pas ta force, cela peut s’avérer dangereux pour toi et ton entourage restreint, tu vas devoir ..*
Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que je la coupais.

*M’éloigner de tout le monde en attendant que je contrôle mon « pouvoir ». Cela ne va pas trop changer mes habitudes de toute façon.. le plus dur sera de mettre de la distance entre Erin et moi, c’est ma sœur et puis on dort dans la même chambre.*

*désolée mais c’est le seul moyen*

J’inspirai profondément, je devrais pouvoir gérer ça, néanmoins j’avais peur du mal émotionnel que ça pourrait causer à Erin. Elle a été très affectée par mon silence après la mort de notre mère, et maintenant que l’on commençais tout juste à se rapprocher l’une de l’autre suite à notre arrivée au pensionnat, j’étais obligée m’éloigner.

« FUUUUUUUUUUCK », lâchai-je furieusement les larmes aux yeux.

Ma voix se répercuta dans le lointain. Ce mot ne faisait pas partie de mon vocabulaire, n’utilisant jamais de mot vulgaire, mais à ce moment précis je pensais « au diable mon éducation ! ». Je me laissai aller contre la base centrale de l’arbre et essuyai d’un revers de ma manche les larmes qui me dévoraient les joues. Je demeurai là un moment, Atalante restant silencieuse car elle ne savait quoi faire. Le temps passa, m’étais-je endormie ? Je l’ignorais tout ce que je sais, c’est qu’une énorme bourrasque me fit basculer de la branche sur laquelle je me trouvais pour atterrir sur le sol boueux. Je ne me relevai pas tout de suite étant un peu sonnée. Lorsque je décollai ma tête de la boue, je remarquai qu’une personne se tenait là.

*toujours vivante hein ? tu vas pas me lâcher maintenant ?!*, s’écria ma déesse.

*Non mais si tu continues à me détruire les tympans de la sorte, mon heure ne devrais pas tarder.*

Je me massai les tempes, accueillant une nouvelle migraine, puis étudiai la fille qui se trouvait devant la masse peu charmante que j’étais. Plus grande que moi à première vue, blonde aux yeux bleus, elle était plutôt jolie. Que pouvait elle bien faire ici ? J’étais trop sonnée pour y réfléchir, d’ailleurs je me demandais si je n’étais pas en train de rêver.

Une fois assise j’étudiai la situation, étant à peu près sûre que je ne rêvais pas. Bon je devais être très instable sur la branche et à moitié endormie, j’ai dû exagérer en pensant qu’une bourrasque m’avait fait tombée. Ce n’était probablement un petit coup de vent.

- Bonjour, je m’appelle Laureleï Donnely. Je peux t’aider ?

*n’oublie pas ce qu’on a dit hein ? pas d’exceptions*

*Oui j’ai compris, merci.*

Je fus étonnée qu’elle me dise son nom, mon aspect ne devait pas inspirer une grande confiance pourtant. Je choisis de ne pas répondre. Peut-être que si je ne faisais rien elle partira d’elle-même, ou alors je pouvais lui dire clairement de me laisser en paix. La deuxième proposition m’apparaissait peu alléchante, cette Laureleï avait l’air d’être quelqu’un de bien. Elle me tendit sa main et j’eus un violent mouvement de recul, j’ignorais pourquoi comme si avec un simple geste elle pouvait m’infliger des dégâts. Je chassai cette idée saugrenue de ma tête en la voyant me sourire, il ne lui fendait pas tout le visage, mais tout de même cela restait un sourire. De mon côté je restai le visage fermé, ne voulant pas éterniser cette rencontre et y mettre un terme au plus vite. Je sentis de la boue me couler sur le visage me faisant enfin réaliser que ce n’était définitivement pas un rêve et que j’étais toute sale. On pouvait trouver des microbes dans la boue non ? Eh si par inadvertance j’en avais avalé ? Je toussotai bruyamment pour vérifier puis à l’aide de mes mains retirai rapidement le masque qui me couvrait partiellement la figure.  

*calme toi t’as juste besoin de te rincer à la rivière, juste ne t’attends pas à un bain chaud*

Vous penserez mais la douche du pensionnat est chaude, pourquoi ne pas y aller ? Réfléchissez deux minutes et vous serez de mon avis que cela n’est pas une bonne idée car :

1)je vais très certainement rencontrer sur le chemin des gens qui voudront savoir ce qu’il s’est passé voire même se moquer
2)je pourrais salir l’établissement vu la couche qui me recouvre
3)si je vais me doucher j’aurais besoin avant de prendre des affaire de rechange et une serviette, la probabilité que ma jumelle se trouve dans la chambre est trop élevée pour s’y risquer
4)enfin si je croise le Directeur, professeur, garde ou autre adulte usant d’autorité sur moi je pourrais avoir de graves ennuis tel que le renvoi

J’espère vous avoir convaincu. Je me mis debout commençait à sentir la colère monter en moi. Cette situation était tout exceptée plaisante, et je ne pouvais que me blâmer pour ça. J’avais envie de marteler l’arbre de coup mais fis un immense effort pour me retenir et serrai points et machoires.

*Au fait ou puis-je trouver ta rivière ? Je ne connais pas vraiment le coin alors si tu pouvais me servir de GPS ça serait fort aimable de ta part.*

*GPS ? oh je sais attends .. c’est euh une marque de voiture !*

*Oh tu sais quoi oublie, tu m’agaces.*
Je n’avais pas le droit de lui en vouloir, après tout elle ne connaissait pas tout de notre monde actuel, mais cet incident m’avait rendue irritable. Atalante dû le comprendre car ne répliqua pas comme elle avait l’habitude de faire et demeura silencieuse. La priorité restait de trouver cette rivière qui j’espère existait, l’inévitable allait arriver, je devais demander à Laureleï.

« Bonjour, si vous voulez réellement m’aider pourriez-vous m’indiquer si une rivière ou un point d’eau ne se trouverait pas à proximité de là où nous nous trouvons. C’est tout ce dont j’ai besoin. »

J’avais évité tout contact visuel et arborais un ton neutre, montrant mon non-intérêt pour sa personne. Oui ce n’est pas ce que l’on peut communément appeler la « bienséance » mais parfois il faut savoir faire des concessions pour rester sur la ligne que l’on s’est fixé. La mienne étant d’éviter pour l’instant tout le monde.

*tu as fait quoi de ton sac ?*

Mon sac ! J’vais pleins de choses auxquelles je tenais dedans, si jamais la boue les avait abimés je peux vous assurer ça n’allait pas être sans conséquence pour ce qui m’entourait. Je me mis à quatre pattes et fouillai la zone où j’étais tombée. Rien. Absolument rien. Mon livre.. mon carnet de dessin.. envolés.. Je me relevai d’un bond et mon dos percutai le tronc de l’arbre ce qui ne fit qu’augmenter mon agressivité. Après m’être retourné, face au végétal, je balançai mon genou contre l’écorce qui implosa sur les côtés. Puis j’entendis un objet tomber, et mon attention se focalisa derechef dessus. Il avait dû s’accrocher dans les branchages, pourquoi diable n’avais-je pas envisager cette possibilité ? Je me précitai sur lui vérifiant que tout était bien là, heureusement il y avait qu’un peu de boue sur la partie extérieure, rien de grave.

*euh Ellyn tu viens tout juste de faire la chose à éviter absolument : montrer ta super force à quelqu’un*

*Doux jésus ! Sa présence m’était sortie de l’esprit ! Peut-être a-t-elle mal vu et puis je n’ai pas déraciné l’arbre non plus ..*

Je n'avais plus qu'a prier pour qu'elle n'ait rien vu de tout ça.

*Elle s’avance vers moi que dois-je faire ? Fuir sans attendre que Gandalf ne me l’intime ?*

Je ne bougeai pas d’un pouce, étant indécise sur la tactique à adopter. Le temps se couvrit peu à peu, laissant le paysage se teinter d’un joli dégradé de gris.

*euh bah faudrait quand même que tu déclines son offre avant et je comprends pas, qui c’est ce Grandalf ?*

*Son offre ? Mais de quoi donc parles-tu ? Oublie c’était une référence au Seigneur des Anneaux.*

*je me doutais bien que tu n’avais pas entendu.. bref en gros elle a dit qu’elle ne connaissait pas de rivière aux alentours mais qu’elle habite pas loin si besoin elle peut t’y emmener, ah oui le livre que tu lis tout le temps*

Je pense qu’elle va reconsidérer son offre si elle a été témoin de ma « super force ». Et puis je ne comprenais vraiment pas, comment pouvait-on inviter des inconnus chez soi, je pouvais très bien être dérangée. Cette fille venait à peine de me rencontrer, moi qui venais de tomber dans la boue sans crier gare et qui se refusais à la regarder dans les yeux. Ashlotte et Laureleï demeuraient un mystère pour moi. J’allais bien évidemment décliner sa proposition et partir à la recherche d’un point d’eau en espérant que cela ne me prenne pas toute la journée.

« Merci mais je me dois de refuser ton offre. », répondis-je laconiquement et un peu tard.

Au moins cela avait le mérite d’être clair et concis. J’espérais que cela la vexe un tant soit peu, n’ayant pas expliqué pourquoi je ne voulais pas, et qu’elle parte sur le champ, mais elle ne fit rien de ça. Elle s’accroupit près de moi, je bloquai ma respiration par pur reflexe.

- Tu viens du pensionnat Immortalia ? Tu es dans la section M ?, me demanda-t-elle en chuchotant.

Je n’en revenais pas, elle aussi était au pensionnat, elle aussi devait être possédée par un dieu. Cela mit un terme à mes doutes, Laureleï avait bel et bien vu le petit incident avec l’arbre, sinon elle ne m’aurait pas posé ces questions. Allait-elle référer de ce qu’elle avait vu au Directeur ?  Je n’en étais pas convaincue, elle ne semblait pas être ce genre de personne. Je ne me rappelais pas l’avoir déjà vu dans l’établissement, elle devait faire partie de ce grand groupe de personne (tout le lycée) dont j’avais pris l’habitude de ne pas m’y intéresser.

*au moins on sait à qui on a à faire, c’est déjà bien, je me demande quelle divinité la possède..*

*Je ne vais certainement pas lui demander, ça voudrait dire que je m’intéresse à elle et ce n’est pas ce qui était convenu tu te rappelles ? Tu m’as dit qu’il fallait que je m’éloigne et c’est ce que j’essaie de faire même si le monde semble s’être ligué contre moi.*

*alors tu vas redescendre d’un ton, parce que j’suis pas n’importe qui, ensuite si tu veux vraiment mettre un terme à cette rencontre et bien partons*

Avant de m’en aller il était quand même nécessaire que je lui réponde, je n’allais pas partir comme une voleuse. J’aurais pu lui répondre « non » mais mentir était inutile. Un rideau de pluie plus fort se mit à tomber, et je sentis mes cheveux se plaquer sur mon visage malgré ma capuche.

« Oui je réside au pensionnat et oui je fais partie de la section M. Je suppose que c’est aussi ton cas, mais je n’ai pas le temps de te parler plus longtemps, ni l’envie d’ailleurs. Je me haïssais de lui parler d la sorte mais c’était plus pour sa protection qu’autre chose, mais ça bien sûr elle ne pouvait le comprendre. Alors je te prie de bien vouloir m’excuser mais je dois impérativement y aller, tu comprends bien que je ne peux rentrer au pensionnat dans cet état lamentable. Je te souhaite une bonne journée, meilleure que la mienne. », dis-je tout en prenant toujours soin de ne pas la regarder dans les yeux, c’était plus facile pour moi.

Sur ce je tournai les talons et commençai à descendre le long de la colline, grelottant sous l’averse qui perdurait.

*bon ça, c’est fait. hmm je me demandais, t’étais comme ça aussi après euh tu sais ta mère, à éviter les gens et leur parler froidement ?*

*Chacun sa façon de gérer les choses, la mienne n’était peut-être pas la meilleure mais c’est la seule que je connaissais. Mais pour mieux répondre à ta question, j’étais bien pire que ça. Je refusais de manger, ne sortais presque jamais de ma chambre et avait en permanence les yeux boursouflés de larmes. Et à l’école c’était pire, je remballais tous ceux qui tenter de me parlaient.*

Arrivée en contre bas, je m’arrêtai ne sachant où me diriger. Me fiant à mon instinct j’obliquai sur la droite, priant pour trouver une rivière.

*Elle te manque toi ? Ta mère je veux dire, tu en as forcément une non ?*

*je crois pas qu’on peut définir ça comme un manque, tu sais c’est très différent d’ici là d’où je viens, les sentiments que l’on éprouve et les relations qu’on entretient avec sa famille*

Je dodelinai de la tête pour acquiescer, je tapotai mentalement son épaule en guise de réconfort, je ne suis pas à l’aise avec les câlins ou autre signe de réconfort. Je sentis sa tête contre mon épaule et à ce moment précis je réalisai à quel point j’avais de la chance de l’avoir.  

Spoiler:

Je continuai de marcher à l’aveugle, et désespérai un peu plus à chaque pas effectué. Le visage m’irritait de plus en plus et j’avais du mal à supporter l’odeur qui émanait de mon corps. Du bruit me parvint sur ma droite et avant que je n’aie tourné la tête, elle s’était matérialisée juste devant moi. Un peu étonnée de la revoir, je spéculai sur la raison de cette poursuite. Laureleï avait sûrement mal pris ma façon d’agir avec elle, sans oublier ma « fuite » un peu brusque.

- Attends, s’il te plait, …

Le ton employé ne semble pas échauffé, alors que pouvait-elle bien me vouloir ?

*elle veut peut être sympathiser avec toi qui sait ?*

*Désopilante tu es ! Mon agissement doit donner tout excepté envie de se lier d’amitié avec un fille telle que moi.*

Je retire ce que j’ai dit plus tôt, à présent elle paraissait en effervescence. Well.. je devrais peut être essayer de la calmer ou disons du moins de tenter une explication.

- Puisque tu es comme moi, je te dois la vérité. T’inquiètes je ne cherche pas à devenir ami ou quoique ce soit du genre. Je suis juste une personne honnête en toute circonstance. Voilà… ta chute… c’est ma faute. J’ai eu peur quand tu as crié. Je ne t’avais pas vue. J’ai créé, involontairement, la bourrasque qui t’a fait tomber, et j’ai agi sur la boue pour t’en recouvrir d’avantage. Je suis désolée pour ça, ce n’était vraiment pas voulu. J’aurai préféré qu’on continue à s’ignorer, crois-moi !

Une pointe de colère monta en moi et je contractai les poings pour la faire diminuer. Vous allez penser que mon changement brusque d’état, résulte seulement du fait que je viens d'apprendre que c'était elle qui m’avait fait tomber, eh bien vous avez presque tout faux. Le problème majeur est qu’elle a entendu mon cri, mon hurlement de rage. Je me pensais seule, libre de me laisser aller alors qu’elle se trouvait juste là ! Je me sentais lamentable vraiment, m’être montré dans un tel moment de faiblesse..  

*bon vu que c’est une fille j’propose qu’on laisse passer, même si tu as failli mourir, engueule-la et ça suffira*

*J’aurais très bien pu tomber qu’elle passe ou non, je n’étais pas stable et à moitié endormie, je reconnais malgré tout que je me serais bien passé de sa venue.*

« Bon nous avons chacune une part de responsabilité là-dedans, je n’aurais pas dû crier et tu aurais dû contrôler ton euh pouvoir. Cela appartient au passé désormais et je veux bien te pardonner de cette maladresse tout comme j’espère tu pardonneras la mienne. »

Je ne voulais m’attarder plus longtemps avec elle et reprendre au plus vite mon chemin pour m’enlever toute cette boue. J’enlevai une petite larme marron qui glissait sur mon front et m’apprêtai à lui dire adieu quand elle me sourit. Laureleï m’expliqua qu’un « passage secret », appelons ça de la sorte, nous permettrait de rentrer par la fenêtre de sa chambre. Ensuite je pourrais me doucher sans être vu grâce à son aide, elle ajouta qu’elle me rembourserait mes habits. Je pris un temps pour considérer sa proposition, Atalante me poussait à accepter car je cite « t’es vraiment dans un état épouvantable, on va jamais la trouver cette fichue rivière ». Je poussai un soupir et fit craquer mes articulations endolories. Je m’étais fixée pour objectif d’éviter absolument tout le monde pendant quelques temps, histoire que je contrôle un peu mieux, ça me semblait très mal parti.

« J’accepte ta proposition, néanmoins après ça je préfèrerais que l’on ne se revoie plus, pour notre bien commun. De plus je refuse que tu m’acquittes, ce n’est pas l’argent qui me manque et puis fort heureusement je ne portais pas mon vêtement de lycéenne. »

Je lui fis signe de passer devant pour m’amener à ce fameux passage. Nous gravîmes la colline d’un pas rapide, glissant de temps à autre à cause de la boue très humide.

*je viens de penser à un truc, bon tu vas peut-être pas aimer, mais je propose quand même, tu ne contrôle pas tes « dons » et elle non plus, alors pourquoi ne pas vous entraider hein ? pas besoin d’être amies ni rien *

Sa suggestion me laissa dubitative. En effet il y avait un aspect intéressant à sa proposition mais le fait que nous soyons toute deux incapables de contrôler ni de savoir comment exactement notre « don » fonctionnait, rendait cela négligeable.

*Je te remercie, grâce à toi j’ai une idée. Si je veux pouvoir apprendre à canaliser ce pouvoir divin, il faut que je demande l’aide de quelqu’un d’expérimenté. J’entends par là une personne qui à présent contrôle parfaitement son don.*

*et tu comptes trouver ça comment ? mettre des affiches dans le pensionnat ? tu feras pas choux noir je te le dis !*

*Je ne suis pas déraisonnable enfin, je n’envisageais pas de poser des affiches.*

Je pensais que les professeurs devaient avoir acquis un certain savoir-faire puis je me rappelai de Blue qui ne contrôlait pas du tout sa transformation. Je pouvais creuser auprès des Terminales ou encore des universitaires..

*même toi tu n’y crois pas, alors s’il te plaît réfléchis plus à ce que je viens de te dire*

« S’il te plaît » ? J’étais éberluée, avoir une marque de politesse venant d’Atalante était inespérée, impossible. Elle devait vraiment y croire pour me parler ainsi, mais ce n’était pas mon cas, je n’étais pas du tout convaincue. Et puis Laureleï ne voudrait sûrement pas non plus, quoi de plus compréhensible, cette idée semblait tellement absurde.  

Spoiler:

La pluie s’intensifiait, rendant notre marche plus compliquée, les pieds baignant dans l’eau grisâtre. Cela ne me dérangeait pas, j’aimais la sensation que créaient les gouttes d’eau sur ma peau et puis la boue commençait à s’enlever. Tout le contraire de Laureleï qui ne semblait pas trouver de plaisir sous la pluie. Nous arrivions non loin de l’entrée principale lorsqu’elle dévia pour passer par le pré. Laureleï me conseilla de faire attention aux pierres qui pouvaient être savonneuses et coupantes, j’hochai la tête et la suivais toujours. Je repensais à ce qu’elle m’avait dit, comme quoi il était fort probable que l’on se recroise dans les couloirs, cela ne m’importunerait pas du moment qu’on s’en tenait là. Je fis très attention, manquant à plusieurs fois de glisser sur une pierre, en traversant cet amas et enfin atteindre un point moi dangereux. Nous étions devant le mur du pensionnat, elle me désigna un arbre, dont l’état semblait peu stable.

- De l’autre côté, le sol est plus haut. Et il te suffira de te laisser glisser sur le gros rocher masqué par les buissons. C’est à bout de bras, mais tu as l’air bien plus forte que moi. Donc je ne doute pas que tu y arrives. De ce côté-ci, tu montes les deux branches là et tu sautes pour atteindre le dessus du mur. Il fait 50 cm de large et là tu tombes comme dans un étau. Donc tu te retiens facilement. Fais-le à pied-nu si tu as peur de déraper, mais je ne te garantis pas de t’en sortir sans écorchures. C’est de la pierre... Veux-tu que je te montre ?

*pffu c’est simple, trop simple, c’est plutôt nous qui devrions lui montrer*

J’enregistrais les informations qu’elle venait de me confier puis me visualisais ce que je devais faire. Je retirais mes chaussures rapidement, que je balançais de l’autre côté sans ménagement, elles étaient fichues de toute façon.  

« Je devrais pouvoir m’en sortir, merci d’avoir proposé. »

Les mains agrippées à la plus basse branche, je soulevais mon corps au-dessus du sol et me hissais dans l’arbre. Je montais un peu plus en hauteur pour mieux pouvoir sauter. Les jambes pliées je m’élançais à la rencontre du mur, accueillant à bras ouverts la façade. Je me réceptionnais à peu près bien dans le creux et observais le coté intérieur du pensionnat. En effet, comme dit Laureleï, un rocher se trouvait en contrebas, me permettant de descendre sans grande difficulté. Je me laissais ainsi glisser le long du mur, les mains tenant fermement le mur, mes jambes se rapprochant de plus en plus du rocher. Etant trop petite, j’étais obligée de me lâcher si je voulais atteindre mon but, ce que je fis. Mes pieds en pâtirent bien évidemment, laissant apparaître sur la pierre des pétales rouges.  

*j’adore la vue du sang, c’est si beau*

*Voudrais tu que je te donne un mouchoir ? Tu sembles très émue par cette vision.*, lui dis-je d’un ton sarcastique.
Marchand à présent sur sol, plus élevé que celui extérieur, je contemplais un moment le pensionnat, n’ayant pour habitude de le voir sous cet angle. Finalement, tournant sur moi-même je fis face à la façade.

« A ton tour »
, lui criais-je.

En attendant de la voir apparaître, je me mis à la recherche de ma paire de chaussures. J’arpentais rapidement le mur mais revins les mains vides. J’en trouvais une près d’un buisson, la semelle à demi arrachée, mais ne pouvait mettre la main sur l’autre. Je perdis finalement patience et abandonnais les recherches pour la seconde disparue, so be it.

*tu sais ce qu’on dit, une de perdue dix de retrouvées*

*Ah oui ? J’ai très souvent perdu les clés de notre manoir et pourtant je n’en ai jamais retrouvé dix. Ce genre de proverbes, adages, ou ce que tu veux c’est du grand n’importe quoi.*

Quelques instants plus tard, Laureleï descendit à son tour, avec une grâce qui lui était propre. Elle me conduisit jusqu’à la fameuse fenêtre et nous pénétrions rapidement dans sa chambre. J’étudiais son aspect par curiosité, le style était plutôt classique cependant les couleurs pastelles ne m’attiraient guère. Les posters n’accaparèrent pas mon attention, pas plus que le lit couvert de peluches, non ce fut autre chose qui capta tout mon être : les livres. Si je n’étais pas habillée de boue et encline à éviter tout lien avec cette fille, je me serais jeté dessus sans la moindre hésitation. Les circonstances m’obligèrent ainsi à me retenir, me laissant simplement la possibilité de les dévorer des yeux. Les secondes passèrent et je me ressaisis, traversant fugacement la chambre pour atteindre la porte. Je manquais cruellement de politesse, alors je me tournais vers la fille.

« Très jolie chambre, merci de m’avoir laissé passer par ta fenêtre, je vais heum prendre ma douche, le temps presse. »

J’allais prendre congé lorsque je réalisais que je n’avais ni affaires de rechanges ni serviette. Embarrassée, je restais immobile, complètement indécise. Atalante me disait de ne pas m’en faire pour ces petits détails, que je pouvais très bien me pavanait nue dans les couloirs sans problème, aucune pudeur je vous le dis.

« Pourrais-tu me prêter des habits de rechange s’il te plait ? Bien évidemment je te les rendrais demain sans faute, lavés et pliés. Et euh une serviette si possible, je ne souhaite pas croiser ma jumelle dans ma chambre, je suis obligée d’opérer de la sorte. »
, lui demandais-je assez désespérée.

Ma question l’a fit rire, l’air désemparé que j’avais pris devait certainement y être pour quelque chose.

- Evidemment ! Je te l’ai proposé tout à l’heure. Et oublis le « plié ». Mets-les au service de lavage, ils sont identifiés. La laveuse le mettra sur mon compte, t’inquiètes !

Je dodelinai de la tête pour acquiescer et pris les affaires qu’elle me proposa, rougissant lorsque je posai les yeux sur les sous-vêtements. Lui emprunter des habits étaient une chose mais de la lingerie .. c’était très gênant (je suis très TRES pudique, sachez-le).

- Je vais aussi me réchauffer sous une douche. Je te prends des serviettes et je te prêterai mes produits.

J’écarquillai les yeux suite à sa déclaration, lorsque je suis dans la salle de bain je me débrouille toujours pour être seule. Aujourd’hui mes habitues allaient changer, ce qui ne me plaisait pas du tout, cependant je ne pouvais lui dire. Alors lorsqu’elle sortit, je la suivis sans rien dire espérant que cette affreuse journée se termine. La tête baissée, je marchais rapidement aux côtes de Laureleï, priant pour que personne ne me voit dans cet état.  

- Tu as donc une jumelle ? Même à elle tu ne diras rien alors ?

Je relevai la tête vers elle, étonnée de sa question. Elle non plus ne devait pas vouloir que cette histoire s’ébruite, en effet nous avions toutes deux causées des dégâts à cause de nos pouvoirs.

« Non rassure toi, elle n’en saura rien. »

*je t’ai connu plus encline à la discussion*

*Je ne veux pas faire ami-ami, on était d’accord sur ce point que c’était mieux pour tout le monde si je m’isolais je te rappelle.*

*oui mais là c’est une fille, les filles tu peux*

Je levai les yeux au ciel, elle ne changerait donc jamais ! Nous arrivions devant la salle de bain et la trouvions, à mon plus grand bonheur, déserte. Après être entrée, Laureleï me donna une serviette que j’accepta sans broncher et me dirigeai vers une cabine de douche.

- On se met l’une à côté de l’autre. Je te passe les produits par-dessus le panneau. On a vraiment l’air de deux loques toutes mouillées comme ça.

J’acquiesçai toujours en silence, un peu amusée du vocabulaire utilisé par la fille. Je fonçai dans la douche souhaitant enlever le plus vite possible cette seconde peau poisseuse.  Une fois dans la cabine je pressai le bouton et sentis l’eau se cogner contre mon corps. J’enlevai mes vêtements et les posai dans un coin. En costume d’Eve je frottai ma peau boueuse, révélant une chair rougie, conséquence de mon acharnement à vouloir faire tout partir. Vint le tour des cheveux, longue et dure entreprise que de tout retirer. De façon répétée je passai les doigts dans mes cheveux, secouant sous le jet d’eau.

« Pourrais-je avoir le shampoing ? », dis-je en essayant d’élever la voix au-dessus du bruissement du liquide aqueux.

Je soufflai un « merci » après qu’elle me l’ait passé et me reconcentrai sur mon lavage. J’appuyai sur la bouteille et formai une noisette dans le creux de ma main. Je massai mon cuir chevelu avec la substance doucement mais intensément. Je réfléchis à la question posée plus tôt par ma voisine de douche, à propos d’Erin. Elle possédait une information sur moi, cela ne me plaisait, il fallait qu’à mon tour j’apprenne quelque chose sur elle.

*en voilà une bonne idée, demande lui qui est sa déesse tien !*

*Je ne peux pas, c’est trop personnel, et puis je serais aussi obligée de lui dire qui me possède. Tu sais qu’elle peut très bien avoir un dieu aussi n’est-ce pas ?*

Tout en faisant pénétrer le shampoing j’engageai la conversation par une question.

« Hmm tu euh je pourrais savoir pourquoi tu es venue dans ce pensionnat ? Je veux dire dans un pensionnat en règle générale pas celui-ci en particulier. »

*tu vas me faire croire que ça c’est pas personnel ? imagine ses parents sont morts et sa famille l’a mise là, pour se débarrasser d’un poids, pas sûre qu’elle ait envie de te le dire*

Je trouvais tout d’un coup ma question très stupide et regrettai de l’avoir posé, mieux aurait valu que je continue de garder le silence. Je fis partir tout le shampoing, mes cheveux sentent à présent bon. Je lui fis passer la bouteille et échangeai avec le savon. Chaque petite parcelle de peau fut induite de ce fluide, sans exception. Entièrement propre je restai cependant quelques minutes de plus sous la douche, appréciant la chaleur que produisait l’eau sur ma peau. J’allai sortir tout en m’entourant le corps d’une serviette, lorsque sans crier gare je dérapai sur le sol humide et par conséquent glissant. Je laissai échapper un cri à demi étouffé et m’étalai de tout mon long sur le sol. Compendieusement je me relevai et m’enroulai dans ma serviette espérant que Laureleï, alertée par le bruit ne m’avait pas vu sans rien sur le dos.

*c’est quand même une honte parfois pour moi de t’avoir tu sais*

*Sache que moi aussi ça m’agace de posséder cette maladresse, mais c’est innée, je n’y peux rien.*

Je lui avais finalement donnée mon prénom, c’était la moindre des choses après ce qu’elle venait de faire pour moi, cependant je n’oubliais pas que si j’étais dans cette situation, la faute revenait à elle en grande partie. Pour sa première question je ne comptais pas lui dire réellement la raison, mais plutôt édulcorer le tout.

« Je suis venue ici pour mieux me concentrer sur mes études, le cadre est plus approprié je trouve et puis j’avais envie d’un nouveau départ. »

Voilà, rester vague et donner aucuns détails était la meilleure chose à faire selon moi.

*tu joues pas franc jeu avec elle, pas fière de toi Ellyn*

*Je ne vais pas commencer à déballer ma vie, je te rappelle que nous étions d’accord pour nous éloigner le plus possible de tout le monde pour le bien commun. Pourquoi tu changes d’avis tout d’un coup ?*

*ouais mais pour l’instant t’as jamais fait de mal à une fille à cause de tes pouvoirs, juste des mecs, donc j’pense que t’as pas besoin de repousser cette fille*

Je ne lui répondis pas, ne voulant continuer le débat, ma décision était prise, je ne reviendrais pas dessus. Après m’être bien étalée sur le sol et m’être promptement relevée, je me maudis en entendant Laureleï rire. Mes cheveux gouttaient sur le sol, créant une petite piscine personnelle pour mes pieds, je les égouttais d’un geste rapide et concis dans l’évier à côté.

- Tu sais ton prénom me suffisait ! T’avais pas besoin de faire une pirouette ! Et ça ne me gênait pas que ça reste aussi distant entre nous.

Muette je demeurais, honteuse et ne sachant quoi répondre. En ramassant ses affaires, elle glissa à son tour, ce qui me fit sourire légèrement. Atalante eut un rire méchant, rappelant à quel point nous étions irrécupérables, nous les humains d’aujourd’hui. Je la laissai faire, lui prodiguant le plaisir de ne pas être cette fois contredite.  

- T’es pudique ! C’est pour ça que t’étais pas à l’aise tout à l’heure ! Mais pourquoi tu ne t’habilles pas dans la cabine, comme moi ?

Je rougis fortement suite à son exclamation, était-ci évident ? Je ne m’en cachais pas vraiment il faut reconnaître.

« Euh oui, en effet. Eh bien je vais toujours à la douche lorsqu’il n’y a personne, comme ça le problème ne se pose pas, mais dans le cas présent je ne sais pas, je n’y ai point pensé. Je vais suivre ton conseille. »

Je pénétrai une seconde fois dans la cabine munie des habits de Laureleï, et déroulai la serviette. Je m’habillai maladroitement, me cognant de temps à autre, ne vous moquez pas, je vous signale qu’on a vu plus pratique comme endroit pour se changer. Les vêtements enfilés je sortis sans empressement cette fois, veillant à regarder ou je posai les pieds. Ne voulant plus m’attarder je décidai de prendre congé pour rejoindre rapidement ma chambre.

« Encore merci pour euh les habits, je te les remettrai demain sans faute. Adieu et en espérant que je n’aurais pas à faire à tes pouvoirs une seconde fois. »

Je sortis de la salle de bain, un peu comme une voleuse et me retrouvai plus vite que je ne l’aurais imaginé devant ma porte. Des larmes d’eau glissant sur ma clavicule, je respirai profondément et tournai la poignée.