On ne pouvait pas dire que Nika avait eu une enfance malheureuse, ça non. Née au beau milieu de la capitale russe d'une famille aux grands moyens, elle a toujours pu mener la grande vie. Sa mère ne travaillait pas contrairement à son père qui travaillait beaucoup trop mais elle s'occupait de l'éducation de sa fille unique, et Nika n'était vraiment pas une enfant mal élevée.

Nika vouait un véritable culte à son père et au meilleur ami de celui-ci,Vladimir. Son père qui était si gentil avec elle, l'emmenait jouer avec lui dés qu'il avait un instant, l'emmenant au parc, trouvant toujours une activité à faire. Et son meilleur ami qui venait parfois donner à la maison avait une telle prestance! Il ne riait pas beaucoup, mais une aura resplendissante émanait de lui, et quiconque pouvait le remarquer.

Son père était tout de même souvent absent. Lui et Vladimir travaillaient ensemble, et disparaissaient tous les deux parfois des semaines entières. Elle ne comprenait pas très bien à l'époque ce qu'était leur travail, elle avait cru comprendre qu'ils étaient de hauts responsables du pays, qu'ils étaient des chefs de quelque chose et qu'on comptait sur eux. Toujours est-il qu'ils n'étaient pas souvent là.

Vers ses huit ans, un grand évènement arriva. En effet, on pouvait voir Vladimir partout à la télé, brandissant les couleurs de la Fédération de Russie. Il était sur toutes les banderoles, et les parents de Nika n'arrêtaient pas de répéter la même chose "il a réussi". Ils étaient si fiers de lui, si bien que sa mère avait même versé quelques larmes. Depuis ce jour, Vladimir revint beaucoup moins souvent à la maison, mais Nika était toujours très heureuse de le voir à la télévision ou de l'entendre à la radio. Elle avait fini par comprendre qu'il était devenu président, et qu'avec tout son travail, il avait du mal à trouver un peu de temps pour eux. Pourtant, il appelait toujours, où qu'il puisse être.

Mais lorsqu'elle eut dix ans, sa mère lui apprit de but en blanc que la jeune fille devrait aller dans un pensionnat réputé au beau milieu de l'Irlande pour le reste de sa scolarité. La petite avait essayé de dire non, de toute forces, et elle tenta son dernier recourt en suppliant son père. Il n'était pas tellement pour qu'elle aille si loin d'eux, mais par on ne sait quelle raison tordue sa mère avait réussi à convaincre son mari du contraire, et que c'était la meilleure solution pour elle.

C'est ainsi que son adolescence fut beaucoup moins heureuse que sa tendre enfance, se retrouvant au pensionnat Immortalia, et bien entendu dans la section M... Le jour de son arrivée, à peine avait-elle posé un pied dans l'enceinte de l'école, qu'on l'emmena directement dans la salle 3.4. Elle y tomba bien entendu inconsciente, avant de se réveiller avec une petite voix dans sa tête qui s'inquiétait de son état. Elle se crut folle pendant un instant, avant qu'on ne lui explique enfin que son père avait insisté pour qu'elle soit dans la section "spéciale". Elle ne reparla plus à ses parents, tant elle leur en voulait de lui avoir imposé cela. Heureusement pour elle, elle n'avait pas hérité de la pire déesse qui soit! Au contraire même, plus douce et gentille qu'elle, c'était difficile. Au final, elles s'étaient bien trouvées, elles se comprenaient bien malgré qu'aucune ne pourrait défendre l'autre!

Nika s'était faite quelques amis pendant sa scolarisation au pensionnat, tandis que Sigyn cherchait sa famille et notamment son mari, en vain. Elle était une élève studieuse bien que les professeurs continuaient de lui reprocher sa timidité.

Nika passa ses vacances d'été chez différents amis, se refusant toujours de retourner en Russie, ne décrochant même pas quand ses parents appelaient. Elle coupait leurs appels, les mettant sur liste rouge, se sentant totalement trahie par son père alors qu'ils étaient si proches. Elle était décidée à leur montrer que leur fille n'était pas qu'une marionnette, et elle réussit jusqu'au jour où elle reçut son diplôme de fin d'études. Elle se décida enfin à retourner en Russie cette fois, pour leur montrer qu'elle n'était peut être pas présidente, mais qu'il pouvaient au moins être fiers d'elle d'avoir survécu à toute cette scolarité.

Les bras chargés de bagages, elle était arrivée devant chez elle, et même Sigyn pouvait sentir son coeur battre à tout rompre dans sa poitrine, et sentait toute l'inquiétude de ce retour aux sources. Il faisait frais en ce matin de juillet, le vent soufflait fort dans ses cheveux et elle se souvenait de chaque détail. La voiture de Vladimir était garée devant leur maison, et un garde du corps était à l'entrée. C'est avec un grand sourire qu'elle s'avançait dans l'allée, courant presque malgré le poids de ses affaires. Le garde l'arrêta, ne la reconnaissant évidemment pas, et elle dut décliner son identité, et lui dire qu'elle habitait officiellement ici. Il la laissa finalement entrer, et découvrit alors Vladimir dans le salon, sur le divan tandis qu'il buvait une tasse de café, et sa mère derrière le comptoir de la cuisine. Ils avaient tout deux vieilli, mais c'était surtout sa mère qui avait changé. Il fallait dire qu'elle avait suivi l'actualité, et voyait régulièrement le président à la télévision. Elle lâcha ses affaires, tandis que sa mère émit un petit cri en la reconnaissant, malgré le grand changement qui s'était effectué. En effet, elle était devenue une femme. Vladimir avait reposé sa tasse, et Nika couru donc en sa direction pour le serrer dans ses bras, trop émotive pour se retenir plus longtemps. Il ne semblait pas si surpris que cela, mais la serra tout de même un peu dans ses bras, avant qu'elle ne passe dans ceux de sa mère. Les larmes aux yeux, elles s'octroyèrent une étreinte plus que longue. Après quelques instants, elles se séparèrent enfin, avant que Nika ne puisse articuler quelques mots.

"Где папа?"

traduction:

Le silence retomba petit à petit, tandis que sa mère et Vladimir croisèrent leur regard.

"Твой отец мертв" lui avait-il alors répondu, sans plus de tact qu'un grizzli.

traduction:

Ce fut, comme vous vous en doutez, un véritable choc. Elle en resta pantoise un long instant.

"Два года назад"

traduction:

Elle avait l'impression de ne plus pouvoir respirer, de suffoque, comme s'il lui manquait de l'air. Elle défaillit, ses jambes ne la soutenant plus, et tomba sur ses genoux. Elle n'en ressentit aucune douleur, tant la tristesse lui prenait tous ses sens. À partir de ce moment là, c'était le trou noir complet, pendant plusieurs heures. Lorsqu'elle reprit vraiment conscience de ce qu'elle faisait, Sigyn essayait désespérément de la faire revenir à elle, l'appelant, s'enquêtant de son état.

"Je... Je vais bien..."

Elles savaient toute deux que c'était faux, bien entendu, mais après tout c'était sa faute si elle n'avait pu revoir son père. Il l'avait tant de fois appelée, et elle avait tant de fois laissé sonner sans même écouter ses messages. Elle l'avait cherché. Il était mort en sachant que sa fille chérie le haïssait.

Elle s'en voulait tant à présent.

Elle retourna voir sa mère, qui lui avait préparé de quoi se remettre de ses émotions, tandis que Vladimir était retourné à son travail. Elle lui avait fait des pelmeni avec de la viande d'ours, son plat préféré. Elle le mangea, essayant en vain de ne rien ressentir face à tout cela. Ce n'est pourtant qu'une fois ses forces recouvrées, qu'elle remarqua quelque chose. Ses pouvoirs étant passifs, elle remarqua alors ce qu'elle n'aurait jamais cru. C'était comme quelque chose qu'elle ne pouvait réprimer, comme une odeur qui la dégoutait, ou quelque chose d'immonde à regarder. Ça lui sautait aux yeux comme le nez au milieu de la figure: sa mère avait trompé son père. Elle le voyait clairement, elle elle réprima un frisson de haine.

"Ты шлюха, вы меня был секс с другим мужчиной!"

traduction:

Surprise, puis outrée, sa mère lui mis une gifle, sans aucun ménagement pour elle. Elle avait toujours été sévère, n'hésitant pas à lever la main sur elle quand il le fallait. Il fallait dire qu'elle avait été plus ou moins seule pour l'éduquer, son père préférant passer les bons moments avec sa fille, oubliant de la recadrer ou de lui imposer des limites. Pourtant Nika n'était pas de celles qui se rebellaient, loin de là, mais on venait de bafouer l'honneur de son père, avec ce qu'elle considérait comme étant la pire chose au monde depuis que Sigyn cohabitait avec elle.

"не принимать со мной таким тоном! У меня не было выбора! Он был Стерильный!"

traduction:

Elle eut un haut le coeur. Stérile? Mais comment? Elle ne mit pas longtemps à tout comprendre, commençant à faire tous les rapprochements.

"Это Владимир, не так ли?"

traduction:

Sa mère s'arrêta un moment, déstabilisée, et finit par hocher la tête.

"Именно он хотел, чтобы я ходить в школу? Нет папа?"

traduction:

Là encore, la mère prit son temps avant d'acquiescer.

S'en était trop, elle ne pouvait plus rester une seconde de plus sous ce toit, et reprit ses affaires, qui n'avaient même pas été déballées. Elle sortit de la maison sans adresser un seul mot à sa mère, et alla retirer le plus de sous qu'elle le pouvait sur sa carte. Elle en avait encore un bon pactole, c'était un compte qui devait servir pour sa scolarité et ses études normalement. Elle retira tout ce qu'elle pu, avant de repartir pour l'aéroport. Elle reprit un vol en direction de l'Irlande, sans se retourner cette fois-ci, et sans aucun regret.

Elle avait toujours eu plus ou moins l'ambition de devenir infirmière, et elle décida de faire ses études là bas. Elle travaillait très dur, se réfugiant dans son travail, sans jamais n'avoir de plus que des amis. Elle se refusait toute relation amoureuse ou sexuelle, tout ce qui lui rappelait ses parents étaient bannis. Elle ne regardait même plus la télé. À la fin de ses études, qu'elle avait réussi avec brio, elle chercha un emploi. C'est à ce moment là que le directeur du pensionnat lui offrit la place qu'elle occupe toujours actuellement depuis un an maintenant. Elle n'avait pas su refuser, malgré toute la bonne volonté dont elle faisait preuve, se souciant toujours autant des élèves de son ancienne section.