Mika, c'est un optimiste, il n'y a sans doute pas moyen de le décrire autrement. Plutôt que de voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, il sera le premier à vous dire qu'avec 50% d'eau et 50% d'air, le verre est définitivement remplit à ras-bord. Il est de ceux qui sautent à pieds joints dans les marres d'eau les jours de pluie au lieu de se plaindre de la température, préférant voir le bon côté de n'importe quelle situation dans laquelle il se retrouve plutôt que de pleurer sur son sort; vraiment, la vie est bien plus intéressante comme ça. Il ne faut toutefois pas croire qu'il ne fait jamais d'efforts pour quoique ce soit; plutôt que de penser que tout vient à point à qui sait attendre, il est d'avis que si tu fais tout ce qui est en ton pouvoir pour réussir, tu n'as pas de raison d'échouer.

Mais malgré tout, s'il y a bien une chose qu'il déteste, c'est l'ennui. Sans faire partie des abrutis qui sautent du deuxième étage de leur appartement en hurlant yolo – il tient à sa vie, merci beaucoup -, il n'en reste pas moins qu'il n'oublie pas que jusqu'à preuve du contraire, on ne vit en effet qu'une seule fois; comme on dit, no regrets. Pourquoi perdre son temps à rêver quand on peut tout simplement se prendre en main et agir? Et s'il n'est pas occupé à faire quelque chose, il est probablement en train d'entretenir une conversation avec l'Esprit qui le possède. Bien mieux que de passer des notes en cours à son voisin de bureau, puisqu'au moins, comme ça, il n'y a pas de risque de se faire prendre. Il considère d'ailleurs comme étant l'un de ses plus grands accomplissements le jour où il a réussi à convaincre le Coq de jouer au tic-tac-toe avec lui lors d'un cours particulièrement ennuyeux malgré l'indignité de la chose en lui demandant si ce dernier avait refusé parce qu'il avait peur de perdre.

Mika, il a tendance à faire des fixations; rien de bien grave – il ne va certainement pas commencer à se la jouer stalker junior avec tous les passants -, mais il n'est pas rare qu'il se lance tête première dans le dernier sujet d'intérêt qui aura attiré son attention dans l'une de ses dernières spirales Wikipedia. C'est d'ailleurs probablement pour ça qu'il possède un nombre presque alarmant de vagues talents particuliers sans réellement être bon à un seul d'entre eux; malgré le fait qu'il dédie une bonne dose de son temps à son hobby du moment, son intérêt a bien souvent tendance à s'estomper aussi vite qu'il est apparu. Que ce soit une tentative plus ou moins réussie d'apprendre à jongler, sa phase artistique comprenant spraypaint et origami ou encore ses débuts pas exactement prometteur dans le monde du skateboard, il tend à s'y essayer avec une ardeur aussi impressionnante que brève. Il ne faut ensuite pas s'étonner qu'il fasse parti de ceux qui débutent une tonne de jeux vidéo sans jamais en terminer un seul, ou que lorsqu'il a commencé le tricot, il n'a jamais dépassé l'étape des écharpes.

Et ne parlons surtout pas de la courte mais désastreuse période où il s'est essayé à la poésie.

Le regard des autres ne l'a jamais réellement dérangé; c'est sans doute pourquoi il n'hésite pas à parler à voix haute à la divinité habitant dans un coin de son crâne lorsque l'envie lui prend – ce qui, il faut l'avouer arrive assez régulièrement. Il faut dire qu'il a toujours été un petit peu plus bruyant qu'il ne le faudrait, non pas par manque de respect mais bien parce qu'il ne réalise pas qu'il peut parfois être dérangeant. Il rit un rien trop fort, gesticule lorsqu'il parle de quoique ce qui l'intéresse, tape du pied ou du bout de son stylo au rythme de la chanson qu'il chante dans sa tête – bien souvent au plus grand damne des gens autour de lui et du dieu qui partage sa conscience -, et il parle durant les films au cinéma, que vous preniez la peine de lui répondre ou pas. Et n'oublions surtout pas des karaokés impromptus qu'il se tape sous la douche.

Au final, il est quelqu'un qui a juste un peu trop d'énergie pour que celle-ci puisse être contenue dans le corps qu'il habite.

Parce qu'il faut se l'avouer, Mika, il est pas très grand, et pas très large non plus; ce n'est certainement pas avec son 1m54 et sa carrure de branche frêle qu'il va arriver à jouer au football américain. Et pourtant, il passe rarement inaperçue, prenant soin de sa tenue vestimentaire lorsqu'il n'est pas vêtu de son uniforme, en plus de personnaliser ce dernier lors des jours de classes. Il s'habille pour attirer l’œil, non pas parce qu'il porte le moindre intérêt envers la mode ou même son apparence, mais bien pour faire plaisir à l'aspect vaniteux de l'Esprit du Coq qui déteste disparaître dans la foule.

C'est là l'une des quelques concessions qu'il a décidé d'accorder au dieu, en plus de ses cheveux, qui lui permettent d'atteindre le 1m59 lorsqu'ils sont dressés en épis sur le dessus de sa tête à l'aide de produits capillaires, une seule et unique mèche blonde lui tombant sur le front; une coiffure qui n'est pas sans rappeler une queue de poule, si l'on est parfaitement honnête. L'élément le plus banal chez lui reste probablement sa peau pâle ainsi que ses yeux, d'un brun clair qui tendent à avoir l'air presque ambrés au soleil.

Il n'y a pas à dire, si ce n'était pas de tout ça, il ne serait probablement pas quelqu'un de particulièrement remarquable.


Il aime les chiens et les chats; et par là, il veut dire les mignons poilus qu'on peut toucher. • Il est allergique aux huîtres, aux carottes et aux piqûres d'abeilles. • Il est insomniaque mais a l'étrange tendance à s'endormir sans problèmes dans les transports en communs. • Il peut dire 'bonjour', 'au revoir' et 'où sont les toilettes?' dans presque 12 langues différentes, mais autre que l'ukrainien et un anglais accenté, ses talents de polyglotte en herbe ne vont pas plus loin. • L'habileté que la possession lui a donné qu'il apprécie le plus est celle de se transformer en divers petits oiseaux; il tend d'ailleurs à choisir les formes les plus ridicules et disgracieuses afin d'agacer le Coq qui n'apprécie pas le déshonneur d'être vu sous autre chose que sa forme originelle. • Il a un faible pour les glaces et les bonbons aux fruits.

Mika, c'est le genre d'histoire ordinaire qu'on ne voit presque jamais à la télévision ou dans les livres parce qu'elle manque de ces tragédies et de cet aspect de conflit qui plaisent tant à la populace. Une existence des plus banales, où les jours passent lentement, les uns à la suite des autres sans jamais différer, et où les seuls moments intéressants de votre journée sont ceux que vous provoquez de par vous-mêmes.

D'aussi loin qu'il pouvait se souvenir, il avait toujours vécu dans une petite maison aux volets à la peinture écaillée dans un coin de Nova Kakhovka avec ses parents et leur poisson rouge de compagnie du moment. Ce genre de petite ville d'importance médiocre où rien d'extraordinaire ne se produisait jamais, au grand damne de Mika qui, au fils des années, avait fini par réaliser à quel point ce genre d'endroit était ennuyant.

Avec tout ça, ce n'est sans doute pas surprenant qu'il ait passé une bonne partie de son temps à convaincre ses parents de l'inscrire à tous les cours et autres activités en tout genre qui attiraient son attention. Deux ans plus tard, et ses parents avaient enfin fini par en avoir assez de payer trop cher pour ce genre de chose lorsqu'il décidait immanquablement de quitter après un mois ou deux.

Heureusement, ça n'avait pas été bien long avant que Mika ne découvre enfin l'incroyable invention qu'était l'Internet. Plus besoin de passer des heures à supplier ses parents de lui offrir des cours de karaté ou de ballet en promettant de faire son lit tous les matins et de manger tous les légumes qui se trouvaient dans son assiette jusqu'à ce qu'il ait 85 ans; non, il lui suffisait seulement d'aller sur Google ou YouTube et soudainement, l'univers des tutoriels était à sa porté.

Et dieu seul savait à quel point il a pu en profiter. Ou du moins, ça avait été le cas jusqu'à ses 14 ans, où il entendu parler du Pensionnat Immortalia pour la première fois.

Un simple ding afin de signaler la réception d'un message dans sa boîte messagerie et voilà que sans le savoir son existence toute entière allait prendre un autre tournant. Ce fut en fronçant les sourcils le temps d'un instant qu'il ouvrir le message après quelques secondes d'hésitation; il ne lui restait plus qu'à espérer qu'il ne s'agissait pas de spam qui allait remplir son ordinateur de virus en tout genre.

Quoique, il devait tout de même avouer que le tout dégageait un air suffisamment professionnel pour que l'idée de courriel indésirable ne le quitte bien vite. Pensionnat Immortalia? Il n'avait encore jamais vu ce nom, mais une simple recherche Google lui apprit qu'il s'agissait d'un institut reconnu mondialement situé quelque part en Irlande; vraiment, sous quel rocher vivait-il pour ne jamais avoir entendu parler de cet endroit? Et apparemment, il fallait croire qu'ils voulaient qu'il se joigne à leur rang. Lui, un adolescent insignifiant habitant dans une petite ville même pas situé dans le bon pays.

Nice.

Il n'y a pas à dire, aussitôt que Mika eu terminé de lire le courriel qu'on lui avait envoyé – le fait qu'il n'avait aucune idée de comment ils avaient trouver son adresse e-mail ne lui passant même pas par la tête -, il était devenu complètement emballé par l'idée d'aller étudier dans ce pensionnat qui lui apparaissait alors tellement plus intéressante que l'école de quartier à laquelle il était supposé aller lors de la rentré.

Ses parents, eux, n'étaient pas tout aussi enthousiastes face à cette idée, le fait qu'ils n'étaient par certain de vouloir envoyer leur fils unique à l'autre bout de l'Europe n'étant que la pointe de l'iceberg de leur réservation. Parce que vraiment, qui reçoit ce genre d'invitation via courriel sans que ce ne soit immanquablement une tentative louche d'extorquer de l'argent à de pauvres gens naïfs?

Ce ne fut que lorsque trois autres lettres, reçues dans leur petite boite aux lettres en bois telle une invitation digne de ce nom que ses parents finirent par enfin être convaincu qu'ils ne n’agissaient pas d'une arnaque de mauvais goût. Peut-être avaient-ils finalement décidé qu'il ne s'agissait pas d'une si mauvaise idée que ça de laisser la chance à leur fils de profiter d'une telle opportunités - ou alors ils voulaient éviter de se taper une invasion des enveloppes à la 4 Privet Drive -, mais quelques semaines plus tard, Mika se retrouvait installé avec ses valises dans un avion en direction de l'Irlande.

Il n'avait pas mis longtemps avant de s'habituer au changement d'environnement; oh, d'accord, la classe M était un peu bizarre, à se la jouer l’Hermite du Pensionnat sans qu'on ne sache vraiment pourquoi, mais Mika avait bien mieux à faire que d'essayer de découvrir ce qui les rendait si spéciaux aux yeux de la direction. Essayer de rattraper le retard qu'il avait sur son apprentissage de la langue anglaise que ses cours au primaire n'avaient pas entièrement couvert, par exemple.

Et ce, jusqu'au jour où le Directeur l'avait convoqué dans la légendaire Salle 3.4. Le jour où il s'était réveillé avec un intrus ancré bien profondément au fond de sa tête, où l'Esprit du Coq, vain comme un paon et ferme comme un rocher, était soudainement devenu son autre moitié.

Et une fois de plus, sa vie venait de changer.

Pour le meilleur ou pour le pire, nul ne le savait encore, mais une chose était certaine; Mika allait en profiter au maximum et le premier qui allait essayer de le convaincre qu'il ne s'agissait pas de la meilleure chose qui allait lui arriver de toute sa vie pouvait s'enfoncer ses avertissements là où le soleil ne brillait jamais.

Le Coq, il aime faire le fier, aime regarder les autres de haut avec sa tendance à se gonfler les plumes comme une volaille effarouchée pour un oui ou un non de travers. Le Coq, il aimerait bien picorer les yeux de tout ceux qui ne le prennent pas au sérieux, vivant pour les regards admiratifs de la plèbe lorsqu'il parade comme un paon malgré son statut d'animal de ferme divin. Le Coq, il aime écouter le son de sa voix lorsqu'il ressasse des anecdotes exagérées tel le Roi de la basse-cour. Le Coq, il aurait sans doute préféré se retrouver dans le corps bronzé et musclé d'un adonis blond aux dents blanches dignes d'une pub Colgate.

Le Coq, c'est un écornifleur de première, et c'est pour ça que Mika l'aime, de cet amour platonique qu'on réserve à un grand frère a grosse tête. Parce qu'au final, Mika le trouve positivement hilarant, à se prendre au sérieux comme ça, déblatérant jugements hautains et insultes agressives envers ceux qui interagissaient avec son humanoïde, ou se gonflant métaphoriquement la poitrine face au moindre éclat d'admiration de la part d'autrui, sincère ou non. Pour peu, Mika aurait presque l'impression de se retrouver avec un concurrent de télé-réalité en permanence dans le crâne; une horreur pour certains, mais une source de divertissement sans fin pour lui.

Ça ne prend pas grand chose pour offusquer son dieu, fait donc l'adolescent ne se gêne pas d'abuser; pourquoi s'en priver lorsque le résultat est aussi amusant? Et puis, de toute manière, il suffit de caresser l'oiseau dans le sens des plumes pour que celui-ci recommence à se pavaner dans un coin de sa tête.


La première chose qui perça la brume épaisse qui semblait envahir son cerveau fut le son tout aussi strident qu'agaçant de la sonnerie de son réveille-matin. La seconde fut la voix de son squatteur permanent, jacassant à tout-va qu'il ferait mieux de se lever dans les trente prochaines secondes s'il ne-


Eh. Typique de la divinité, de s’égosiller de la sorte comme si la fin du monde allait s'abattre sur eux tel l’Armageddon s'il n'avait pas l'air impeccable en sortant de sa chambre et n'était pas assis à son bureau avant la sonnerie. Il n'y avait pas à dire, s'il avait la moindre illusion concernant le fait qu'il allait pouvoir rester au lit quelques minutes de plus avant de devoir affronter la dure réalité matinale, elle venait de se fracasser en mille morceaux. Et tout ça, simplement parce qu'il était incapable de mettre son autre moitié en sourdine.

Ça lui avait d'ailleurs prit un bon moment avant de s'acclimater cette la sensation, à l'étrange impression qu'on lui parlait à l'intérieur de sa tête, tel un son qui malgré sa présence irréfutable ne vous parvenait jamais aux oreilles.

Écrasant sa main sur son réveil avec la délicatesse d'un éléphant dans une boutique de théière en porcelaine, Mika roula sur lui-même, la tête enfouie dans son oreiller, laissant échapper un grognement pratiquement inintelligible afin de laisser savoir au Coq que oui, il était bel et bien réveillé et oui, il allait se lever dans les dix prochaines secondes, pas besoin de lui pondre un œuf pour si peu.

Entre vous et moi, ce n'était définitivement pas leur premier rodéo.



Mika ne pu s'empêcher d’esquisser un sourire devant l'outrage qu'il pouvait percevoir dans la voix de la divinité, se retenant de rire afin d'éviter de la vexer moins d'une demi-heure après le début de la journée.


Haussant un sourcil presque incrédule alors qu'il se brossait les dents, Mika envoya un regard appuyé à sa réflexion avant d'ignorer la remarque; il n'y avait aucune chance que le Coq n'allait pas le manquer. Pas quand il était sans doute aucun en train de le surveiller avec une attention que plusieurs trouveraient sans doute ridicule afin de s'assurer que l'adolescent ne sortait pas de la pièce avec un seul cheveu de travers.


La réaction qu'il reçu fut exactement celle à laquelle il s'attendait : un reniflement dédaigneux qui laissait entrevoir le fait que malgré son agacement, il était bien d'accord avec lui. Comme quoi, celui qui avait dit que la flatterie ne menait jamais à rien n'avait pas rencontré l'Esprit du Coq dans toute sa splendeur.

Se saisissant de son uniforme qu'il avait laissé sur le comptoir du lavabo, il commença à s'habiller sous les conseils et commentaires incessants du Coq, ces derniers incluant mais n'étant pas limités à 'non non non, Mykhaila, ça ne va pas du tout, même un daltonien serait capable de réaliser que ces deux couleurs ensembles jurent à s'en passer la rétine à la Javel' de même que 'mais c'est pas possible, tes parents ont dû t'échapper au moins une dizaine de fois sur la tête quand tu étais un gamin.'

Roulant les yeux pour la forme alors qu'il finissait d'ajuster sa chemise, il se désigna d'un grand geste théâtrale avant de prendre la pose devant le miroir, ajoutant un signe de peace à la dernière seconde juste pour l'énerver.

-Ça te va comme ça, Oh Dieu Tout Puissant?


-Ahah. Tu devrais savoir depuis le temps que la pluie de tes insultes n'atteint pas le parapluie de mon indifférence, répondit Mika en chantonnant.

Ouvrant la porte de la salle de bain, il grimaça légèrement lorsque celle-ci se cogna contre le mur avec un bruit à en réveiller les morts, laissant échapper un 'pardon!' sans doute tout aussi bruyant à quiconque l'ayant entendu; ce qui, il fallait l'avouer, incluait probablement une bonne partie de cette section des dortoirs. Oh, bah. À l'heure qu'il était, ce n'était pas non plus comme si qui que ce soit était encore supposé être au lit.



-Ah bah, du coup, fit l'adolescent sur un ton léger, rangeant méthodiquement ses cahiers dans son sac à bandoulière, je devrais sans doute entraîner mes pouvoirs. Après tout, si j'ai aucune chance en tant qu'humain, peut-être que j'en aurai plus en oiseau.

Posant la main sur la poignée, il pausa un instant, laissant quelques secondes s'écouler en silence, le sentiment d'excitation et de satisfaction juvénile qu'il ne pouvait s'empêcher de ressentir chaque fois qu'il s'amusait au dépend de la divinité montant en lui telle une vague.

-Et qu'est-ce que tu dirais si, ce midi, on allait faire un tour dans le parc transformé en Kiwi?

Le cri indigné du Coq qui résonna dans sa tête tel un écho alors que Mika fermait la porte de sa chambre en gloussant valait définitivement toutes ces minutes de sommeil perdues.