À te regarder, j'ai le cœur qui chavire.

À te regarder, j'ai le cœur qui

chavire.

Gabriel M. Lucio

- Tu exagères, vraiment... Je n'en avais pas besoin d'autant.

Un soupir s'échappa des lèvres de la jeune fille, qui quittait la boutique de vêtements et d'accessoires avec un gros sac à la main. Certes, elle aimait les fringues et les belles choses, mais vraiment, avait-elle sincèrement besoin d'un lot de trois pantalons tous identiques ? Elle en doutait beaucoup. La divinité, dans sa tête, soupira avec exagération.

« Trois pour le prix de deux, Rosa. Comme tu vois, avec un peu d'arguments... »

La jeune fille leva les yeux au ciel. Ben voyons. Elle jeta un coup d’œil à son sac tout en s'éloignant sur les rues pavées. Bon, ils étaient tous les trois de couleur différente, ça devrait aller... Et puis ils étaient ravissants. Mais son argent de poche y était pratiquement passé. Pourquoi elle l'écoutait, déjà ? L'autre continua :

« Il faut encourager le commerce. Cette femme a monté seule sa boutique, tu pouvais bien participer à l'aventure. »

Ben voyons ! Et c'était qui qui payait ? C'était facile de dire ça, lorsqu'on était simplement hébergé gratuitement dans la tête de quelqu'un, pensa-t-elle. Le dieu, évidemment, entendait tout.

«Allons, très chère. Sais-tu que le commerce est bien plus vieux que mon époque ? On dit qu'il est apparu au Néolithique... »

Et voilà, c'était reparti pour un cours d'histoire. Rosa grogna et accéléra le pas, comme si ça pouvait influencer le vieux sage qui parlait dans sa tête. Vraiment, parfois, elle devait avoir l'air dingue, à parler toute seule... oui, elle devait l'être. Fichu voleur. Il lui faisait faire des achats superflus, simplement pour rassurer son éternel côté marchand, le faux compatriote ! Enfin. C'était vrai qu'à bien y réfléchir, ça avait été une bonne affaire, cette promotion. À cause du dieu, elle avait devenir une fine négociatrice ! Elle entendit ce dernier rire dans sa tête, l'air heureux et suffisant à la fois. Elle grogna, et s'engagea dans une ruelle un peu plus calme. Hermès se manifesta encore :

« T-t-t-t-t, pas par là. Tu t'éloignes. Ma pauvre, n'as-tu donc vraiment aucun sens de l'orientation ? »

- … Oh ! éclata-t-elle.

Rosa grogna, et fit soudainement demi-tour d'un pas énervé. Oh vraiment, pourquoi fallait-il qu'il soit en plus le gardien des routes, doté d'un sens de l'orientation inouï ?! Il l'épuisait.

(c)LOKIA

Si certains profitaient du week-end pour rattraper le sommeil perdu en semaine, c'était loin d'être le cas de Gabriel. Bon, d'accord. Il ne se levait pas aussi tôt que lorsqu'il avait court, mais le réveil du garçon s'était enclenché dès huit heures trente, au grand déplaisir du dieu du sommeil qui s'en était plaint pendant une bonne demie heure. Mais comme à son habitude, le brun l'avait complètement ignoré et il avait commencé sa journée comme il l'entendait.

Gabriel avait décidé de sortir aujourd'hui. Il avait pris de l'avance dans ses devoirs alors il pouvait bien prendre un peu de temps pour lui. Surtout avec l'autre dans sa tête qui lui donnait la migraine. Il se prenait à rêver qu'un cachet d'aspirine le ferait disparaître, ce qui faisait bien rire le dieu au passage. C'était un être tout puissant, une existence au dessus des hommes, alors ce n'était pas un comprimé qui allait l'effacer ! Le jeune homme ne répondit pas. Quand quelque chose était embêtant, mieux valait faire comme si ça n'existait pas. Et puis ce n'était qu'une voix dans sa tête... Parfois le brun se demandait s'il ne devenait pas fou.

Laissant tout ça de côté, Gabriel vint arpenter les rues de la ville. Le garçon se balada un moment ainsi, entrant parfois dans quelques boutiques. Une boulangerie pour prendre de coin se remplir le ventre, une librairie où il acheta la suite d'un de ses romans, mais le garçon se balada surtout pour simplement prendre l'air. Et puis le coin était agréable, même s'il devait avouer que son pays natal lui manquait. Tout était différent ici, et puis les gens avaient un accent assez fort. Il entendit le dieu soupirer à cette pensée.

« Pour une fois, je te comprends. Ce pays de rustres n'a rien à voir avec la Grèce qui n'était que splendeur à mon époque. »

Ah... Pour une fois, Gabriel ne put s'empêcher de l'approuver. Les cultures de la Grèce et de la Sicile se rapprochaient et, en mettant l'aspect mythologique de côté, il avait toujours trouvé les bâtiments de la Grèce Antique magnifiques. Cependant, quand le brun sentit son hôte sourire en voyant qu'il réagissait à ses mots, il se ferma aussitôt et l'ignora de nouveau. Pas question de lui offrir la moindre faille.

C'est alors que l'attention du jeune homme fut détournée par la vision d'une chevelure auburn. Il leva aussitôt les yeux sur le visage en découlant. Il écarquilla les yeux. Ça faisait des années, mais... Il devait se tromper, et puis qu'est-ce qu'elle ferait là ? Malgré tout, même si le temps avait passé, même s'ils avaient grandi et changé chacun de leur côté, il était sûr de la reconnaître. Il s'approcha alors au pas de course de la demoiselle et il attrapa son poignet pour l'arrêter.

« Rosa ? »

À te regarder, j'ai le cœur qui

chavire.

Gabriel M. Lucio

« Méfies-toi. … Rosa. Rosa, tu entends ? »

Non, elle ne l'entendait plus. Son regard vairon était figé, fixé sur celui qui venait brusquement d'attraper son poignet. Elle s'était alors retournée, surprise, pour tomber sur celui qu'elle n'avait plus vu depuis... depuis combien de temps, déjà ? Gabriel. Oh, elle l'avait reconnu du premier coup. Ses cheveux noirs, toujours un peu longs, son regard perçant. Gabriel... comme il avait grandi.

« Rosa ! » cria le dieu dans sa tête.

Elle sursauta, et sembla un peu revenir à elle. Elle cilla, se reprit, se redressa un peu mais sa main ne quitta pas celle de son ancien ami. Meilleur ami. Bon, sang, mais que faisait-il ici ?

- Gabriel... ?

Le ton était interrogatif, parce qu'elle ne comprenait pas sa présence ici. Ils étaient encore des enfants, lorsqu'ils s'étaient brusquement quittés. Et ça avait été très dur. Alors, le retrouver ici, au détour d'une rue, des années plus tard... Ses yeux ne pouvaient s'empêcher de le dévisager. Elle avait gardé dans sa tête l'image d'un jeune garçon, à peine un adolescent, et il était si... grand maintenant ? C'était presque un homme. Ses joues se colorèrent alors. Elle était si troublée qu'elle n'avait pas remarqué le désarroi du dieu dans sa tête, ni son soudain affolement. Alors il se manifesta à nouveau, si fort que la jeune fille ferma soudain les yeux sous la brusque douleur mentale. Comme une grosse migraine, vive et prompte. Elle gémit un peu. Mais qu'est-ce qu'il avait ?!

« Enfin ! Grogna-t-il. Maintenant que j'ai toute ton attention, méfie-toi. Je sens quelque chose de louche. Tu ferais mieux de partir. »

Louche, Gabriel ? Mais qu'est-ce qu'il racontait encore, le vieux sage ? Et puis, pourquoi partir ? Elle venait juste de le retrouver.
Rosa leva à nouveau les yeux vers lui, une fois la douleur devenue supportable.

- Qu'est-ce que... pourquoi tu es ici ?

(c)LOKIA

Une chevelure qui hésitait entre le châtain et l'auburn, un œil qui tirait sur un bleu léger, et puis...

« Gabriel... ? »

Aucun doute, c'était bien Rosa. La petite fille avait bien grandi et était à présent une jeune femme en devenir. Elle était devenue très belle même. En tout cas, elle semblait tout aussi surprise de cette rencontre que Gabriel. Sous la stupeur, et comme de peur qu'elle ne s'envole, le garçon en oubliait de la relâcher. Mille questions se succédaient dans son esprit. Dont la première. Qu'est-ce que faisait la demoiselle dans ce pays loin de chez eux ? Elle avait déménagé il y a des années mais, il en était sûr, sa famille n'avait pas quitté la Sicile.

« Oh, c'est ta petite-amie ? Bailla le dieu du sommeil qui semblait en train de se rendormir. »

Petite-amie ? Pas vraiment, non... Mais Gabriel l'ignora. Il allait répondre à la jeune fille quand cette dernière se crispa un peu, lâchant un gémissement de douleur. Gabriel vint aussitôt la prendre doucement par les épaules pour la soutenir, autant surpris qu'inquiet. Elle n'allait pas faire un malaise au moins ? Mais Rosa se reprit rapidement pour reposer les yeux sur le brun.

« Qu'est-ce que... pourquoi tu es ici ?
- C'est moi qui veux te poser cette question... Mais, tu... Tu n'as pas l'air très bien. On va s'asseoir quelque part pour discuter, d'accord ? »

Sur cette sage décision il lui prit doucement la main, de peur qu'elle ne s'effondre derrière lui, et il la mena vers un petit café qu'il avait vu un peu plus haut. Il choisit une table en extérieur, il faisait bon avec ce ciel dégagé, et il présenta une chaise à son amie pour qu'elle s'installe. Il s'assit en face.

« Ça va aller ? Tu veux quelque chose de sucré ? Demanda-t-il en ne pensant qu'à une simple hypoglycémie. »

Il fit signe à un serveur qui hocha la tête en réponse. Il finissait de servir une table et il s'occupait d'eux. Gabriel se retourna alors vers son amie.

« Pour répondre à ta question, je suis au lycée ici. … et toi ? »

À te regarder, j'ai le cœur qui

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Gabriel M. Lucio

« C'est moi qui veux te poser cette question... Mais, tu... Tu n'as pas l'air très bien. On va s'asseoir quelque part pour discuter, d'accord ? »

Gabriel l'avait attrapé par les épaules, puis par la main, pour l'emmener avec lui. Encore un peu sonnée par la brusque migraine, la jeune femme s'était laissée entraîner sans protester. Et même si Hermès dans sa tête continuait de grogner, elle, elle restait fixé sur leurs mains liées. La chaleur de Gabriel, contre sa paume, était comme un renouveau. Comme un geste oublié.

Ils s'installèrent en terrasse d'un petit café à la devanture agréable. Galant, le jeune homme l'aida à s'asseoir avant de s'installer en face d'elle. Les yeux vairons de Rosa ne pouvaient s'empêcher de toujours le dévisager, comme cherchant à retrouver sur ce visage d'homme les souvenirs qu'elle avait gardé de son ancien ami.

«Rosa, méfie-toi, bon sang », grogna le dieu dans sa tête.

Ça suffit, répliqua mentalement Rosa. Pour l'heure, elle l'ignorait totalement. Son attention était fixée sur Gabriel seulement, et elle ne pensait à rien d'autre.

« Pour répondre à ta question, je suis au lycée ici. … et toi ? »

Oh ! Rosa ouvrit grand deux yeux étonnés. Son regard se porta alors sur la rue, vers le pensionnat au loin, puis il revint se poser sur Gabriel. Elle sembla se reprendre un peu, et fronça les sourcils d'incompréhension.

- Tu veux dire... tu es vraiment au lycée ? À Immortalia ?

Mais pourtant, elle ne l'avait jamais vu dans les couloirs. Comment était-ce possible, une si grande coïncidence ? Deux enfants séparés très tôt, qui se retrouvaient dix ans plus tard à des milliers kilomètres de là ? C'était... fou.

« Complètement stupide, oui. Rosa, écoute-moi. Tu suis souvent les gens dans la rue, comme ça ? »

Oh, stop, là-haut. Le serveur s'approcha alors d'eux, un petit calepin en main. Il les salua poliment avant de quémander leur commande avec un regard interrogatif. Rosa jeta un coup d’œil à son ami avant de regarder à nouveau le serveur.

- Un café frappé, merci.

Et puis, la commande prise, elle observa à nouveau le jeune homme, comme si elle ne réalisait pas encore. Penchant un peu la tête, elle eut un léger sourire, à la fois nostalgique et un peu triste.

- Je n'arrive pas à me dire... que tu es là, devant moi.

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« Tu veux dire... tu es vraiment au lycée ? À Immortalia ? »

Au vu de la réaction de la jeune fille, Gabriel se dit que la raison de sa présence en ce pays lointain était similaire à la sienne. Vraiment... il aurait cru que ce genre de coïncidence n'existait que dans les livres. C'était quasiment improbable de se retrouver ainsi, et pourtant.

« Comme c'est charmant, s'amusa le dieu du sommeil. On dirait un début de tragédie. Le doux commencement de la passion. »

… Gabriel décida de vraiment, vraiment, mais alors vraiment, ignorer cette remarque. Il fallait vraiment qu'il trouve une façon de faire disparaître cette voix. Plus le temps passait et plus elle racontait n'importe quoi.

« Oh, tu ne pourras pas m'effacer, rit le dieu. Mais laisse moi te donner un conseil, mon jeune ami, tu devrais faire attention. Même si cette jeune fille est aussi belle qu'une nymphe, je sens quelque chose d'étrange. »

Quelque chose d'étrange ? Pour fois Gabriel s'intéressa au propos du dieu. Rosa ? Il regarda la jeune fille. Elle avait grandi mais elle n'avait rien d'étrange... En même temps, il entendait une voix dans sa tête. Alors pas étonnant que cette dernière raconte n'importe quoi. Il préféra se fermer à nouveau pour se concentrer sur ses retrouvailles avec son amie. Mais il ne put en placer une que le serveur s'approcha. Rosa prit commande la première.

« La même chose pour moi, s'il vous plaît.
-Je n'arrive pas à me dire... que tu es là, devant moi, fit la jeune fille une fois le serveur parti.
-Pareil, fit le brun. Ça fait tellement longtemps... Je ne pensais vraiment pas te retrouver ici, dans ce coin perdu. Si j'avais su que tu venais aussi, j'aurais exprimé plus de joie à changer de pays. Pour le coup j'envisage cette année sous un plus bon œil. Mais comment vas-tu ? Qu'est-ce que tu as fais pendant tout ce temps ? »

Le serveur ne tarda pas à revenir et il les servit. Gabriel le remercia avant de se retourner vers son amie.

À te regarder, j'ai le cœur qui

chavire.

Gabriel M. Lucio

Une fois leur commande annoncée, le garçon de café s'éloigna. Rosa en profita pour observer un peu plus attentivement son ami, si c'était possible. Gabriel avait commandé la même chose qu'elle. Cela la fit sourire, doucement. Même des années plus tard, ils avaient toujours les mêmes goûts. Ils avaient toujours tout fait pareil, comme deux gamins voulant être jumeaux.

« Pareil. Ça fait tellement longtemps... Je ne pensais vraiment pas te retrouver ici, dans ce coin perdu. Si j'avais su que tu venais aussi, j'aurais exprimé plus de joie à changer de pays. Pour le coup j'envisage cette année sous un plus bon œil. Mais comment vas-tu ? Qu'est-ce que tu as fais pendant tout ce temps ? »

Rosa ne put s'empêcher de sourire tendrement. Oui, elle aussi, si elle avait su... Quoique. Si elle avait su qu'en arrivant ici, elle se ferait posséder par un dieu semblable à son vieux prof de latin de collège... elle aurait sûrement émit quelques réticences à s'inscrire.

« Hé, grommela Hermès dans sa tête. J'entends tout ce que tu penses, Rosa. »

Malheureusement... Alors qu'elle s'apprêtait à répondre à Gabriel, le serveur revint et déposa sur la table leur commande, ainsi que le ticket d'addition. Mettant de côté ce dernier pour le moment, la jeune fille toucha du bout des doigts le verre glacé. Ils étaient rapides, et avec une telle tiédeur dans l'air, c'était appréciable. Elle remua doucement sa paille avant de lever les yeux vers son ami.

- Je vais bien. Après notre départ, on a emménagé dans une ville plus au nord. Une plus grande ville.

Elle sourit, doucement, comme pour se rassurer. Comme si un grande ville plus moderne, pleine de boutiques richissimes, avait pu atténuer sa peine. Comme si elle avait pu se réconforter dans le luxe et oublier Catane, oublier Gabriel. … Non. Ça n'avait pas été facile. Elle baissa le regard sur son verre dont elle remua à nouveau le contenu, plus songeuse.

- Je n'ai... pas fait grand chose, en vérité. Alors on m'a envoyé là, pour que je remonte mes notes et que je sois un peu mieux encadrée. C'est l'excuse, disons, soupira-t-elle.

Silence. Même Hermès dans sa tête n'osa rien dire, comme attentif à son discours. Rosa fut pensive un moment, puis elle secoua la tête. Non, inutile de revenir sur le passé et de se prendre la tête. Alors elle redressa la tête et sourit à son ami, comme si de rien n'était.

- Ma vie n'est pas intéressante. Mais, et toi ? Raconte-moi, s'il te plaît. Je veux tout savoir. Tu m'as tellement manqué.

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Prenant une gorgée de sa boisson -ça fait un bien fou par cette saison, Gabriel écoutait le récit de son amie. Enfin, récit... Quelques phrases seulement. Il ne lui en tint pas rigueur. Après tout, il était difficile de trouver quoi raconter de spécifique à quelqu'un qu'on avait pas vu depuis plusieurs années. Il eut un petit sourire amusé en l'entendant parler de ses résultats scolaires, tout le contraire de lui pour le coup...

« Ma vie n'est pas intéressante. Mais, et toi ? Raconte-moi, s'il te plaît. Je veux tout savoir. Tu m'as tellement manqué.
-Ne dis pas ça, la mienne ne vaut pas mieux, tu sais, sourit-il. Je n'ai rien fait de passionnant non plus. J'ai simplement continué le collège même si c'était plus triste sans toi, puis après... mes parents ont voulu m'envoyer ici. Le lycée avait une très bonne réputation et ils trouvaient que c'était une grande opportunité de partir à l'étranger. Je n'ai pas eu le choix non plus. Mais je suis content de te revoir, tu m'as manquée toi aussi. »

Gabriel porta son verre à ses lèvres et but un peu. Bon... il préférait passer sous silence l'histoire de la voix bizarre dans sa tête... Rosa le prendrait pour un fou. Le dieu eut un petit sourire amusé en l'entendant.

« Quand même, je suis un dieu, tu sais. Tes remarques sont insultantes et certains t'auraient torturé pour moins que ça. Tu as de la chance d'être tombé sur moi. »

Ne pas répondre... Ce n'était que son imagination...

« C'est agréable de voir un visage familier en tout cas, ce pays change bien de la Sicile. Quand on pourra rentrer pour les vacances, je veux que tu viennes à la maison, dit-il d'un ton décidé. »

À te regarder, j'ai le cœur qui

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Gabriel M. Lucio

« Je n'ai rien fait de passionnant non plus. J'ai simplement continué le collège même si c'était plus triste sans toi, puis après... mes parents ont voulu m'envoyer ici. Le lycée avait une très bonne réputation et ils trouvaient que c'était une grande opportunité de partir à l'étranger. Je n'ai pas eu le choix non plus. Mais je suis content de te revoir, tu m'as manquée toi aussi. »

A ces mots, la jeune fille eut un sourire tendre, légèrement nostalgique. Gabriel avait toujours excellé en cours, cela ne l'étonnait donc pas plus que ça. Il visait toujours le plus haut but, et ses parents l'encourageaient dans cette direction. Parfois, elle se disait que son ami devait se fatiguer, à autant vouloir être parfait en tout. Il ne pensait pas assez à lui.

Elle sourit doucement, et comme Gabriel, elle but un peu de sa boisson. Elle aimait beaucoup ce genre de breuvage, frais et léger en bouche. Hermès grimaça. Rien à voir avec l'ambroisie divine de son temps...

« Sais-tu que priver un dieu de son nectar est le pire châtiment qui puisse exister ? »

- Qu'est-ce que j'y peux... soupira Rosa, marmonnant par habitude.

Et quand elle se rendit compte qu'elle venait de parler tout haut, et toute seule, elle piqua un fard soudain. Mince, mais qu'allait penser Gabriel ? Elle allait paraître encore plus folle qu'elle ne l'est ! La jeune fille regarda son ami, troublée, et décida d'inventer le plus rapidement possible quelque chose.

- Je, je... veux dire, c'est très bon, c'est frais...

Et zut, quelle idiote ! Relâcher ses barrières ainsi ! Dans sa tête, Hermès ne faisait que de rire, cet imbécile. « Ma pauvre Rosa ! Il te manque vraiment l'art du discours... » Les joues rouges, Rosa décida d'offrir son plus beau sourire à son ami, pour s'en sortir avec une pirouette.

- Et je, je serai ravie de venir chez toi pour les vacances. Ça me ferait aussi plaisir de revoir Catane, la ville me manque. Les lieux où nous faisions nos cabanes existent toujours ?

Et zut et zut et zut...

(c)LOKIA

« Qu'est-ce que j'y peux... »

Gabriel regarda son amie, franchement surpris. De quoi ? Est-ce qu'il avait dit quelque chose de travers ? Qui pouvait être mal interprété ? Il ne pensait pas, alors pourquoi cette réflexion ? Ça sonnait presque comme un reproche. Rosa s'empourpra alors brusquement avant de bafouiller.

« Je, je... veux dire, c'est très bon, c'est frais...
- Heu... oui... »

Sans doute qu'il ne fallait pas chercher plus loin... Elle s'était peut-être perdue dans ses pensées un instant pour finir par parler toute seules sans le réaliser ? Ça semblait un peu bizarre en plein milieu d'une conversation...

« Ou peut-être qu'elle ne parlait pas dans le vide, souffla le dieu du sommeil. »

Gabriel l'ignora comme à son habitude. Rosa n'était pas au téléphone qu'il sache, alors bien sûr qu'elle ne s’adressait qu'à elle-même. Ça arrivait parfois de parler tout seul. Bon, ça restait moins commun quand on était avec quelqu'un, mais quand même. La jeune fille enchaîna alors avec un sourire.

« Et je, je serai ravie de venir chez toi pour les vacances. Ça me ferait aussi plaisir de revoir Catane, la ville me manque. Les lieux où nous faisions nos cabanes existent toujours ?
- Ah, oui, sourit Gabriel. Ma mère sera ravie de te revoir. Et oui, tout est toujours là. Même si je t'avoue que depuis le temps, des enfants nous ont volés les emplacements. »

Il attrapa alors son téléphone hors de sa poche et il vint dans le dossier des contacts.

« Au fait, tu as un téléphone ? Maintenant que je te tiens, je n'ai pas envie de reperdre contact avec toi. »

Parce que les lettres, ça allait un temps, mais ça restait long et parfois fatiguant pour parler. Un coup de fils ou un sms permettait de rester plus facilement en contact.

« D'ailleurs, en quelle classe es-tu ? Ça serait sympa de pouvoir se voir en semaine aussi quand on a des pauses. »

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Gabriel M. Lucio

« Ah, oui. Ma mère sera ravie de te revoir. Et oui, tout est toujours là. Même si je t'avoue que depuis le temps, des enfants nous ont volés les emplacements. »

Rosa adressa à son ami un petit sourire encore empourpré de gêne. Ouf, ce n'était pas passé loin... Mais qu'est-ce qui lui avait prit, à se laisser aller si facilement ? Par habitude de parler seul, on en oubliait les gens autour... Dans sa tête, Hermès pouffa de rire.

« Tu es toujours aussi drôle à observer, ma pauvre Rosa ! »

Merci du compliment... La jeune fille soupira et attrapa son verre pour boire une plus grosse gorgée de café frappé, afin de se reprendre. Elle remarqua alors que Gabriel avait sorti son téléphone et l'observa faire curieusement.

« Au fait, tu as un téléphone ? Maintenant que je te tiens, je n'ai pas envie de reperdre contact avec toi. »

- Oh ! Oui, bien sûr.

Elle sourit, touchée et quelque part amusée du terme. Elle non plus n'avait pas envie de reperdre contact avec le garçon. Cette rencontre était déjà un si chanceux hasard ! Elle sortit alors de son sac son téléphone, un smartphone dernière génération à l'allure plutôt coûteuse. Oui, un énième coup de folie dépensière. Tout en créant un contact pour son ami, Rosa énonça son numéro. Ils échangèrent ainsi les leurs, et une fois cela fait, la sicilienne posa l'objet sur la table et reprit du café.
La journée s'annonçait très radieuse. Hermès, lui, marmonnait qu'il ne comprenait rien à ces nouvelles technologies, malgré le fait que ça paraissait drôlement efficace. Il se voyait déjà en avoir un et échanger des coups de fil avec Aphrodite. Ça le faisait rire.

« D'ailleurs, en quelle classe es-tu ? Demanda Gabriel. Ça serait sympa de pouvoir se voir en semaine aussi quand on a des pauses. »

Tout en sortant de son sac son emploi du temps, qu'elle étala sur la table, Rosa sourit à son ami d'enfance.

- En première B, répondit-elle, avant d'ajouter machinalement : Section M.

Et elle sourit, sans trop se rendre compte de sa bourde.

- Et toi ?

(c)LOKIA

Les numéros échangés, Gabriel eut un sourire en regardant son téléphone qui affichait désormais un nouveau contact. Rosa. Vraiment, ça faisait plaisir au brun. Pas question d'à nouveau perdre contact quoiqu'il arrive, car, oui, la jeune fille lui avait vraiment manqué. Même si le garçon n'exprimait pas beaucoup ses émotions, il était ravi de retrouver son amie. Par contre, ce qui suivit interpella grandement Gabriel. Section M ? C'était la section des fous dans laquelle on l'avait transféré quelques semaines après son arrivée à l'école.

« Ah, tu vois que je dis des choses sensées, s'amusa le dieu. »

Gabriel l'ignora. Pour lui, tout ce qui se passait dans cette classe, les cours particuliers en plus surtout, était du grand n'importe quoi. Les dieux, ça n'existaient pas. C'était les hommes qui les avaient inventé pour se rassurer et expliquer les choses qu'ils ne connaissaient pas encore, comme les éruptions volcaniques ou les orages. Rien de plus. Et la voix dans sa tête... … Ce n'était rien du tout. ça, c'était le genre de Gabriel. Tout ça avait beau se produire devant lui, il restait totalement fermé à la mythologie -sur un plan autre que historique- et il était complètement dans le déni à ce niveau là. Il refusait d'accepter que tout ça puisse être réel.
Mais pourquoi avait-on mis Rosa là dedans ? La jeune fille était tout ce qu'il y a de plus normale ! Il ne comprenait pas ce qu'elle venait faire dans cette section de fous.

« La section M ? répéta-t-il, ébahi. »

Est-ce qu'on avait fait quelque chose à la jeune fille ? Le brun se souvenait de la salle étrange où on l'avait amené avant son transfert dans cette section. Avant qu'une voix étrange ne se mette à parler sans cesse dans sa tête. Gabriel se referma un peu l'air de rien, mais pas contre la jeune fille. C'était juste l'évocation de cette classe spéciale qui le dérangeait.

« J'y suis aussi... marmonna-t-il.
-Ah. Peut-être y a-t-il un collègue là-dedans. Tu pourrais demander ? Non pas que ça m'intéresse, mais je suis curieux. »

Gabriel l'ignora comme à son habitude. Il ne pouvait pas se taire un peu celui-là ?

« Depuis quand y es-tu ? »

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Gabriel M. Lucio

« La section M ? »

Rosa pencha la tête, surprise. Naïve, simple, elle hocha doucement la tête en réponse à l'interrogation de son ami. Oui, c'était bien ce qu'elle avait dit. La section Mythologie. Ceux qui... Et elle comprit, enfin, sa bourde. Oh non, elle n'aurait peut-être pas dû le dire, c'était ça ?

« Ce que tu es discrète, ma pauvre Rosa... » s'amusa le dieu dans sa tête.

Et il riait, cet idiot. Rosa s'empourpra, et alors qu'elle voulut tâcher de réparer son erreur, Gabriel prit la parole, un peu sèchement. Il semblait s'être soudain renfermé, ce qui étonna son amie. Gabriel était d'un naturel gentil, doux. Jamais renfermé ni cassant.

« J'y suis aussi... » ajouta-t-il alors.

Pardon ? La jeune fille écarquilla les yeux, décontenancée. Gabriel, lui aussi... ? Hermès redevint sérieux l'espace de quelques secondes.

« Je me disais bien avoir senti quelque chose. Tu vois que tu n'es pas assez méfiante, Rosa ! Rentrons au pensionnat. »

Non, pensa-t-elle aussitôt. Elle, elle voulait savoir. Son visage prit tout de suite un air inquiet alors qu'elle se penchait légèrement vers son ami, par-dessus la table. Comme s'il y avait encore besoin de garder le secret. Dans sa tête, le dieu claqua la langue, agacé. Cette petite n'écoutait rien. Il l'appréciait, pourtant.

« Depuis quand y es-tu ? » demanda Gabriel.

- Depuis trois mois... répondit la sicilienne.

Et Gabriel, depuis combien de temps était-il ici ? Seul avec un dieu dans la tête ? Elle eut alors un faible sourire, plutôt compatissant. Elle n'était pas certaine... Gabriel était possédé, alors ? C'était évident, puisqu'il était dans la section M. Hermès, du même avis, se garda bien de répliquer, cette fois-ci. Mais il était curieux du dieu en question. Un allié ou un ennemi ?

«J'aimerais que tu poses la question. »

Elle l'ignora pour l'instant.

- Gabriel... osa doucement Rosa, la voix incertaine. Il y a... tu es possédé, alors ? Depuis combien de temps ?

La simple idée d'imaginer Gabriel, son ami d'enfance, possédé lui aussi... lui paraissait effroyable. Inconcevable.

(c)LOKIA

Ça faisait trois mois qu'elle y était dans cette classe ? S'étonna Gabriel. C'était à peu près comme lui, il y était depuis plus ou moins trois mois, peut-être trois et demi ou deux trois-quart, il ne savait plus vraiment. Mais dans tous les cas, cette section M ne lui plaisait pas du tout, à chercher à repousser et écraser toutes ses convictions. Si le jeune homme refusait en bloc tout ce qu'il voyait, il en venait à se persuader que tous les phénomènes étranges de cette école n'étaient que des rêves éveillés ou des hallucinations. Ou qu'il y avait toujours une explication logique derrière tout ça. Un esprit aussi cartésien que le sien avait du mal à se faire à tout ça. S'avouer que ce qu'il vivait été bien réel aurait été comme trahir ses principes, se trahir lui même.

« Gabriel... Il y a... tu es possédé, alors ? Depuis combien de temps ? »

Possédé ? Le garçon se renfrogna un peu à la question. Le terme ne lui plaisait pas.

« Ah, là, tu ne peux nier les fais. Je suis là et tu m'entends. Si la demoiselle te confirme la chose, là, tu ne peux dire que ça viens de moi ! Se moqua le dieu avant de bailler. Mais tout ça me fatigue. Allons nous coucher après ces péripéties. »

Gabriel ferma les yeux un instant. Que répondre ? Oui, il entendait une voix dans sa tête. Et si Rosa lui posait la question... elle aussi alors ? Non, non, non ! Tout ça était trop étrange ! Il choisit une réponse un peu détournée.

« ça fait plus ou moins trois mois que je suis dans cette classe moi aussi. »

Comme ça, rien n'était avoué ou accepté. Mais l'information passait malgré tout, bien que sans qu'il n'eut besoin d'aller à l'encontre de ses idées.

« Avant de me coucher, je suis quand même curieux de savoir à qui j'ai affaire, insista le dieu du sommeil. »

Mais Gabriel ne posa la question. Le faire serait encore une fois accepter le fait qu'il y ait vraiment des dieux. Et imaginer son amie possédée... ça le dérangeait beaucoup à vrai dire. Lui pouvait supporter ça, mais pourquoi avait-il fallu infliger ça à Rosa ?! C'était une fille normale et banale, même si très jolie. Pourquoi la mêler à tout ça ?

« Tu t'intègres bien ici ? »

Façon, encore une fois, détournée de lui demander comment elle vivait sa situation sans avoir à parler de dieu, de possession et autres choses fantasques.

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