Ahh ! Qu'il fait bon ici ! Se disait le jeune homme avec un air de satisfaction. Pas de profs, pas d'élèves, pas de calculs de langue ou d'expression à apprendre ; le paradis ! Rien que les oiseaux et le ciel bleu.

Grimpé en haut d'un arbre personne ne pouvait demander au garçon de retourner en classe. En effet il avait pris la fâcheuse habitude de s'éclipser discrètement entre deux cours quand celui-ci ne l’intéressait pas.
Near s'était allongé sur une haute branche et somnolait doucement à l'ombre du grand chêne. L'air doux et chaud berçait ses rêves. Le vent faisait bruisser les feuilles des arbres et des buissons, les oiseaux chantaient gaiement des mélodies au creux de ses oreilles quand quelque chose vint perturber cette harmonie.
Le jeune homme ouvrit les yeux et regarda au sol. Un grand chien blanc le regardait de ses yeux d'un bleu-gris intense. Il paraissait comme … contrarié de voir le garçon tout en haut.
Étrange expression pour un animal.
L'esprit du Tigre se manifesta alors, c'est vrai que ça faisait longtemps qu'il n'avait pas parlé celui-là !

J'ai comme une impression de déjà vu …

-Tu ne te souviens pas où ? Lui dit-il intérieurement.

Non malheureusement.

Le Tigre était d'un calme incroyable, il est rarement en de telles conditions. Dans cet état il fait surtout penser à un gros chat qui se prélasse sur un coussin.
Légèrement intrigué, Near demanda froidement au chien :

-Qu'est-ce que tu me veux toi ?

Pour unique réponse le chien aboya une fois de plus.

-De toute façon je m'en fiche, je suis ici, j'y reste ! Tu n'as qu'à venir si tu veux que je descende !

Un garçon qui parle à un chien, on aura tout vu !

Durant les heures de cours, je pouvais me prélasser tranquillement et flâner où je le désirais. Avantage d'être sous une forme bestiale plutôt banale au final. Il est clair qu'un possédé du buffle n'aurait pas la même mobilité que la mienne. Cette charmante pensée me fit retrousser les babines, tandis que je portais dans ma gueule un sac plein de quelques livres achetés d'il y a quelques heures au village plus loin. J'avais préféré m'y rendre à pied, histoire de faire une petite promenade pour nous dégourdir les pattes.
Sur le chemin, quelques enfants encore trop jeune pour aller en primaire jouaient dans les champs en contrebas du chemin. Shirohe abandonna notre sac et s'en alla rejoindre les petits innocentes en riant. Nous allions chercher des bâtons et nous roulions dans l'herbe, comme de vrais chiens. Il m'arrivait parfois dans ces instants d'oublier ma nature de bipède, me fondant dans l'identité de mon colocataire mentale. Cette pensée là par contre m'avait calmé sur le chemin du retour... Je refusais de devenir définitivement un être sans langage ni main jouer du violon. toute fois, je crois me souvenir avoir vu un chat faire du piano sur Youtube... Mais nous nous écartons du sujet.

Tu as raison, un chat qui joue du piano! Les humains ont rien trouvé de plus intéressant à faire? grogna Shirohe, se souvenant lui du chien faisant du skateboard.
Ils ont besoin de s'amuser... Personnellement, je trouve ça complètement bête et immature... Ce sont presque tous des canulars qui plus est.

Dépassant le portail, je me dirigeais à pas rapide vers ma cave des dortoirs, pensif. J'aurais de quoi tenir une semaine ou deux avec ces livres là... du moins selon mon estimation. En passant près du bâtiment par le parc, une odeur désagréable vient se porter à ma truffe, me faisant lever la tête. Je venais de dépasser un arbre plutôt haut et robuste. Et sur celui-ci perché...

Encore lui?
Encore lui fis-je mentalement dans un soupire.

Reprenant ma marche, j'avais dans l'objectif de déposer son sac dans ma cachette puis revenir m'occuper de ce sécheur multirécidiviste. L'affaire d'un aller-retour et mon cher "ami" était toujours présent, ne semblant pas se soucier du cours qu'il manquait. Au pied de l'arbre, je regrettais de ne pas pouvoir y grimper sous cette forme. Seul défaut du chien sans doute.
Aboyant pour faire remarquer ma présence, Shirohe ne put que me faire constater l'agilité dont il était nécessaire pour atteindre le jeune homme. Qui lui ne semblait pas près de bouger.

Il va falloir le faire descendre de là... J'espère que tu n'as pas le vertige Shiro.
Moi? Le vertige? Pffff! Parle plutôt pour toi!

Je fis le tour de l'arbre en regardant les alentours. Je pourrais atteindre la branche en passant par le bâtiment mais ça serait trop risqué. Je ne devais pas me faire voir trop ouvertement, même si les professeur étaient prévenu de ma présence. Un chien en plein milieu des couloirs serait plus perturbateur qu'autre chose. Je fis un détour par le bâtiment, me collant à celui-ci avant de grimper sur le capot de conteneur, puis le rebord du bâtiment. Je profitais aussi d'une branche basse pour retourner sur le bâtiment et encore gagner en hauteur.

Te loupe pas Aki, on est pas mal haut quand même... Me fis remarquer le pauvre chien au fond de moi qui semblait un peu moins confiant d'un coup...
Dis... Tu n'es pas censé ne pas avoir le vertige toi?
J'ai jamais dis que c'était le cas... Juste de l'omission...

J'étais presque à la hauteur de l'élève, Near Yagami si mes souvenirs sont tout à fait exacte. Aboyant à nouveau à moins d'un mètre sous lui, je montrais les dents, espérant l'inciter à bouger. Comme ça, pas besoin de tenter le saut au dessus du vide qui m'attendait pour le rejoindre.

Le chien avait l'air bien décidé à faire descendre le garçon. Near désintéressé par ses acrobaties préféra se rendormir. Quelques instants plus tard le canidé aboya une fois de plus. L’adolescent, énervé par tout ce tapage diurne se leva sur l'épaisse branche de chêne. Il fut étonné de voir l'animal un mètre en dessous lui et se demanda quel chemin il avait bien pu prendre pour atteindre cette hauteur. Même en cherchant, il ne trouva pas comment il avait fait. Quel étrange chien …
Il regarda ensuite le canidé d'un air mécontent et contrarié :

-Mais t'as pas fini toi ?! C'est pas possible de dormir ici ?! Et t'es qui toi pour venir me déranger alors que j'étais tranquille ? Le concierge ?! Je sais bien que les arbres c'est la vie mais tout de même !

Near était agacé par ce sale clebs.
Je pourrai très bien lui lancer un os pour qu'il aille le chercher ; le problème c'est que j'ai ni d'os, ni l'envie de le faire. Pensait-il irrité.
Ah mais si ! J'ai peut-être quelque chose qui pourrait remplacer l'os en fait... Continua-t-il réjouis.

Un sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme, il cassa une branche avec entrain, se retourna vers le chien et la secoua vivement.

-Tu la veux ? Tu la veux ? Dit-il, la voix suraiguë.

Aller va chercher le chien-chien ! Ajouta l'esprit du Tigre.

Near après avoir LONGTEMPS secoué la branche la lança dans le vide, espérant que le chien la suive.

Je lâchais un profond soupire mental en voyant l'adolescent me crier dessus. C'est vrai quoi, même à son âge, je ne parlais pas aux animaux comme s'ils me comprenaient. Si vous croyez aux stéréotype, sachez que tous les animaux ne se comprennent pas entre eux... Même parfois quand je croise un autres chien, j'ai du mal à comprendre sa gestuel, alors Shirohe me fait la traduction régulièrement.
Je relève la truffe alors qu'il agite un bâton. Il est pas sérieux hein?
Shiro se marrait intérieurement, tandis que je faisais les yeux ronds. On me prenait pour un débile, oui. Et je n'aime pas ça. C'est comme si vous parliez à une personne âgée comme à une personne totalement gâteuse. C'est tout à fait irrespectueux!
Je regarde la branche tomber, toisant le jeune homme du regard, blasé. Je n'avais pas d'autres moyens que de sauter pour le rejoindre. Autant dire que moi et mon colocataire n'étions pas vraiment tenté. Aboyant encore, j’essayais de l'inciter à descendre de là mais bientôt, je sentis un des pions arriver. Sans doute mes aboiements qui l'avaient avertit. Assis sur mon rebord, je remuais la queue d'un air innocent, prenant un malin plaisir à retrousser mes babines dans un sourire. Je vais te ramener en cours toi, tu vas voir!

Le Pion arriva, me voyant ainsi perché en haut puis l'élève qui avait jeté la branche, debout. Il leva le bras et tonna fortement, tandis que je jubilais un peu.

-Hé toi! Tu ne devrais pas être en cours à cette heure là?!

Je fixais toujours ce cher Near du regard, fier de moi. Shirohe lui espérait que ça ne se finirait pas ainsi, il avait très envie de jouer...

Dommage, le chien n'avait pas bougé. Un petit saut et on en aurait été débarrassé.
Une expression de profonde exaspération pu se lire sur le visage de l'animal ; il est vraiment bizarre celui-là …
Le canidé aboya de plus en plus jusqu'à faire venir un surveillant. Attiré par tout ce tapage il regarda en haut de l'arbre et vit un chien et un humain perché.

-Hé toi! Tu ne devrais pas être en cours à cette heure là?!

Ça y est les ennuis commencent …
Le garçon répondit :

-Oui et alors ?! J'ai bien le droit faire une pause quand même ! J'ai eu une journée fatigante !

-Non t'es pas censé faire une pause ! Retourne en classe !

-Non.

-Dépêche toi !

-Non je ne bougerai pas !

Near regardait le chien qui le fixait bizarrement. Puis il continua avec un sourire amusé :

-De toute façon si vous voulez que je descende il va falloir monter.

Le surveillant énervé n'eut d'autre choix que de partir pour aller chercher une échelle.
Pendant ce temps là le jeune homme quitta sa branche pour la terre ferme avec une magnifique acrobatie.
Il s'empressa de trouver un coin plus tranquille où plus personne ne pourrait l'empêcher de sécher en paix.
C'est avec un pas rapide qu'il se dirigea vers l'observatoire où il y aurait sûrement moins de monde.
Quelque chose le suivait.

Oh non pas encore lui … Pensait-il irrité.

Les pas léger, mais présent se tenaient à une distance d'environ trois mètres. Les quatre pattes tapaient le sol comme une mélodie énervante et régulière.
Near se retourna et cria modérément pour ne pas se faire de nouveau repérer :

-Mais t'en as pas marre de me suivre toi ?! Si ça continu je vais vraiment finir par péter un câble !

Mais pourquoi parlait-il à un chien ignare ? Lui-même ne le savait pas. Le cabot le regardait toujours avec une tête ahuri à en faire vomir.