Un long bâillement, digne d'une rame de RER dans la capitale française. Enfin, plutôt digne de l'attente de cette fameuse rame, ouais. Elles étaient jamais à l'heure ou en grève, tch. J'avais vu d'un oeil rapide cette ville et je ne l'avais guère appréciée. De par ses trains jamais foutus capables de respecter une horaire et de ses gens qui étaient bien trop égoïstes et malpolis. Enfin, bon. Oui, je baille. J'étais horriblement naze. Hebe avait fait l'enfant toute la soirée car il y avait eu une étoile filante. Je lui en aurait foutus des étoiles, moi. Dans un autre endroit, style comme Nyan-cat. Voyez la chose, hum ? Elle s'était donc excitée, ça ne change pas de d'habitude me diriez vous, explosant chaque neurone de mon crâne puis finissant par mes oreilles. J'avais dormi 2 heures à tout casser et le réveil fût rude. Une migraine carabinée, des cernes à n'en plus finir et un teint livide. Déjà que je suis blanc comme une tasse de porcelaine, là, j'aurais facilement pu m'accaparer le rôle de Casper tellement je virais au transparent. Je m'égare, punaise. Fatigue quand tu me tiens. Pourquoi toute cette réflexion inutile sur le sommeil ? Parce que je voyais les élèves de ma classe dormir comme des bébés, et que moi je m'efforçais au possible de garder les yeux ouverts et de suivre le cours. Je tenais à ma place de premier, et je n'allais pas la céder aussi simplement. Seulement, au fond, je me faisais envieux de ces paresseux. Si je pouvais me permettre ceci, sérieux.


"Bah pourquoi tu le fais pas, Fyyyyr ?"
Cette horrible voix. Je lâchais un soupir, exaspéré. Quelle question coquebine. Cette cruche divine squattait mon mental depuis belle lurette, elle devait bien savoir le pourquoi. Eh bien nan, comme pour ma méditation matinale, elle posait la même question tous les jours. Qu'elle est con quand elle s'y met. Enfin, ce n'est pas nouveau, ça aussi. La fatigue n'aidant pas, j'étais bien plus irritable que d'habitude. C'est renfrogné que je lui répondais :

"Pourquoi tu ne te tais pas, Hebe ?"
J'avais volontairement pris son ton si niais et horripilant. Faites que le message soit passé ?
"C'est quoi c'te question ? Car je t'aime bien ! ♥"
Elle venait de m'achever. Je roulais des yeux, explosant mon crayon au passage, énervé. Pourquoi, pourquoi cette morveuse grecque m'aime sérieux ?! Je laissais tomber ma tête contre mon bureau, désemparé. J'en avais plein les bras de cette gamine, tellement.

"Eh bien pas moi, Hebe. Je te hais."
Un silence. Je me préparais déjà mentalement à ce qui allait suivre.


"Bou... Tu... Tu me hais ?!! Mais, mais, mais qu'est-ce que j'ai faiiiiis ?! Ouiiin, t'es méchant, tellement méchant Fyr !! Bouhouhou..."
Des pleurs, une voix fragile, blessée, la coprolithe grecque se réfugiait dans mon esprit, en boule. Et c'était parti pour l'ouverture d'une piscine municipale, allez.
"Je le sais Hebe, je n'ai jamais prétendu l'inverse."

Seules des chouinements furent ma réponse. Parfait. Ce silence, même de petite durée, allait me permettre de me concentrer sur les cours, enfin tenter. Cette altercation m'avait fait perdre le fil, et c'est rageur que je levais la main exigeant une seconde explication. Je la notais dès-lors rapidement, gardant mon sérieux malgré mon agacement croissant du à cette couillonne divine.
L'heure passait ainsi. La sonnerie. Pour beaucoup de ma classe cela signifiait la fin des cours et une grosse pause. Pour moi, ça continuait. J'avais sous conseil des professeurs et d'une rapide discussion avec la présidente du Conseil auquel j'appartenais, décidé d'ouvrir une aide dans différentes matières afin d'aider la classe comme je pouvais. A faire croire que le niveau scolaire était bien différent de la Suède ici. J'allais donc, dossiers et cours en mains dans ma petite salle pour enchaîner plusieurs heures d'aide particulières élèves par élèves. J'avais préféré faire cas par cas que de me taper un troupeau de macaques dont 90% ne suivrait pas. Je soupirais. Aujourd'hui je n'avais pas vraiment envie de donner cours, vraiment pas. Mais ne pas le faire serait enfreindre le numéro 7 du code : loyauté, dévotion. Je ne vais pas m'étendre mais je m'y tiendrais. Honneur demandant.


Fesses posées sur mon siège, je commençais à enchaîner cours sur cours, élèves sur élèves, vacillant entre une humeur calme et stoïque à mon irritabilité qui m'est si bien connue. Hebe avait finit de se noyer dans son océan de larmes et avait repris les questions et remarques inutiles de plus belles. J'en arrivais au dernier cas du jour qui était marqué sur ma feuille. Un certain Jude, me semble-t-il ? Je ne savais même pas qui il était. Il était dans ma classe, lui ? Fallait croire que oui ? Peut-être que c'était lui qui avait le rôle de Casper en fin de compte ? Je soufflais une fois de plus, posant mon thermos après m'être servi une tasse de café serré. J'en avais besoin pour tenir la journée, et supporter la Marie-casse-pied grecque.

"Eeeerk. Encore du café ! Je hais ça Fyr ! Prends un bon chocolat, s'il te plait-euuuh ! C'est tellement bon le chocolat ! Hein, c'est booon ?"
Qu'avais-je dis ? Marie-casse-pied ? Marie-coprolithe-de-l-enfer, oui. Un énième soupir de ma part, qui sirotais mon café agacé.

"Ta gueule Hebe."
Un ton glacial. Elle me sortait par les yeux la morveuse attardée fan de Justin Bieber. C'est posant ma tasse d'un geste sec que je m’aperçus que l'élève que j'attendais depuis une plombe était planté devant la porte. Il regardait si il y avait une mouche collée dessus ou bien ? Haussant le ton, je me décidais à l'interpeller :

"Tu peux rentrer, hein."
La sympathie n'a jamais été mon fort, et encore moins avec une morveuse grecque qui fait sa crise d'ado pour la millième fois. J'espère que ce Casper roux allait descendre de son nuage, ça serait con que je sois obligé de l'en déloger, comme le ferait Sonic dans certains jeux. Je sors, ouais.

«B-Bonjour…»

Sur quoi... J'étais encore tombé ? Déjà il traînassait, mais en plus il semblait se faire dessus ? Se foutait-il déjà de moi à peine passé la porte ? Calme, Fyr, calme. Jin. Jin. Bienveillance. J'avais toujours autant de mal à l'appliquer ce code là. La compassion, la bienveillance, tout ça, ça n'a jamais été mon fort. Et pourtant, aujourd'hui je donne cours. Disons que c’est une avancée, allez. Le rouquin, semblait ailleurs. Encore un rêveur ? C'est la tournée aujourd'hui ou bien ? La raison pour laquelle les élèves venaient me voir était souvent celle-ci. J'ai pas suivi, je dormais et j'en passe. Je m'agaçais. Le petit rouquin qui répondait au nom de Jude se décida à s'assoir, enfin. J'ai bien failli croire que j'allais devoir le forcer à poser son cul sur la chaise là. Celui-ci sortait ses affaires timidement comme si j'allais le bouffer. Ça se voyait à ce point que j'en avais marre de ma journée ? Merde quoi.


"FYYYYYR !! T'as vu comme il est mignon ?! Allez soit cool avec lui ! Regarde-le avec son air trop adorable !!"

Je sursautais, essayant de ne pas me boucher les oreilles une fois de plus. Sa maudite voix de crécelle. Elle ne pouvait pas mourir et se taire la coprolithe grecque ?!

"Ferme-la Hebe, bon sang..."
Lâchais-je intérieurement, agacé. Du coup, pour combler mon réflexe; stupide, de me boucher les oreilles, j'avais violemment serré ma tasse, affichant une expression irritée. Punaise. Ce rêveur plus Hebe, non c'est bon quoi. Pire que le boss ultime d'un jeu. Mais je me devais de le faire, j'étais là pour aider, après tout. A ma façon certes, mais bon ? C'était un bon entraînement pour me forcer à la tolérance. Je cherchais dès lors dans mon dossier la tronche de ce roux afin de voir où il s'était planté. Je soupirais. Encore O'Farell ? Punaise ce tyran va faire couler la classe si personne ne suit. Ce rêveur roux devait bien être la cinquième personne qui venait ici pour des lacunes en Histoire. Au moins je serais pas sorti du bain.


"C'est nul Fyr ! Cesse ça, c'est ennuyeux ! Tu devrais plutôt lui parler à ce Jude ! Il est trop mignooon ! ♥ Allez, s't'euplaiiiiit !!"

Je serrais les dents, expirant, me retenant une nouvelle fois de ne pas chiffonner le dossier du rouquin par mon agacement croissant dû à cette cruche antique. Sa voix, sa sacrebleu de voix allait me rendre sourd et cinglé, punaise ! Buvant une gorgée, je me centrais sur le gosse, histoire d'oublier l'autre couillonne un court temps. Mes oreilles en avait grandement besoin.

"Histoire donc ? Où coinces-tu plus précisément ? Un point en particulier ? Un chapitre ?"

Ouais, mon ton n'était pas sympathique du tout, pire que le précédent. J'étais agacé, et je tentais comme je pouvais de ne pas m'emporter afin d'éviter un pauvre gosse traumatisé par mes sautes d'humeur. Mignon ou non le roux, ça se voyait qu'au moindre excès de colère ça devait partir en miettes. Je soupirais longuement. C'était vraiment pas ma journée, hein ? Ne pas me plaindre, accepter, faire avec. C'est ce que je me devais de faire. Le numéro 3 du code. J'allais bien finir par réussir à me l'appliquer et l'apprendre. J'allais bien y arri-


"Fyr ! Y'en a marreuuuh là. On s’ennuie grave ! Comment veux-tu qu'il survive le petit chou si tu fais cette gueule ?"

Ver... Je frappais dès lors violemment sur la table en me redressant. C'était la phrase de trop. De trop avec sa voix si insupportable.

"Pourquoi je fais cette gueule là à ton avis pauvre coquebine ?! Ça ne t'ai jamais venu à l'esprit que t'en étais la cause ?!"

Un sursaut d'Hebe, qui se taisait étrangement. Pas de larmes ? Un chouinement. Puis deux. Puis trois. J'avais rien dis. Elle m'énervais cette cruche, et là, ça ne s'arrangeait pas. Enfin rectifions. Je SUIS énervé, et ce officiellement. Et devant le rouquin. Et fiotte. Expirant bruyamment, je me rasseyais, regardant sur le côté, rageur.

"Désolé. T'as rien vu et rien entendu ok ? Reprenons donc ?"

Couper court était tout ce que je voulais. Pas de questions, rien. Juste cette foutue leçon en compagnie de l'autre divinité divinement stupide et cruche. Cruche, antiquité, Grèce, obvious ou bien ?