Quoi ? Qui je suis ? Ce que je fais ? Tu ne dois vraiment rien avoir à faire de ta vie pour jouer les fouines. Quoi ? Ça tourne ? Ah… Ok. Vous me dites que c’est pour les cours ? Whoua, je pensais qu’on m’avait prise pour mes notes et le portefeuille de mes parents mais bon, si monsieur le directeur veut en savoir plus… Alors soit.

Je ne peux pas dire que j’ai un « bon caractère ». Je dirais même que je suis une chieuse de première et une experte dans l’art de faire passer un émo-gothique pour une princesse Disney. Enfin, j’exagère un peu, disons juste que je ne suis absolument pas sociable et que face à ce qui ne plaît pas j’ai tendance à… Comment dire… Mettre les pieds violemment dans le plat ? Ouais, je ne suis pas très très subtile. Mes parents disent que je suis franche, je dirais plutôt que je suis directe. J’estime qui toute chose est bonne à dire et que si je n’aime pas quelqu’un bah… Autant que l’intéressé le sache. Je n’ai pas non plus un caractère facile fin, je pense que mon côté « gnagnagna j’aime pas les gens et je ne veux pas savoir la vie de ta cousine germaine » aide pas mal à mon isolement. Ajoutez à ça le fait que je ne sors pas beaucoup de ma chambre et que tous mes déplacements sont faits dans un but bien précis et vous comprendrez pourquoi je n’ai que très très peu d’amis. Je ne m’en plein pas, j’affectionne particulièrement le temps que je passe tranquille, toute seule, avec mes livres, mon ordi, ma musique et mon paquet de chips crème oignon.

En fait, j’ai un besoin presque malsain d’intimité. Je n’ai pas « peur » des autres, je n’ai juste pas été élevée avec l’idée que « les autres c’est bien et indispensable » et du coup, après 16 ans à vivre comme un ermite dans une maison bien trop grande pour moi j’en suis venue à me dire que, bah, « les autres on s’en fout un peu ». Je ne tiens pas tellement à changer ça, je veux dire, que je n’en souffre pas tellement. Peut-être qu’un jour, comme les pimbêche de ma classe, j’aurais envie de sortir de ma bulle et de communiquer… En attendant ce n’est pas trop le cas.

Je suis aussi assez flemmarde. On ne va pas se mentir, je me mouille rarement le maillot et encore moins pour les autres. En fait, je suis quelqu’un de rapidement blasé pour tout. Je n’aime pas les gens trop expressifs, ça me fatigue… Je suis une vieille mémé, en fait. Ouais, c’est ça, un grand-mère aigri avant l’âge. Pourtant, j’ai des « passions » en somme assez de mon âge : j’aime la musique. Le métal plus précisément mais en soit j’écoute un peu de tout. Comme pas mal d’ados je me plonge des soirées entières sur des séries (breaking bad c’est le must, viking le saint Graal et doctor who la cuillère de Nutella sur ta tartine). Je joue pas mal aussi, des jeux solos, je fais aussi un peu d’overwatch mais mon manque de communication ne m’aide pas tellement à progresser. Ah, oui, j’aime lire, aussi, beaucoup. J’écris également, là aussi beaucoup, beaucoup trop même à en juger à mes piles de cahiers. Ça peut aller d’un one-shoot sur un pingouin unijambiste à un remix du Seigneur des anneaux.  


Je pense que c'est b- quoi ? À quoi je ressemble ? Bah… Tu ne peux pas juste me regarder ? Non ? Mais… Arf. Bien. Je suis une femme. Je sais, c'est lourd comme spoil, pardon. Je ne me considère pas comme « jolie » mais faut croire que j'entre dans les standards parce que j'ai déjà vécu ce rite horrible appelé « drague ». Je suis assez fine, fin, je ne suis pas maigre non plus. J'ai quelques formes, je n'ai pas le cul plat quoi. Je ne brille pas par ma taille 1m65, les rageux diront que c'est petit. Enfin, la taille, les formes, vous en foutez un peu parce que ce n'est pas demain la veille que vous allez me voir à poil ! Nah monsieur. J'aime les couches inutiles de vêtement. Ouais, je ne suis pas de celle qui ont la confiance nécessaire pour se balader avec des robes flashy. Je fais plutôt dans le sobre, dans l'informe etc. Pull, shirt, collant en laine, sweat font partis de mes grands locataires de placard. J'affectionne les couleurs sombres, pastel, je n'aime pas trop ce qui est voyant de loin. En fait, j'ai un physique quelque peu passe-partout. Faut voir ma tronche, aussi, je ne brille pas d'excentricité. Pas de piercing, de tatouage, de bijoux fantasy. Juste ma tête ronde, mes yeux bleus et mes cheveux… Bon, ok, de base je suis brune mais il m'arrive de laisser la tignasse prendre une teinte un peu plus claire. Parce que j'aime bien. Puis bon, ce n'est pas du rose bonbon alors foutez moi un peu la paix. Quoi ? Que j'en dise plus ? Vous ne voulez pas la marque de ma petite culotte en pr- Oh god no.

On ne peut pas dire que j’ai eu une vie extraordinaire.  Quand on écoute les gens on espère des récits inattendus, des faits inédits. On veut entendre des histoires qui font frissonner ou briller les yeux et bah moi… Ce n’est pas mon cas. Mais genre, vraiment pas. Comment vous expliquer… Un papa, une maman, une maison, des études comme 99% de la population et voilààààà. Quoi ? Faut que je vous détail tout ça ? Soit, soit.

Avant toute-chose, je ne sors pas de nulle part (sans blague). Je sors de ma maman et ma maman est… J’allais vous dire que c’est une femme mais je pense que ça tombe un peu sous le sens, enfin bref. Mes parents donc, sont tous deux des acharnés de boulot mais qui ont le mérite d’avoir un bon portemonnaie bien remplit. Ma mère est cadre, mon père également, autant vous dire qu’ils vivent pour leurs boulots et que de ce fait je n’ai pas souvent été avec eux. En fait, les dîners à trois étaient des choses plutôt rares qu’on appréciait en silence. Petite, donc, j’ai été rapidement habituée à la présence de mes nourrices. Là aussi, je ne peux pas dire que j’ai souffert de l’absence de mes parents. C’était « comme ça » on n’y pouvait rien, puis j’avais la bibliothèque pour moi alors je ne pouvais pas dire que je m’ennuyais souvent. Cependant, je n’ai pas eu la chance de me sociabiliser non plus. J’ai étudiée à la maison, longtemps, toute ma scolarité en fait. Les études faisaient partie intégrante de mes journées. J’ai beaucoup travaillé, longtemps. Les parents disent que je suis en avance, du coup. Tu me diras que ce n’est pas plus mal et comme je passais mes journées à apprendre et à expérimenter, j’ai aussi eu tout le temps pour me préparer à divers concours à la con et à remporter les premiers prix parce que bon… Quand tu passes littéralement une semaine à faire une maquette avec trois nourrices pour t’aider le résultat est plutôt « bon ». Enfin bref, étude fut le maître mot de mon enfance. J’ai eu la chance de toucher à tout : chant, danse, piano, peinture, histoire diverses etc etc. Mes parents visaient aussi un peu l’excellence en ce qui me concernais donc bon.

Enfin, pendant pas mal de temps il n’eut pas grand-chose à signaler. Je passais souvent dans des concours d’écriture, je gagnais souvent des petits prix sans prétention. Puis un jour est arrivé cette armada de pub dans la boite au lettre. Le nom d’Immortalia ne m’étais pas inconnu, faut dire que l’école était assez côté et réputé dans le pays. Ceci dit, on n’a jamais su, papa, maman et moi ce qu’ils me voulaient.  On a ignoré les pubs une fois, deux fois, puis à force d’en recevoir littéralement tout les jours les parents on finit par me dire que ce serait une bonne chose que je fasse le lycée en académie pour changer, tien. Du coup bah… C’est ce qu’on a fait. « Un lycée d’excellence pour une fille d’excellence » qu’elle a dit, ma mère et en soit, elle n’avait pas totalement tors. Etudier en académie était foutrement différent. J’avais beau grogner à chaque contact physique ou tentative d’interaction sociale je devais bien avouer qu’être loin de la maison et des parents avait quelque chose de plutôt agréable. Je me suis même fait une amie, à force. Enfin, amie… Une camarade de classe moins chiante que les autres. Plutôt timide et réservée elle venait d’une famille assez modeste et avait été prise pour ses grandes facilités d’apprentissage. A immortalia, il y avait cette section un peu unique qui était la source de bien des rumeurs. La section M. On n’a jamais su trop ce qu’elle signifiait mais Alice, la fameuse camarade, y avait été prise soudainement en milieu d’année scolaire. Je dois avouer que ça m’a bien fait chier. Déjà que j’avais peu de lien positif dans cette académie, je me suis retrouvée soudainement sans personne. Non pas que ça me rendait malade juste que… Meh, ça faisait bizarre les premiers temps. Je n’ai plus eu de nouvelle d’elle, plus du tout. On avait que très peu de lien avec la section M alors dans un sens c’était bien normal mais ça m’étonnais tout de même… Alice ne m’avais pas semblé être du genre à lâcher les gens, comme ça. Sans doute qu’elle était bien trop occupée avec ses propres projets ? Je ne sais pas. Je n’ai jamais su. Ce fut comme ça pendant le reste de l’année scolaire. Je n’avais pas envie de rentrer pour l’été. Le campus était calme en cette période de l’année et au moins je pouvais écrire tranquille et profiter des infrastructures de l’école. Mon mois de juillet s’écoula comme ça, tranquillement et puis vint le mois d’aout et… La nouvelle de mon passage dans la section M pour la rentrée. Je devais même être convoquée par monsieur le dirlo en personne à ce sujet.  Hé, j’y avais pensé en recevant la news mais ça voulait dire que j’allais sans doute recroiser Alice bientôt.

Ce qui s’est passé ensuite ? Je ne saurais trop le dire moi-même. Je me souviens de la salle, je me souviens d’avoir perdu connaissance, de mettre réveillé et d’avoir, sans savoir pourquoi, cherché après Alice. Puis elle venue à moi… La voix. Sa voix. Et ma petite vie monotone et banale c’est soudain transformée en un scénario d’un mauvais dessin-animé.

« Dis-moi, petite Ash, tu ne penses pas partir en besogne trop vite ? »

Moi ? Partir en besogne trop vite ? C’était une tentative de second degrés ou ? Bien sûr que je pars trop rapidement en live ! Je suis furieuse même ! Je veux dire… Dans quel putain d’univers j’aurais pu faire… Ça quoi !

Non, non, attendez, je sais, vous ne comprenez rien et c’est bien normal. Je dois vous recentrez un peu le truc. Il y a quelques jours je me suis réveillée à l’infirmerie avec la sensation d’être tombée dans un plan relativement foireux et devinez quoi ? Je ne me suis pas trompée. C’était surréaliste, totalement imprévue et j’avoue que même à l’heure actuelle je prie pour que tout ça ne soit qu’une bad trip mais la persistance de sa voix dans ma tête et le fait qu’on communique souvent me fait dire que « non cocotte, c’est bien vrai ». J’étais donc à l’infirmerie, donc, et en me réveillant j’ai cru entendre une voix. Avec innocence, je m’étais dit de façon purement rationnelle que cette voix devait venir d’un employé mais non. Il n’y avait personne. J’ai cru, pendant un temps, être folle… Parce que cette voix était toujours bien là mais elle ne venait pas des alentours mais de moi. Oui, oui de moi. Bon sang, c’est ça qu’a vécue Jeanne d’Arc ? Je ne sais pas, en tout cas, cette voix était là, elle me parlait. Elle m’a dit être la voix de Dionysos, le dieu grec (rigolez pas, j’ai recraché l’eau que je venais d’ingurgiter). Le pourquoi du comment m’est resté bigrement obscur, mais le fait est qu’au bout d’une demi-heure la voix était toujours là et qu’à ma grande surprise on tapait la discute.

« J’ai un dieu grec en moi » ça pourrait être le titre de ce chapitre de ma vie. Les jours passant, j’ai bien dû m’habituer à l’existence plus ou moins assimilée de mon hôte. Dionysos est un homme bigrement actif et bavard. Plus d’une fois j’ai voulu me fendre le crâne pour arrêter son flot incessant de parole. Il parle, il chante, il est… Bien trop heureux pour moi. Mais s’il y a une chose que je ne supporte pas c’est cette façon qu’il a de me pousser constamment à me sociabiliser. Je ne supporte pas ça. Ceci dit, je me dis que j’aurais pu me retrouver avec quelque chose de beaucoup plus glauque alors dans le fond, ouais, avoir Dionysos c’est pas si mal, au final. Enfin, j’ai plus ou moins accepté sa présence mais ça… Ça, ça ne va pas être possible pas du tout. Et si je me mets autant en colère c’est en partie parce que mon intégrité vient d’en prendre un sacré coup.

Tout l’heure, je me suis fait un thé. Un truc banal en somme. Pour une fois Dionysos ne parlait pas et j’étais globalement bien, toute seule, puis j’ai posé mon doigt dans l’eau pour vérifier que tout était chaud, j’ai bu une gorgée puis… Aaaah. Je ne veux pas en parler. Dites-vous juste que je me suis sentie bizarre, foutrement bizarre puis soudainement heureuse et avant même d’avoir le temps de me poser le pourquoi du comment je me suis retrouvée à sortir de la pièce où j’étais en sautillant gaiement avant d’enserrer le premier passant à savoir un surveillant… Tuez-moi. Et maintenant je suis là. Dans mon lit. En pls.

« T’EN A D’AUTRE COMME CA ? » hurlais-je à l’autre crétin de dieu en moi qui de toute évidence y était pour quelque chose.

« Je ne vois pas où est le problème, petite Ash ! Tu étais heureuse, tu as étreint un beau jeune homme… Ohohoh ! Ça me rappelle les orgies de ma jeunesse ! »

« MAIS C’EST PAS LE PROBLEME ! BIGRE ! Qu’est-ce qui s’est passé ! »

« Et bien rien, tu as juste utilisé inconsciemment mes pouvoirs. »

Qui que quoi ? Je me redresse en sortant la tête de mon oreiller avec une certaine curiosité.

« Et bien nous autres dieux avons des dons. Des pouvoirs. Ce que tu as utilisé est un de ces dons. Tu as changé ton thé en vin en touchant l’eau par contre… Que tu sois capable d’influer ton rapport à l’alcool est assez inattendu. On ne me l’avait jamais faite celle-là ! D'habitude on peut influer sur les autres mais sur soi-même… Enfin, pour être plus précis, on peut influencer sur les effets de l'alcool de sorte à rendre nos gentilles victimes plus ou moins saoules rapidement et surtout plus ou moins joyeuse de l'être ! En tout cas c’était bien drôle pouhahahahahahaha ! »

Non. Non, ce n’était pas drôle. C’était gênant. Ça voulait dire quoi ? Que je n’allais plus pouvoir prendre de bain sans sentir le vignoble ? HBQSNDFQSDN ça m’énerve. Enfin, tu me diras, il y en a au moins un qui rigole.