La conclusion simple d’une journée d’empaquetage de toutes les affaires qui faisaient ma vie au sein du Pensionnat Immortalia se résumait en quelques mots : J’avais trop de carnets. De toutes tailles, de toutes épaisseurs, de tous coloris, mon moyen de communication le plus efficace se révélait être également un sérieux emmerdeur lors d’un déménagement.
Après les avoir tous empilés sur le bureau de ce qui, quelques heures plus tard, deviendrait mon « ancienne chambre », j’avais songé à éviter d’en faire de telles réserves à l’avenir. Et, bien évidemment, en bon sage, Guo était intervenu :
« Si tu raisonnes ainsi, tu te retrouveras à court au moment où tu en auras le plus besoin. »
« Oui, oui, je sais » avais-je répondu sans lui cacher ma pensée sur le responsable de toute cette aventure.
Si je changeais de chambre, c’était bien la faute de mon cher Immortel. Car, non content de m’imposer une divinité, j’étais forcée de changer de chambre pour rejoindre une autre où le secret de la Possession ne serait pas mis en danger vu que ma nouvelle colocataire subissait le même parasitisme que moi.
« Parasite ? Vraiment ? » s’étonna Guo, circonspect.
Zut. L’avais-je blessé ?
« Non » me rassura-t-il. « Mais je vois plus notre relation comme une symbiose. Tu me permets d’avoir un corps et je partage mon expérience avec toi. »
Je ne devais rien retrouver à dire à cela. Sa présence représentant bien un avantage à certains moments, je ne pouvais l’accuser de tous les malheurs du monde. Le seul contre lesquels je pouvais ruminer sans culpabiliser était le directeur. Je lui aurais bien dit ce que je pensais de lui mais non seulement je ne pouvais pas parler mais, en plus, j’avais bien trop peur des conséquences que cela engendrerait.
Un homme qui n’a aucuns scrupules à imposer un tel fardeau à des jeunes en jouant avec des menaces de mort et une surveillance exacerbée, mieux valait ne pas l’enquiquiner. C’est donc sur cette logique que j’avais sagement entreposé mes affaires dans mes valises et sacs en vue de mon changement de chambres.
C’était dommage, tout de même. Mon ancienne colocataire s’habituait doucement à mon handicap et nous arrivions depuis peu à communiquer correctement et même à nous entendre. J’espérais que la nouvelle suivrait également cette voie, sinon, je ne donnais pas cher de mes prochaines années d’études…
« Oh, et puis » songeais en sortant mes affaires de la pièce. « Si elle m’embête, je n’aurais qu’à mettre de la colle dans ses chaussures. Ça lui apprendra le respect. »
« Diabolique » confirma Guo, moqueur.
Je crois qu’il savait autant bien que moi que je n’arriverais à ce recours qu’en cas de relation toxique. Pour le moment, j’allais essayer d’être agréable et de bien m’entendre avec cette nouvelle compagne voilà tout.
Mes affaires étaient prêtes, j’avais fait mes adieux autant à la chambre qu’à sa deuxième occupante et je savais où me diriger ; je n’avais plus qu’à me mettre en route ! Dans les couloirs, je faisais attention à ce que mes valises fassent du bruit lorsque je voulais me signaler auprès d’élèves bloquant le passage. On fait comme on peut pour s’en sortir quand on est muet.
J’arrivais rapidement face à la porte de ma nouvelle chambre, la 109. J’hésitais un bon moment. On était dimanche, il ne devait pas y avoir cours normalement. J’avais donc de fortes chances d’y trouver ma colocataire. Le stress me noua les tripes. Une volée de « et si » m’envahit mais des paroles lucides de la part de Guo me poussèrent à agir.
Ne pouvant pas m’annoncer de vive voix, je choisis de toquer pour signaler ma présence. J’attendis cinq secondes histoire qu’une potentielle personne dans une tenue honteuse voire nue puisse filer chercher une serviette.
« Pudique ? » me titilla l’Immortel.
« Pas spécialement mais peut être qu’elle si. Sinon, je compte bien organiser des soirées nudistes une fois par semaine ! »
Ayant fini par comprendre que notre relation « symbiotique » lui révélait parfaitement si j’étais sérieuse ou non, je choisis de ne pas le mentionner et de plutôt ouvrir la porte. Je fis entrer la totalité des mes affaires et les laissait devant la porte puis sortit de ma poche une feuille préalablement préparée où était inscrit : « Bonjour, je suis Senna, ta nouvelle colocataire et je suis muette. »
Simple, efficace et direct. De quoi éviter les détours et les situations désastreuses.

En retard… j’étais en retard. Je courrais dans les rues de Galway dans le but de ne pas louper mon bus. J’étais descendue en ville dans le but d’acheter des cordes pour ma guitare et en route j’étais tombé sur des élèves de ma classe. Nous avions commencé à bavarder et je ne vis pas l’heure passer… c’est un SMS qui me fit regarder l’écran de mon téléphone et là se fut le drame… Il ne me restait que quelques minutes pour me retrouver de l’autre côté de la ville.
J’avais rapidement fait mes adieux et je m’étais élancée dans les dédalles de Galway. Je me bénissais intérieurement d’avoir abandonné l’idée de mettre des talons aujourd’hui… J’étais aussi contente d’avoir une endurance à toute épreuve.

Lorsque j’arrivais à l’abribus des personnes y étaient assises. Ouf, je n’avais pas loupé ce satané moyen de transport… déjà qu’il ne passait qu’une fois par heure… et je rentrais assez souvent à pied en fin de soirée.

L’autobus arriva quelques instants plus tard, il s’en était fallu de peu ! Je montais dedans et allait m’installer sur la dernière rangée. Je sortis mes écouteurs de mon sac et les plaçais dans mes oreilles avant d’activer la musique. Je sortais ensuite les nouvelles cordes que je venais d’acheter. Elles étaient pour ma guitare folk. Elles étaient recouvertes d’un enduit spécial qui permettait une meilleure maniabilité des cordes et de pouvoirs enchainer les accords plus rapidement.

Alors que j’étais perdue dans la contemplation de mon nouvel achat les paysages environnent changèrent pour laisser place au massif bâtiment qu’était Immortalia.
Je me relevais, appuyant au passage sur le bouton pour demander l’arrêt du véhicule.
Je descendis d’un saut gracieux avant de m’avancer en direction des dortoirs. J’étais impatientes d’essayer ces nouvelles cordes.

*C’est d’un ennui…*
*Tu préfères que j’aille voir Ethan ?*
*La guitare est un instrument fascinant tu ne trouves pas ?*
*C’est bien ce que je me disais*

J’affichais un sourire amusé, Hadès ne supportait pas la relation que j’entretenais avec le beau bad boy. Et j’avoue, j’aimais en jouer. Et de toute façon, il avait des choses à se faire pardonner.

J’arrivais devant ma chambre et cherchais les clés dans mon sac. Ne les trouvant pas j’en déduis que j’avais dû les laisser à l’intérieure, pas très sécu tout ça.
Je poussais la porte en soupirant, c’était bel et bien ouvert.

Je m’arrêtais sur le palier de la porte observant cette chambre qui ressemblait à la mienne mais qui ne l’était pas. Il y avait des posters aux murs, le deuxième lit était fait et des affaires qui ne m’appartenaient pas jonchait le sol.

Je jurais entre mes lèvres.

« C’est quoi ce bod*l ? »

Je tournais la tête pour voir que la porte de la salle de bain était entrouverte et que du bruit en parvenait.
Je me dirigeais à grand enjambée pour tomber sur une fille, plus jeune que moi. Elle avait les cheveux noirs, était plus grande que moi et semblait sportive. Il ne me semblait pas l’avoir déjà vu mais depuis que j’étais à l’université je côtoyais moins les élèves plus jeunes.

« Eh toi ! Je sais pas ce que tu fais ici mais ça doit être une erreur. Au dernière nouvelle je suis seule occupante de cette chambre, crois-moi j’ai fait le nécessaire pour avoir la paix… »

Je marquais une pause constatant qu’elle ne répondait pas et que j’avais peut-être été un peu agressive.

« Enfin zen hein, c’est pas un drame. Ça arrive à tout le monde de se tromper. Si tu es nouvelle je peux t’aider à trouver ta chambre. »

Je lui envoyais un sourire formel, plutôt pressée de me débarrasser d’elle pour aller essayer mon nouveau joujou.

HRP:

Je me tenais au centre de la pièce qui maintenant était ma chambre, légèrement haletante suite aux nombreux efforts que j’avais fourni en une demie heure. M’accordant une petite pause, je fis un rapide topo de ce que j’avais réalisé, heureuse d’avoir été efficace :
Accrocher mes posters et photos de familles : OK.
A ce moment-là, j’avais pris quelques minutes pour admirer le calendrier qu’on m’avait offert. Chaque mois était accompagné d’une photo personnalisée de moi avec des pompiers et mes frères dans divers endroits d’une caserne. On m’avait créé cet objet avant de partir pour l’Irlande en collaboration avec les collègues de mon père.
Ranger mes chaussures sous le lit : OK.

« Les lancer sans délicatesse, tu veux dire ? » intervint Guo avec amusement.

Je soupirais mais consentit à lui accorder ce point. Je n’avais jamais été ordonnée et mes rares crises de ménage se finissait souvent sur un abandon en plein milieu d’un pliage attentif de vêtements ou de rassemblement de couple de chaussettes.
Faire mon lit – « Oh pardon, étirer sans le moindre soin mes draps sur le matelas en laissant plein de plis » - : OK.
J’allais maintenant me pencher sur la salle de bain où j’espérais pouvoir m’installer sans trop envahir l’espace vital de ma colocataire. Colocataire qui n’était pas là d’ailleurs. J’avais rangé mon papier de présentation dans une poche en attendant, le froissant généreusement, ressentant une certaine angoisse de ce retardement de présentation.
C’est dans cette activité que je fus interrompue. Je restais un moment comme une biche illuminée par les phares d’une voiture lui fonçant dessus à pleine vitesse. Intimidée, je restais quelques secondes sans réagir puis, tête basse, je contournais la blonde pour récupérer mon téléphone sur ma table de nuit. Mon simple bout de papier ne pouvait pas régler la situation, il fallait sortir l’artillerie lourde. Sans la regarder, je pianotais avec rapidité un message pour ensuite lui tendre l’appareil pour qu’elle puisse le voir.

« Je ne suis pas nouvelle, on m’a mise dans la chambre 109 suite à ma nouvelle condition ».

Vu que je ne supprimais pas toujours ses messages, je préférais éviter de noter ce qui devait rester secret comme la Possession et passer par des allusions pour me faire comprendre.

« Ils m’ont dit que cette chambre avait une salle de bain et que du coup, ça éviterait les accidents pour lesquels je ne pourrais pas appeler à l’aide. »

Enfin, je croyais plutôt que c’était parce que je mettais les autres mal à l’aise…

« Je m’appelle Senna, j’entame ma seconde ici et je suis muette. Et toi ? »

Je lui adressais un sourire timide, espérant ne pas me prendre à nouveau un retour de flammes.

« Cette fille est bien plus petite que toi, pourquoi es-tu donc aussi intimidée ? » s’enquit Guo.
« Parce qu’elle peut crier et pester sans que je puisse l’interrompre. Il n’y a rien de pire que de ne pouvoir répondre à quelqu’un qui vous agresse comme elle vient de le faire. »

Tandis qu’elle lisait, je remarquais qu’elle était jolie. Moi et mon pull trop large avions beaucoup à apprendre de ce genre de féminine demoiselle.

Je regarde la nouvelle en attendant une réponse. Malheureusement pour moi elle semble plus intéressée à écrire sur son téléphone qu’à me répondre…

*C’est ça ! Fait comme si j’étais pas là je dirais rien !*

Je sentis l’amusement d’Hadès grandir en moi. Cette situation lui était cocasse… pas pour moi. Je soupirai légèrement attendant que la squatteuse daigne me donner un peu de son attention. J’avais une patience limitée et elle allait rapidement le découvrir si ça continuait dans ce sens.

Après un moment elle me tendit le dit téléphone où un message était rédigé. Je le lui saisis des mains et relus deux fois le texte pour être certaine d’avoir tout compris.
De ses dires…enfin ses écrits… elle était ma nouvelle colocataire. Le personnel avait trouvé plus sûr de la mettre dans une salle de bain privé au vu de son handicap. Une muette… ils m’avaient mise en coloc avec une muette.
Déjà qu’avec Calypso la communication c’était pas ça… et elle pouvait parler…

Mais bon… Comme disait ma mère il ne fallait pas se plaindre avant d’avoir essayé.
J’envoyais un sourire amical a Senna, passant une main dans ma chevelure.

« Oh ! Désolée pour ma scène du coup… Mais tu vas peut-être pas me croire mais tu n’aurais pas été la première à te tromper de chambre, une autre à déjà essayé. »

Je me reculais un peu, lui laissant à nouveau son espace vital.

« Sinon enchanté Senna. Moi c’est Aislinn, je suis en deuxième année de tourisme à l’université. Et comme tu as pu le remarquer je suis plutôt bruyante. »

Oups… c’était peut-être pas le truc à dire… enfin je sais pas… Merde merde… espérons qu’elle ne pense pas que je me fous de sa gueule…

« Ahem… »

Je regardais autour de moi, un peu gênée, surtout par ma bourde.

*C’est pas cette petite chose qui va te manger…*
*Merci de ta compassion…*

« Enfin ! Je suis certaine qu’on va trouver un super moyen de communiquer. Je te préviens d’avance, et je m’en excuse, j’ai plus vraiment l’habitude de la coloc, ton prédécesseur est parti il y a déjà quelque temps. Du coup j’ai dû prendre quelques mauvaises habitudes. Mais n’hésite pas à me le faire savoir. »

Je lui envoyais un grand sourire avant de me diriger vers mon lit. Je posais mes affaires et enlevais mes chaussures. Je me jetais ensuite dessus avant de m’allonger sur le ventre, me redressant sur les coudes pour lui faire face.

« Sinon, tu te plais ici ? Tu t’habitues à la possession ? Je sais que ça peut être compliqué… »

Oh que oui… surtout quand un psychopathe fait partie intégrante de toi… mais je ne lui souhaitais pas ça, j’espérais qu’elle soit tombée sur le dieu des bisounours s’il existait.
Elle avait l’air sympa, enfin difficile de juger sur les quelques lignes qu’elle avait écrit. Mais j’allais essayer d’avoir une relation saine avec elle cette fois-ci. Pas question d’avoir une colocation toxique.

*Vois l’avantage. Elle ne pourra pas cafter sur tes petits trafiques.*

Je souris malgré moi à la blague. Je sentais que les débuts allaient être compliqué avec lui dans ma tête.

Après la lecture de mon message, mon « agresseur » se métamorphosa en une parfaite hôtesse. Je me détendis et le sentiment de culpabilité qui me tenaillait s’évapora. Bien que je ne sois responsable d’aucuns méfaits, être la cible de la véhémence de cette fille m’avait fait me sentir coupable.
Elle se présenta sous le nom d’Aislinn et, tout de suite, je m’interrogeais sur l’identité de son dieu.

« Une idée Guo ? »
« Aucune, j’ai beau avoir le statut de dieu, je n’ai aucuns moyens de le savoir » me répondit l’intéressé.

Hm. Décevant et à mourir de rire. Immortel mais pas devin ? Où était donc le service après-vente des divinités ?

Je levais un sourcil à sa remarque avec un petit sourire transmettre mon amusement sur sa qualité de demoiselle « bruyante », j’espérais qu’elle l’interprèterait bien. Je comptais beaucoup sur mon langage corporel, mieux valait voir le plus tôt possible si elle savait correctement comprendre mes messages faciaux. Pour ma part, je ne savais pas comment interpréter le petit sourire qu’elle affichait sans que je puisse en déceler la raison.
Les malentendus passés, ma colocataire semblait elle aussi un peu gênée. D’un côté, cela me rassurait d’un côté. Et j’étais d’autant plus rassurée par la réaction enthousiaste et démagogue de la demoiselle. C’était encourageant pour la suite.

« Ah bon ? Et pourquoi ça ? » s’enquit Guo.
« Parce que c’est déjà mieux que si elle avait eu un mouvement de recul avec une moue dégoutée. »

Je remplaçais mon smartphone par un bloc de feuille que je sortis du tiroir de ma table de nuit, ce serait plus simple pour communiquer. Il me suffisait d’écrire grand pour que le support ne doive pas passer de mains en mains. Cela prenait plus de temps que de pianoter sur un clavier, c’était certain et j’espérais que ma colocataire n’en serait pas trop gênée. Pour chaque réponse à ses questions, j’attribuais une ligne. Fluide et rapide, j’écrivis en gros caractères :

« Cet endroit est vraiment très chouette mais ma famille me manque. Tu as l’occasion de voir la tienne ?
Guo est un peu vieux jeu sur certains points, il est aussi très curieux et j’ai parfois du mal à le suivre mais c’est chouette de pouvoir parler à quelqu’un autrement que par écrit ou en gesticulant comme un singe savant. »

J’arrachais la feuille et la lui donnais pour qu’elle puisse la lire à son aise. Après un temps d’hésitation, je notais sur une autre :

« Et toi, quel est le tien ? »

Je n’osais pas écrire le mot « dieu ». Ne sachant pas où mes feuilles pouvait se retrouver, mieux valait éviter tous risques. Je ne souhaitais pas être sanctionnée pour une bête évocation du secret d’Immortalia sur un bout de papier.

« Sur ce coup là, le Directeur n’a pas été très fin de choisir une muette » remarquais-je.
« Ou peut-être espérait-il justement que tu n’en parlerais tout simplement pas. » me répondit Guo.
« Les enfants sont curieux » rétorquais-je, à moitié sérieuse.
« Tu te prends pour une enfant ? »
« Face à toi, même les adultes font figure d’enfant, l’Ancien. »

Je mis une emphase sur mon dernier mot pour qu’il comprenne bien que je faisais mention de son titre et non d’un mot péjoratif.

Ma nouvelle colocataire laissa de côté son téléphone pour saisir un bloc note et un stylo.
Je devais admettre qu’elle avait du courage, communiquer pour elle ne devait pas être une tâche facile. Je n’étais pas certaine de m’en sortir si l’on aurait échangé nos places.

*Non tu serais allez bouder dans ton coin.*
*Quand même pas… mais je pense que ça m’agacerait de lutter pour me faire comprendre.*

Quelques instants plus tard la jeune fille me tendit un bout de papier. Elle avait une jolie écriture, au moins je n’aurai pas à déchiffrer c’était une bonne chose.
Je lus rapidement le papier, sa famille lui manquait. Ce qui était normal j’imagine pour quelqu’un ayant de bons rapports familiaux.
Elle mentionna ensuite un nom, Guo… j’imaginais que c’était son dieu… Il allait vraiment falloir que je bosse sur ma mythologie pour être à jour. J’en soupirais intérieurement rien qu’en y pensant.

Alors que je finissais de lire son premier message elle me passa un second. Je tiquais sur la question. Ce n’était pas un secret d’état que j’étais la possédée d’Hadès. Mais elle, n’avait pas l’air de le savoir. Je savais pas réellement si je devais lui dire la vérité… j’avais peur qu’elle accueille mal la nouvelle.

J’haussais les épaules décidant déjà de répondre à sa première question.

« Oui je peux comprendre que ta famille te manques. J’aurais effectivement l’occasion de voir la mienne de temps à autre mais je ne le fais pas. Nous n’avons pas de très bonne relation… »

Je marquais un temps d’arrêt, je ne savais pas si je devais rentrer dans les détails. Mais après tout nous allions partager la même salle de bain alors je pouvais lui en dire plus.

« La relation avec mon père est très conflictuelle… du coup moins on se voit mieux on se porte. Mais des fois mes frères me manquent. »

Je survolais son petit mot pour vérifier de ne pas oublier une partie de son message.

« Et j’imagine que oui ça doit être sympa de pouvoir converser avec quelqu’un de cette manière. Je ne peux pas me mettre à ta place mais je pense que ça doit être sympa. »

Je pris le second papier avec la question fatidique dans les mains. C’était mieux qu’elle l’apprenne par moi que par bruit de couloir.

« Concernant cette question… Mon colocataire n’est autre qu’Hadès… »

Je l’observais un instant pour voir sa réaction avant de poursuivre.

« Mais ne t’en fait pas, je ne tue pas les gens à tout bout de champs. »

Je lui lançais un sourire amusé. Heureusement d’ailleurs. Une morte sur les bras me suffisait amplement… mais ça, elle ne le saurait pas.

« Guo ? Je suis une brèle en mythologie… j’avoue je ne suis pas une élève modèle. J’imagine vu le nom que c’est un dieu asiatique ? Je me trompe peut-être… C’est le dieu de quoi ? »

Je m’assis sur mon lit, si je restais allongée j’allais finir par bailler, j’avais un coup de barre.

« Sinon ça fait longtemps que tu es ici ? »

HRP:

Un élan de sympathie envers Aislinn m’envahit lorsqu’elle me fit part de sa relation compliquée au sein de sa famille. Je lui adressais un sourire que je voulais compatissant. Chez nous aussi on avait nos bas surtout depuis que mon père était en fauteuil roulant. Deux handicapés, c’était beaucoup à gérer, surtout pour ma mère. Je lui en voulais souvent de m’avoir inscrite ici et éloignée d’eux, mais je comprenais.

Mes frères à moi aussi me manquaient et j’appréciais d’autant plus la blonde avec ce point commun. Mon optimisme imaginait d’ores et déjà une excellente relation pleine de complicité mais l’expérience me soufflait la prudence. Le temps apprenait à mes interlocuteurs toutes les gênes de ma condition.

Je coupais court à mes réflexions quand elle nomma son dieu. Hadès ! Ça, je connaissais ! Enthousiaste, je dessinais de manière brouillonne le personnage du dessin animé « Hercule » pour lui montrer que je voyais de qui elle parlait.

« Qui est-ce ? » s’enquit Guo avec curiosité.
« Un dieu grec. Ou peut-être romain… Je ne fais pas la différence… »

Guo rit et me fit remarquer que le connaître allait de pair avec savoir de quel panthéon il faisait partie.

« Bon, en gros, c’est le dieu de la mort et le gardien des enfers » précisais-je
« Pourquoi tuerait-elle les gens ? Ce n’est pas parce que tu es possédé par un vieux fou comme moi que tu l’es non ? La mort est une chose naturelle, il ne faut pas la craindre. »

Ma divinité était un véritable sage, j’avais pu le constater durant de nombreuses conversations sur divers sujets aussi divers qu’étonnant. Il était réfléchi et très posé. Mais cela me faisait bien rire qu’un Immortel me sorte qu’il ne fallait pas avoir peur de la mort. C’était un peu comme entendre un riche dire qu’il ne fallait pas se plaindre d’avoir faim.
Avant que j’ai pu continuer mon débat « philosophique », Aislinn enchaîna sur ma divinité. Ne voyant pas comment expliquer ça rapidement sur papier, je décidais de reprendre mon téléphone et me mit à pianoter avec rapidité.

« C’est un immortel taoïste, une divinité chinoise (je sais pas trop ce que ça implique). Zhang Guo est le plus vieux de tous, il est mort 2 fois et est revenu à la vie si j’ai bien compris. Entre le dieu de la mort et celui qui revient à la vie, on est bien assorties ! :) »

Puis, je profitais que j’utilisais mon smartphone pour répondre à sa deuxième question :

« Je suis là depuis le début d’année, je suis en classe de seconde. Tu m’as l’air d’être étudiante, est-ce le cas ? »

Puis, sur une idée lumineuse de Guo, je conclus avec :

« Peux-tu me donner ton numéro de téléphone ? Je pourrais ainsi te répondre par message et on aurait pas à se passer des feuilles ou mon téléphone. »

J’espérais qu’elle accepterait, cela faciliterait énormément nos échanges. J’avais un forfait avec sms illimité, je pouvais donc me le permettre. Merci papa, merci maman. Je lui tendis l’appareil, tendue. Je commençais à m’inquiéter que cela l’énerve de lire.

Je continuais d’observer Senna alors qu’elle semblait perdue dans ses pensées. Peut-être était-elle en train de converser avec sa divinité. J’espérai sincèrement qu’elle allait bien s’entendre avec, cela pouvait être un véritable enfer, et j’en savais quelque chose.

Elle fini par saisir son téléphone pianotant rapidement dessus avant de me le tendre. Il fallait avouer que la technologie était pratique dans ce genre de cas. C’était quand même plus rapide que d’écrire et de plus, dans le pire des cas, elle pourrait mettre des smileys pour illustrer ses pensées.

Je lus rapidement ce qu’elle venait de m’écrire. Guo était, comme je l’avais imaginé, une divinité chinoise. Moi qui pensais qu’il n’y avait que les animaux du zodiac… je me rendais bien compte que j’étais à côté de mes pompes.
J’étais tout de même impressionnée. Le type était mort deux fois. C’était Nikki SIxx ou quoi ?
Je souris à ma nouvelle colocataire suite à sa dernière phrase, effectivement, la parallèle entre nos deux immortels était assez surprenante.

Senna reprit son portable répondant ensuite à la question que je venais de lui poser. Elle était arrivée en début d’année, cela ne faisait donc pas si long qu’elle était ici. Peut-être allait-elle avoir moins de mal à s’acclimater à l’école que moi. Je le lui souhaitais en tout cas.

Elle rajouta rapidement de lui donner mon numéro de téléphone. J’étais d’accord avec elle. Ce serait plus pratique.
Je saisi son téléphone et rentrais rapidement mon numéro dans ses contacts.

« Voilà, et n’hésite pas à me joindre si tu as des soucis ou autres je suis toujours dessus mon téléphone alors je te répondrai. Il faut bien s’entraider entre coloc non ? »

Je lui envoyais un sourire amical en lui désignant mon téléphone qui était posé devant moi. J’étais un vrai accro à cette technologie. Je l’avouais sans peine. Je préférais encore être privée de caféine que de téléphone… quoi que… enfin heureusement je n’avais pas à me poser la question.

« Sinon pour répondre à ta question précédente. Oui. Oui je suis étudiante. Je suis en deuxième année de tourisme… mais je ne suis pas régulièrement en cours je t’avoue… j’ai plus tendance à sortir où à me rendre dans les clubs dont je fais partis. »

Il était vrai que le rôle de présidente du club de danse me prenait beaucoup de temps. En plus des répétions pour le groupe de musique, l’entretient des plantes à la serre et la composition de mes morceaux… je n’avais plus beaucoup de temps pour moi.

*Mais n’est-ce, justement, pas du temps pour toi ?*
*Un point pour toi.*

Et je n’allais pas nier que je préférais faire des grasses matinée suite à mes nuits endiablées plutôt que de me rendre en cours d’économie… L’économie quoi ! Ca n’avait rien à voir avec l’élaboration de guide touristique pour Bora Bora !

« Tu t’es inscrite à un ou plusieurs clubs ? »