Portant toujours ses vêtements de la veille, t-shirt blanc moulant et pantalon sport noir, Ethan Shaw n’avait pas l’air de grand-chose avec ses cernes profondes, une chevelure emmêlée suite à son réveil et son vieux vernis à ongles écaillé. C’est qu’il n’avait toujours pas eu l’occasion de retourner à sa chambre depuis un bon moment, l’infirmière préférant garder un œil sur lui. Il fallait dire que la pauvre, travaillant à Immortalia, en voyait de vertes et des pas mures un peu tous les jours. Aujourd’hui, on l’avait informé d’une crise cardiaque sur un jeune homme en pleine forme avec aucun antécédent de troubles similaire. Les chances qu’une perte de contrôle de pouvoir en soit à l’origine étaient fortes, mais encore elle n’en avait pas preuve. Quels étaient les risques de récidive d’une crise cardiaque sur lui si c’était causé par l’utilisation de pouvoirs surnaturels?

Malgré toutes ses bonnes intentions, ce même jeune homme n’était pas particulièrement ouvert à obtenir des soins ou à lui donner plus de détails sur les événements.

« J’me sens parfait’ment bien, crevé, mais après une nuit d’merde on s’y attend non !? J’ai mangé, j’ai bu et dormi, on veut quoi d’plus? J’retourne à ma chambre! » , avait-il argumenté sans pour autant obtenir satisfaction, l’infirmière préférant appeler la sécurité alors que le ton du jeune homme s’élevait et que sa gestuelle devenait plus agressive.

Tout ce qu’il voulait c’était son propre lit, mais par-dessus tout, parler à Aislinn O’Riley et cesser de répondre aux questions du genre : « Qu’est-ce que vous faisiez à cette heure dans ces locaux? », « Il y a eu perte de contrôle?» et « Il y a des antécédents familiaux de troubles cardiaux vasculaires dans la famille ». Questions auxquels il avait respectivement répondu et répéter qu’il n’allait pas lui faire un dessin, que non y’avait pas eu perte de contrôle et que ce n’était qu’une engueulade qui avait mal terminé et qu’il n’en avait aucune foutu d’idée. N’étant pas idiote, l’infirmière ne gobait définitivement pas toute l’histoire. Elle avait tout de même fini par abdiquer, réalisant que la pression de son patient s’était élevée depuis qu’il s’énervait.

Malgré tout ce qui s’était passé, le roumain ne voulait toujours pas vendre la jolie blonde au personnel de l’école. Les pertes de contrôle n’étant pas particulièrement bien perçu, il se doutait bien que s’il voulait avoir une vraie discussion avec la principale concernée, il allait devoir se la fermer et plus que cette raison, Ethan M. Shaw n’était pas un « snitch ». Ce n’était pas pour autant qu’il pardonnait facilement à la jeune femme de l’avoir abandonné dans le local de dance.

« Il doit bien avoir une explication à son comportement d’merde…ou est-ce que j’suis vraiment juste trop con pour voir quand on m’utilise. »

Tout ça, c’était la faute d’Aislinn et de son pouvoir de débile. Aislinn qui s’était assuré de calmer sa propre culpabilité avant de l’abandonner dans la classe danse. C’était la seule explication qu’il avait trouvée au fait qu’elle ait passé ses derniers moments avec lui à se coller et à prendre soin de lui. Elle l’avait buté, avait apaisé sa frustration et confusion avec ses charmes et une fois satisfait et moins coupable l’avait laissé et avait coupé les ponts pour éviter les répercussions. Peut-être même que c’était un coup manqué aussi qui sait. Au fond, il ne s’agissait peut-être pas un accident, mais elle voulait seulement éviter les représailles?

Aphrodite semblait approuver cette dernière réflexion, ce qui faisait douter Ethan davantage. L’objectivité n’étant pas la force de la déesse dès qu’il s’agissait des fréquentations du jeune homme et ça, il le savait. Ses pensées spiralaient donc depuis son réveil et surtout depuis qu’il tentait de contacter sa farouche muse sans obtenir de réponses.

Exaspérer, Ethan avait fini par trouver un accord avec l’infirmière. Il pourrait quitter à condition d’être suivi de près par un ami jusqu’au lendemain matin, après quoi il devait se présenter pour un dernier examen rapide de sa personne si tout allait bien. Ainsi donc, il avait commencé à réfléchir à son « babysitter » : Gyula. Évidemment le nom d’Eireen lui était passé en tête en premier, mais il doutait qu’elle abandonne ses cours immédiatement pour venir le chercher, aussi, lui expliquer la situation et donc avoir à parler de son plan cul avec la rouquine lui sonnait comme une idée particulièrement stupide pour une raison obscure. Gyula d’un autre côté, bien qu’ils ne se connussent que depuis peu avait clairement démontré que manquer des cours n’était pas un problème et était déjà au courant pour Aislinn. Pas dessus tout ça, c’était un mec. Il pourrait parler sans aller dans les détails, respectant les limites des discussions émotionnelles imposées par la testostérone, n’est-ce pas? Il avait besoin d’un buddy qui comprendrait et le supporterais, pas quelqu’un qui allait peser le pour et le contre et remettre en question tout ce que LUI avait fait. Pas que ça ait une quelconque importance, mais il n’avait tout simplement pas envie de faire de l’introspection maintenant ou de faire jouer avec ses émotions Aislinn s’en était bien occupé la veille. Non pas qu’Eireen était du genre à faire cela, mais sans pouvoir l’expliquer, la demoiselle avait le don de creusé là où il ne fallait pas, pour le meilleur ou pour le pire. La décision était donc simple et Ethan avait immédiatement contacté le norvégien.

Quelle ne fut pas la déception de réalisé qu’il avait hésité à venir directement, mais au final il avait réussi à le convaincre de venir le chercher, c’était ce qui comptait.

« Jeez, j’pensais qu’on était pote… » , murmura le roumain en déposant son appareil dans ses draps.

« Votre amitié est encore récente, laisse-lui le temps. De plus, il a dit qu’il viendrait dès qu’il a su que tu avais des ennuis. Tu es rapide en affaire avec celui-là d’ailleurs…pas que ce soit un ennui de mon côté. »

« Bah c’est un bon gars. Ça pleut pas à Immo.»

Aphrodite savait parfaitement que son possédé était du genre à s’attacher rapidement et fortement aux gens avec qui il avait des atomes crochus. C’était sans doute la raison pour laquelle il avait subi autant de déceptions dans sa pauvre vie d’orphelin, mais ça, elle n’allait pas le lui dire. C’était aussi la raison pour laquelle il semblait avoir du mal à comprendre que certaines personnes avaient besoin de plus de temps ou une raison valable avant de tout abandonner pour lui comme il l’aurait fait lui-même eux. C’était un aspect qu’elle appréciait bien de lui de toute façon, son intensité dans tout ce qu’il faisait, sa passion. De plus, dans le cas de Gyula, cela faisait définitivement plaisir à la déesse de l’amour charmé par le physique du norvégien bien qu’Ethan avait clairement défini les limites qu’il tentait de s’imposer à lui-même concernant son colocataire.

Quel ne fut pas son plaisir d’ailleurs lorsqu’elle réalisa que le principal concerné était entré en trombe dans l’infirmerie… inquiet pour son possédé. Ethan, étendu lâchement sur un lit de l’infirmerie, se redressa instantanément la tête en entendant la porte claquer. Pour l’espace d’un moment, il avait espéré voir la longue chevelure blonde d’une certaine jeune femme faire son apparition. Pensée qui le dégoûta au plus haut point alors qu’il entendait la voix retentissante de son colocataire. L’apparition du visage en sueur de ce dernier provoqua les gloussements de la déesse, mais un mou légèrement déçu chez le Roumain. Ce fut toutefois de courte durée comme sa déception laissa place à son énervement alors que ce dernier resta planté-là à le regarder en reprenant son souffle.

« T’en as mis du temps! » , avait-il tonné par-dessus Gyula qui partageait pourtant la crainte qu’il lui avait fait subir.

Peu accueillants, ces mots ne reflétaient pas son réel sentiment de soulagement. Il était heureux de voir Gyula malgré toutes les apparences. Simplement, sa colère contre lui-même était bien plus forte et Ethan n’avait jamais été particulièrement bon pour gérer ses émotions. Le regard d’abord sévère que Gyula posait sur lui n’avait rien fait pour aider et avait déclenché le mimétisme d’Ethan qui lui avait brièvement balancé le même regard. C’est qu’il s’était attendu à des reproches.

Pendant ce temps l’infirmière qui passait non loin derrière les rideaux mentionna à Gyula qu’il n’était en aucun cas obligé de prendre sa charge avant de s’éloigner rapidement vers un autre patient à l’autre bout de la pièce.

Le regard dur d’Ethan roula en direction du rideau l’espace d’un moment avant de s’abaisser vers les couvertures. Soupirant, il ravalait ses paroles, signe de contrition discret, alors qu’il réalisait que le norvégien qui posait ses fesses sur le lit s’enquérait de ce qui s’était passé, preuve qu’il s’en fichait pas du tout. Gyula risquait de le laisser là s’il ne se retenait pas un peu après tout.

Relevant les yeux, il nota le sourire taquin de Gyula et s’efforça de lui en tirer un bien que le sien fut quelque peu maladroit. Encore une fois, Ethan jeta un regard en direction du rideau. Les pas de la dame s’étaient arrêtés et il soupçonnait qu’elle ne tente d’écouter la conversation.

« Pas ici. »

Le ton d’Ethan était décisif, mais pour une fois sa voix normalement éclatante se faisait moins assurer qu’à son habitude.

« Je ne crois pas que l’infirmière soit une menace Mircea. Elle veut simplement t’aider. »

« Elle travaille pour le pensionnat. »

Aphrodite n’insista pas, son possédé avait toujours détesté ceux qui tentaient d’avoir de l’autorité sur lui, et ce pour de bonnes raisons. Cela devenait un problème régulièrement, envenimant souvent les situations pour rien, mais elle pouvait le comprendre et l’acceptait jusqu’à un certain point.
Ethan agrippa son appareil, roula sur le côté et sauta pratiquement en bas du lit. Levé trop rapidement, les alentours se mirent instantanément à tourner et le jeune homme dû se retenir aux barreaux du lit, le temps que sa vision se rétablisse. Rien à voir avec son état de la veille, que son équilibre, mais l’infirmière s’était rapidement pointé le bout du nez en entendant son pas mal assurer et les barreaux résonné.

« Tout va bien! Jeez… J’me suis l’ver trop vite.»

Exaspérer, il fit un signe de tête à Gyula vers la sortie avant de s’y diriger, jetant un bref regard arrogant à l’agent de sécurité près de la porte.
« Mr. Eriksen! Veuillez s’il vous plait, garder un œil dessus jusqu’au matin et revenez avec lui demain matin avant vos cours. Il devrait également rester calme…le plus possible. »

Sachant qu’elle lui demandait beaucoup, elle avait cru bon spécifier, se doutant que ce serait un défi de taille sans doute.

« Vous pouvez également nous le ramener…si jamais. »

D’un hochement de tête poli, elle lui balança un regard entendu avant de retourner à ses tâches. Son patient quant à lui, tenait la porte ouverte, invitant le dénommer Mr. Eriksen à le suivre dans le couloir avant de s’y engager d’un pas vif. Dès qu’il fut à distance considéré raisonnable dans le couloir suivant, Ethan se retourna et attrapa Gyula par les deux épaules.

« HOLYSHIT DUDE, elle m’a buté! »

Sa voix assourdissante résonna dans le couloir, mais sans doute encore plus fortement dans les oreilles de son interlocuteur qu’il relâcha aussi brusquement qu’il l’avait agrippé. C’est que la réalité de ce qui s’était passé la veille commençait à bien se faire assimiler maintenant qu’il devait expliquer la chose à quelqu’un sans avoir besoin de filtre. Auparavant il avait été trop épuisé et préoccupé par le fait de se remettre en état, comprendre la réaction d’Aislinn ainsi qu’à se protéger lui et Ais face à l’infirmière.

Se retournant lentement, il passa ses doigts dans sa chevelure emmêlée, les ramenant vers l’arrière en les enserrant un bref moment, le regard dans le vide alors qu’il triait ses pensées. Il poursuivit ensuite sa marche vers l’extérieur du bâtiment en ayant pour objectif de retourner aux dortoirs…mais pas celui des garçons.

La voix agacée de Gyula lui parvint aux oreilles de l’élève égaré dans ses pensées. Inévitablement, Ethan se retourna. Il fallait dire que cela s’accompagnait d’une prise bien solide de son bras. L’air renfrogné, le roumain posa son regard sur la main qui le maintenait et puis releva lentement, le fixant dans celui d’Gyula en guise de confrontation. Mais qu’est-ce qu’il lui prenait à le traiter de la sorte? Il venait de passer un mauvais moment, il n’avait pas besoin de cela en plus. Une chance pour lui, ses paroles et son ton différaient, indiquant qu’il faisait un effort pour ne pas être trop brusque lui-même, mais Ethan avait compris le message tout de même. Il souffla son exaspération par les narines et ravala ses paroles en sentant la prise de son colocataire se relâcher.

- Tout n’est pas à propos d’toi, jeez… Et j’te l’ai dit ce qui s’est passé, c’est juste surréaliste…j’en fais à peine du sens moi-même!

Ethan marqua une pause cherchant ses mots et prenant le temps d’essayer de se calmer. Il se retira de la poigne de Gyula d’un mouvement sec. Sa gestuelle, constitué principalement de petits gestes brusques des mains ou de réorientations abrupt de la tête révélais son état intérieur, un mélange de frustration et d’anxiété.

- Holyshit! Aislinn m’a filé une crise cardiaque. Littéralement. Ça été temporaire…évidemment.

Il se démontra lui-même avant que son expression ne change, hésitante, et qu’il ne porte deux doigts à sa carotide comme pour vérifier que ça avait bien été temporaire ou que le rythme était bien là. Pas de doute. Pas qu’il en ait douté non plus, mais en parler semblait étrange. Peu importe, l’infirmière avait déjà vérifié tout ça et comme il l’avait répété à maintes reprises, il allait bien. Il laissa tomber son bras.

- Il me manque 10 min de ma vie en ce moment dont j’ai pas souv’nir mais ai fini par avoir un résumé d’Aph et Ais. Fine! Tu vas m’dire que c’était une perte de conscience, mais nu! Parce que ça à donner champ libre à Aph de … « take over ».

Ethan avait cherché les mots qui lui semblaient appropriés. L’idée de la possession le rendait mal à l’aise, peut-être que son éducation religieuse y était pour quelque chose, et pourtant c’est qu’il l’était depuis un moment déjà, mais jamais il avait perdu total contrôle. Aphrodite avait toujours été spectatrice, comme une accompagnatrice. Pas tellement différent d’avoir une divinité en haut qui prenait soin de lui, un ange gardien ou whatever. Il avait toujours préféré le voir ainsi une fois qu’il s’était fait à l’idée. Cet événement lui avait fait comprendre qu’il ne s’agissait pas que d’un accompagnement, elle pouvait prendre le dessus si elle le voulait. Elle avait tout de même rencontré quelques difficultés la veille en reprenant le contrôle d’un corps mort. Ça n’avait pas été si simple, mais à l’entendre elle n’aurait pas eu à attendre bien longtemps pour s’habituer. Il la remerciait intérieurement pour le respect pour sa personne dont elle avait fait preuve jusqu’à présent, outre un écart ou deux. Encore une fois face à Aislinn… Est-ce que ce serait ainsi pour chaque conquête qui représentait selon elle une menace?

Ethan montra sa main droite à son colocataire afin d’exposer ses bandages et les repoussa un peu pour découvrir la profonde cicatrice laissée par la lamelle de miroir qu’Aphrodite lui avait fait prendre la veille pour menacer la jolie blonde en larme.

- J’me suis réveillé en pleine engueulade, Aph voulait s’venger. Elle a attrapé une lame et ça m’a coupé. J’suis gaucher, en passant…si c’est pertinent.

Replaçant la bande de tissus à plat avec une délicatesse infinie afin d’éviter la douleur, il avait abaissé son regard avant de le rediriger vers Gyula. Il attendit d’abord une réaction, puis réalisa qu’il manquait sans doute de contexte. Il allait certainement se faire un tas de scénarios.

- C’était un accident. M’enfin j’crois. C’est s’qu’elle a dit aussi. , ajouta t-il en soupirant.

- Elle a bien pris soin d’moi! ..avant d’m’abandonner dans l’local de danse. J’me suis réveillé à l’infirmerie et j’ai plus d’nouvelles. J’essaie d’la r’joindre d’puis et j’pense qu’elle m’a bloqué partout. Et là j’me dis, p’t’être qu’elle veut juste pas de représailles d’ma part? Peut-être que s’t’ais volontaire aussi au fond. J’veux dire on s’est engueulé. Facile de dire que c’est un accident. Elle avait l’air sincère par contre.

Exposant les faits il était clair d’Ethan ignorait comment prendre la situation, voulait peser le pour et le contre, voulait excuser Aislinn, mais lui en voulait grandement. Qui pardonne son propre meurtre après tout? Personne! Parce que personne ne revenait normalement. Il eut une brève pensée pour Sin. Elle l’aurait sans doute fait, douce qu’elle était. M’enfin maintenant on parlait de lui et par-dessus tout, il avait le sentiment de ne pas avoir toute l’histoire lui-même et d’être pris pour un con. ÇA c’était enrageant. Il ne comprenait pas les actions contradictoires de la danseuse et d’un sens ils n’avaient jamais complètement réglé leur discussion. Pas que ça lui manquait non plus, mais c’était un truc de plus qui le dérangeait et qui ne l’aurait pas dérangé autrement s’ils s’étaient réveillés côte à côte. Il le savait.

- À quoi t’attendais-tu? Un levé à ses côtés, bien reposé et tout oublié? Ce dont vous avez discuté était assez clair. Vous n’êtes pas faits pour être amants. Elle se fichait de toi, vous aviez trop de secrets l’un pour l’autre et malgré tes doutes, tu ne l’appréciais pas tant que ça. Ton cœur et ta tête étant ailleurs. C’est mon avis! Fais-en ce que tu veux! C’est ce que tu feras de toute façon…

- Ailleurs?
- Euh…moi! Et bon peut-être un peu Sin.

Il ne riposta pas, sachant fort bien qu’il ne pouvait nier avoir Sin en tête depuis la finalisation de sa dernière œuvre. C’était récent par contre, pas comme si ça avait été le cas toute l’année…non? Vraie qu’avant la possession avait pris une certaine place et il était difficile de ne pas songer à Aphrodite quand on l’avait dans la tête en permanence, mais il assumait que c’était le cas pour tous avec leur divinité. Rien d’exceptionnel, non? Mais la déesse de l’amour devait savoir de ce dont elle parlait. C’était ce que Ethan se disait. En ce moment c’était plus agréable de croire que de toute façon tout était peine perdue, qu’il n’avait pas de réel intérêt et que ça ne valait pas la peine de discuter plutôt que de se casser la tête. C’était simple et pratique de le penser. C’était qu’un plan cul après tout et ça les deux avaient été d’accord dès le début sur ce point. Mieux valait tout oublier. On s’en foutait si elle ne voulait plus rien savoir de lui. Malgré tout, il était forcé d’admettre qu’après un an à se fréquenter, il s’était bien attaché un peu… un tout petit peu. Assez pour vouloir obtenir des réponses. On ne se débarrassait pas de lui comme ÇA! C’était inacceptable. Qui faisait ça?! Oh au fond il pouvait en nommer des gens comme ça. Non pas cette fois il n’allait pas passer l’éponge!

Ce fut au tour de à la déesse de soupirer. Ce sentiment d’abandon n’était pas nouveau. L’abandonnement répétitif que son possédé avait déjà vécu dans sa courte vie le rendait sensible à ce genre d’attitude envers lui et il détestait être ignoré. Elle savait que rien n’y ferait tant qu’il n’y comprendrait rien ou ne se faisait pas une raison. Déjà elle s’exaspérait à l’idée qu’il allait clairement devoir passer à la cathédrale, son stupide lieu de culte qu’il affirmait ne pas avoir d’importance pour lui, pour essayer de répondre à toutes ses questions. Il n’aurait évidemment pas de réponse parce que son « Dieu » était trop incompétent pour le faire apparemment. Elle était là pour lui. Pourtant il ne semblait toujours pas lui accorder la même crédibilité. C’était particulièrement irritant pour une déesse. Si elle avait pu rouler des yeux à ce moment, elle l’aurait fait. Autant elle comprenait ses besoins d’affection, celui de devoir comprendre la situation, celui d’avoir une certaine spiritualité, et ce, même s’il la niait, autant le spectacle d’Ethan en graduel dépérissement ces derniers mois était pathétique à voir et l’énervait. Ce n’était pas lui. Par-dessus tout ça, s’ajoutait Aislinn O’Riley, la garce qui venait donner le coup de grâce! Bon…c’était peut-être exagéré, mais « raisonnable » n’avait jamais été une qualité de la déesse. O’Riley aurait pu au moins terminer cette relation sans lui donner une crise existentielle en plus! La vie après la mort. Rien de moins…Non mais et puis quoi encore! Hadès pouvait bien avoir préféré Perséphone, quel imbécile! Incapable de gérer sa possédée et ses pouvoirs !?

Perdue à son tour dans ses pensées colériques, Aphrodite ne réalisa pas immédiatement que son possédé s’était remis à marcher, encore une fois vers les dortoirs.

- Bref, on va voir Ais maint’nant. , avait annoncé Ethan à Gyula avec un air fâché et les poings serrés.

D’un pas déterminé et s’attendant de toute évidence à ce que son interlocuteur le suive sans protester cette fois, il s’était engagé à grandes enjambées dans le prochain couloir qui allait mener vers la sortie du bâtiment principal.

C’était à croire qu’il se pompait et cumulait sa frustration volontairement non? C’était un peu le cas. C’était de toute évidence la meilleure réaction à avoir en ce moment. Il n’allait quand même pleurnicher ou stresser pour rien. Ethan était un homme d’action et il allait régler cette situation inconfortable immédiatement.

À la demande Gyula, Ethan s’était arrêté de nouveau, non pas sans être irrité. Combien de fois allait-il s’arrêter et devoir expliquer. S’il ne voulait pas suivre et l’épauler, qu’il s’en aille! Ethan savait tout de même qu’il avait promis à l’infirmière de prendre soin de lui. Est-ce qu’il était du genre à suivre ça à la lettre? Au final, Gyula ne demandait pas plus d’explication, il donnait plutôt sa propre impression de la situation. Son avis ne pouvait pas faire de mal non?

Encore une fois les paroles de Béa résonnaient dans son pauvre cerveau fatigué. En cas de doute, ne pas agir impulsivement et demander l’avis d’amis plus sage. À l’époque, elle parlait de Sin, mais le conseil était toujours bon. La religieuse avait toujours dit qu’il était un homme d’action, pas de réflexion ce qui avait toujours été un brin insultant, mais qui après application de la méthode avait toujours eu des résultats positifs…ou presque. Il pouvait toujours écouter et faire ce qu’il voulait après de toute façon.

Gyula s’en donnait d’ailleurs à cœur joie. On aurait dit Doogood avec ses séries de questions, sans doute destinées à le raisonner. C’était aussi achalant que sortant de la bouche du rouquin en fait. Haussant un sourcil, signe qu’il n’était pas particulièrement impressionné par l’intervention de son ami, il restait tout de même attentif réfléchissant aux points valides qu’il apportait. Il devait admettre au moins ça. Il ignorait si Aislinn serait à sa chambre. Il était toutefois certain qu’elle ne recommencerait pas, pas volontairement du moins. Il faudrait seulement rester calme en discutant c’est tout.

- Et tu crois pouvoir faire cela dans ton état actuel?

Point valable de la part d’Aphrodite aussi….

- Oublie là! Elle ne tenait pas à toi, sinon elle serait restée avec toi jusqu’à ton réveil.

Gyula de son côté parlait toujours et les pensées du jeune éphèbe tournoyaient toujours. Elle pourrait vouloir l’achever pour éviter qu’il ne la rapporte? Non! Aislinn savait que ce n’était pas son genre. Le savait-elle? En y repensant, ils avaient toujours évité les sujets trop personnels, peut-être ignorait-elle à quel point il détestait l’autorité.

- « Snitches get stitches! », j’la rapporterais pas. Elle sait…et Ais est pas comme ça...elle a de l’attitude, mais c’est pas une meurtrière. Elle se donne une attitude, mais elle est plutôt douce. Elle serait pas capable.

Bien qu’il rétorquait en quelque sorte, le ton du garçon était sans énergie voir interrogatif. Au fond, il parsemait les hypothèses de son colocataire de petites interventions sans jamais le faire avec sa confidence habituelle. Il ajoutait à la réflexion, sans plus. Son regarde se porta sur ses pieds un moment, perdu dans ses pensées et la voix du beau brun.

Ce fut à l’allusion qu’il avait l’air si fragile que lui-même pourrait le briser qu’un mince sourire en coin s’afficha sur le visage d’Ethan qui se rappelait la claque de son colocataire. Son orgueil en avait pris un coup la veille et il n’allait quand même pas laisser passer un commentaire comme celui-là malgré son propre état.

- Tu pourrais jamais m’casser. Tu frappes comme une fille…C’est plus comme un genre de kink ton truc…

Bien que dit avec une neutralité déconcertante, il releva un regard épuisé laissant entrevoir une brève lueur de malice vers son interlocuteur. Un brin d’humour aidait à le calmer et à alléger l’atmosphère. Il savait bien que Gyula n’y avait pas mis toute son énergie lorsqu’il l’avait claqué, mais il était facile de le taquiner. En ce moment toutefois, on aurait aussi pu appeler ça un genre de fuite. Le sujet devenait si sérieux.

Ethan retrouva rapidement une expression qui correspondait davantage à la situation alors qu’il se reconcentrait sur les paroles de son coloc.

Il était évident que Gyula se préoccupait de sa situation et il aurait été incorrect de ne pas le laisser terminer. Gyula comprenait son besoin d’avoir des réponses, mais argumentais que ça ne servirait probablement à rien et lui demandais ce qu’il ferait une fois en face de la jolie blonde en question, poser des questions ou la frapper? La frapper? Il le pensait si horrible? Mais il fut bien plus piqué lorsque celui-ci lui résuma la situation telle qu’elle était.

-  Elle t’a tué et laissé. C’pas rien. Si elle t’a bloqué aussi.

Si ces premières paroles de Gyula avaient d’abord commencé à faire leur chemin dans l’esprit de l’adonis et à lui faire oublier l’idée d’aller harceler Ais pour des réponses, ces dernières effacèrent tout bon sens chez lui. Il sentait comme un poids lourd s’installer dans sa poitrine alors qu’ils les entendaient de la bouche de quelqu’un d’autre. Un brin de désespoir mélangé à la honte s’ensuivit évidemment d’une colère intense. Il se sentait tellement stupide. Il avait vraiment besoin de ça en ce moment? En plus des ennuis au boulot et à l’appartement.

Une grimace de frustration apparut instantanément sur son visage et les traits des son visage devinrent durs. Ce n’était visiblement contre Gyula, mais il était évident que ses pensées erraient vers des zones plus sombres de son esprit.

- Tu m’prend pour qui? Jamais j’la frapperais. On frappe pas une fille.

- ...exception si elle le d’mande, ajouta-t-il un doigt levé comme s’il s’agissait du précieux conseil d’un grand sage que Gyu devait retenir. Il avait de toute évidence senti l’importance de préciser. C’est qu’il parlait d’expérience tiens!

Ce partage de sagesse avait au moins le bénéfice d’adoucir le tempérament d’Ethan l’espace d’un moment.

- Mais j’l’ai pas fait quand elle m’a d’mander d’la tuer!

Ethan soupira, se rappelant dans quel état elle était à son réveille alors qu’elle suppliait Aphrodite de la « punir » ce qui, en d’autres circonstances aurait été particulièrement sexy, mais avait été plutôt dramatique dans l’instant.

- Parce qu’elle d’mandais à Aph d’la buter quand j’me suis réveillé d’mon… « décès ». J’aurais pas pu d’toute façon vu mon état, mais j’le voulais pas non plus. Fine! L’idée d’lui donner une p’tite baffe pour lui r’donner son bon sens m’est passée par la tête. Plus j’y pense, plus ça m’semble une bonne idée, mais j’le f’rais pas. J’pas comme ça.

- C’est que tu donnes un peu l’impression d’être particulièrement agressif depuis ton réveil à l’infirmerie. Gyula craint peut-être que ton jugement ne soit altéré par tes émotions. Suis-le, vas te reposer, fait des plans avec lui comme il dit si c’est vraiment nécessaire! Si j’étais toi, j’oublierais tout ça et profiterais de la présence de ce charmant jeune homme qui tente de t’aider.

- Menteuse. Si t’étais moi t’exécuterais un d’tes plans machiavéliques, trouverais une punition pour t’avoir laissé tomber ou pas vouloir te vénérer.
- C’est une situation totalement différente Mircea.
- Mon cul da…

Il décida d’ignorer Aphrodite dont l’objectivité lui faisait défaut. Il en avait assez d’avoir l’impression qu’il agissait trop fortement à tout. Comme si tout le monde ferait mieux que lui dans sa situation. C’était injuste qu’on le traite de cette façon et même son ami semblait vouloir qu’il encaisse, qu’il prenne sur soi. C’était plus sage, peut-être, mais comment il peut se regarder dans le miroir après ?!

- Elle a aucune raison de paniquer si elle s’explique! Et j’peux être CALME! , dit-il en hurlant puis tournant les talons pour quitter le bâtiment et se diriger à grandes enjambées vers les dortoirs, forçant Guyla à suivre s’il voulait poursuivre la conversation.

- Et pas la faire paniquer, ajouta-t-il en baissant le ton d’un cran, réalisant que ce n’était pas ainsi qu’il allait réussir à convaincre le norvégien.

- T’as raison. J’sais pas si elle s’ra là! Elle à p’t’être cours aussi, quoique c’est pas la fille la plus studieuse ever. À sa place j’aurais p’t’être pas été en classe après avoir buté quelqu’un. J’prend une chance. Elle s’morfond p’t’être dans sa chambre. S’rais logique. Culpabilité. Regrets d’m’avoir abandonné après avoir joué avec moi right si elle est pas totalement insensible? Genre j’sais pas tu fais quoi après avoir perdu l’contrôle d’tes pouvoirs? L’infirmerie? J’l’aurais vu…D’Arcy? Fuck no! FUuuuck…

Ethan s’arrêta brusquement sans réaliser que Gyula devait probablement toujours suivre derrière. Si ça s’trouvais il parlait tout seul depuis les cinq dernières minutes.

- Elle a p’t’être été réprimandé par le dirlo? La perm? On va pas là pour ça right…Dépossession? La perte de contrôle était un critère pour ça? Nu, il avait dit si on s’faisait possédé complètement? C’est ça?…Holyshit…

- Mircea, notre cas était différent, je n’ai pas pris totalement le contrôle de ta personne, tu étais…hmm… « absent » et personne ne lui diras au directeur!

- …Aislinn?
- … J’ose espérer qu’elle est assez brillante pour ne rien dire!
- Raison d’plus d’la trouver!

En bon livre ouvert qu'il était, Gyula pouvait sans doute suivre le cheminement de ses pensés. Accélérant le pas, courant pratiquement, il atteint les dortoirs rapidement et s’arrêta devant l’escalier à l’étage des filles, hésitant de toute évidence poser son pied sur la première marche. Pour la première fois depuis un bon moment, Ethan se retourna pour voir l’expression faciale de Gyu, le consulter. C’est qu’il n’avait pas tellement eu la chance de s’exprimé depuis qu’ils avaient traverser l’entrée du bâtiment principale.

- C’est mal d’espérer qu'ce soit la raison d'son manque de réponses?

Ce n’était pas anormal, quoique possiblement immoral de sa part d’oser espérer du tort à Aislinn plutôt que ce soit lui le problème. La réponse d’Eriksen rassura Ethan. Comme pour se convaincre lui-même, celui-ci hocha la tête en signe d’acquiescement. Da. Vu la situation, c’était totalement normal.

Ce fut toutefois la sensation de main sincère de Gyula qui se posa sur sa nuque qui le calma davantage. Cette expression de soutien était quelque chose qui marchait bien chez Ethan. Il y avait quelque chose de réconfortant dans le toucher d’une personne, une sincérité que les mots n’exprimaient pas toujours efficacement.

Le norvégien avait toutefois également choisi les bons mots pour accompagner le mouvement. Peu importe sa décision, son coloc et ami serait là. Et ÇA, ça avait de la valeur pour le roumain qui espérait que Gyula ne parlait pas à travers son chapeau. C’était soudainement tentant de voir de quel métal il était fait. D’autres promesses en l’air. Il ne doutait pas de la volonté de Gyula, comme il n’avait pas douté de la volonté de tous ceux qui lui avaient promis le même support par le passé et qui s’étaient rendu compte que c’était trop pour eux avant d’abandonner. Ce n’était pas non plus qu’il en voulait à tous ces gens, il comprenait aussi, mais c’est qu’à un moment cela usait aussi le moral du jeune homme. C’était possiblement l’une des raisons pour laquelle il se sentait si épuisé dernièrement. Ce manque de soutien à la maison était lourd.

Ethan n’avait pas l’intention de devenir un poids ni lui demander de l’aide, mais s’il pouvait au moins compter sur une présence positive au pensionnat, cela serait certainement un petit soulagement.

Pour appuyer ses propos, Gyula lui avait mentionné qu’il l’aiderait à avoir réponse à ces questions que ce soit maintenant ou non. Réfléchissant, Ethan portant la main à sa nuque avant de la laisser retomber en jetant un coup d’œil à l’étage supérieur puis le couloir des garçons.

- Okay…On y va, mais si elle est pas là on r’part. J’suis crevé d’toute façon dit-il en poussant un long soupir et en s’engageant dans la cage d’escalier.

- Tu devrais retourner à ta chambre. Il n’y a rien de bon qui peu se produire dans ton état de fatigue actuel.

Ignorant sa déesse et moins pressé qu’il ne l’était précédemment, il monta les marches d’un pas plus lourd avant de se diriger vers la chambre de la demoiselle et d’y cogner trois à coup de poing fermé. Le geste n’était pas nécessairement agressif, simplement très ferme et clair. Il s’appuya ensuite contre la porte pour écouter les sons sans trop de succès.

- Ais? Faut qu’on parle…J’arrive pas à te contacter…Tu peux ouvrir?
L’effort de balancer ces mots était pratiquement palpable. Le tremblement de sa voix démontrait très bien qu’il contenait son énervement, une colère qui risquait d’éclater à nouveau, mais il avait aussi bien veillé à ne pas l’accuser pour l’avoir bloqué.  

Comme il s’en attendait, il ne reçut aucune réponse. Il n’y avait aucune chance qu’elle n’ait pas entendu si elle était présente. Et encore une fois, son orgueil fut piqué. Il prenait la peine de faire tous ces efforts débiles qu’on avait essayé en vain de lui inculquer pour ne pas provoquer les conflits. Chose pour laquelle il avait toujours eu un certain talent. Il devait avoir l’air tellement weak! Tout ça pour quoi? Faire attention aux sentiments de son plan cul qui v’nait d’le buter et d’l’abandonner? Lentement, les sourcils du jeune homme se froncèrent tout comme l’arrête de son nez et ce qui devait arriver arriva. Aphrodite s’était même préparée mentalement. Il n’y avait aucune surprise face au fait que son champion n’était pas arrivé à se se calmer tel que promis. C’était trop récent tout ça.

- HEY! OUVRE LA PUTAIN D’PORTE! FUCK! , hurla t-il en frappant un violent coup de paumes dans la porte avant d’attraper sa main droite en lançant une série de blasphèmes qui lui auraient sans doute garanti sa place en Enfer s’il y en avait eu un; ce dont il venait de réaliser la non-existence alors….fuck it!

Le son sourd du coup sur la porte et de sa voix furibonde résonnait fortement dans le couloir et deux filles sortirent la tête de leurs chambres respectives pour voir ce qui se passait dans les couloirs avant de jeter un regard désapprobateur vers la cause de leur désagrément, ces deux mecs suspicieux qui semblaient prêt à défoncé la porte de chambre d’Aislinn O’Riley.

- Il y a des gens qui étudient! , lança une d’entre-elle sur un ton sec et hautain avant de lancer un regard entendu à l’autre et de retourner dans leurs tanières sous le regard dégoûté d’Ethan Shaw.

Il baissa son regard vers sa main qu’il maintenait toujours, comme pour évaluer les dégâts sans vraiment le faire puis releva la tête d’un coup sec en rejetant sa longue chevelure échevelée vers l’arrière. Fulminant, Ethan se retourna vers Gyula en clignant des yeux pour éliminer l’eau qui s’y était accumulée alors que la douleur se rependait dans sa main blessée.

- J’ai besoin d’une douche, se résigna-t-il finalement.
- Sage décision.

C’est qu’en abaissant la tête il avait pu se rendre compte de l’odeur qu’il avait après ses deux dernières veillées envinées, son peu d’entretien, le sexe, être décédé, avoir été malade et finalement s’être endormi tel quel jusqu’au lendemain. C’est qu’il ne se sentait pas très frais. Aphrodite ne pouvait qu’apprécier l’idée de son possédé qui ne lui faisait pas par particulièrement honneur en ce moment en ayant l’air d’une guenille. Maintenant que l’autre blondinette n’était plus dans le portrait, il faudrait se remettre en chasse pour un peu d’attention n’est-ce pas?! Mais une chose à la fois! Pour le moment, le faire relaxer était la priorité et l’idée de la douche allait dans le même sens.

Ethan tourna enfin les talons pour se diriger vers la cage d’escalier, sans doute au grand soulagement des voisines de chambres d’Aislinn et de Gyula…jusqu’à ce qu’il s’arrête de nouveau face à un babillard où une foule de petites offres d’emplois, d’échange ou de vente de manuels de cours usagés et d’effets personnels se trouvaient.

La bouche du jeune homme se tordit en un rictus qui ne présageait rien de bon. Il agrippa et arracha une feuille au hasard et la froissa avant de faire signe à Gyu d’un seul doigt avec un air contrit.

- Une minute. Dernière tentative. On f’sait ça à l’orphelinat pour forcer les autres à ouvrir les portes ou réagir.

C’était enfantin, mais l’entièreté de cette situation était déjà ridicule pensait Aphrodite en l’observant faire avec intérêt tout en suivant le cours des pensées de son possédé sans pour autant l’arrêter. Avec un peu de chance, cette relation serait totalement irréparable.

L’Adonis en déchéance était revenu vers la porte avec une énergie renouvelée en enfouissant la boulette de papier sous la porte et sortant un briquet de sa poche. C’est que faire de mauvais coups avait toujours été stimulant. Sans attendre, il enflamma le bout de papier qui dépassait et se consuma avec une rapidité déconcertante. L’artiste se recula en observant la poignée de la porte en espérant la voir tournée et tendant l’oreille en espérant entendre un brin de panique chez Aislinn…sans succès.

- Ah…bah elle est pas là pour vrai!

- Elle a eu de la chance que j’ai oublié mon sac de sport à l’infirmerie, songea le jeune homme en repensant à ses crochets avant de rediriger ses dernières vers l’odeur de brûlé qui durait un peu trop longtemps à son goût.

- Normalement, une fois le papier brûlé ça dure pas…, commenta Ethan qui commençait à se demander si autre chose que le papier avait commencé à se consumer ou s’il ne s’agissait que d’une odeur persistante.

Penchant la tête sur le côté en observant toujours la porte, il pinça les lèvres, puis porta une main mal aisée derrière sa nuque. Il ne fallait toutefois pas se méprendre, bien qu’il eût compris avoir fait une bourde, son expression faciale partiellement confuse cachait aussi un sourire retenu visible dans son regard. La situation lui semblait soudainement moins critique. Non pas qu’il souhaitait du mal à Aislinn, mais il y avait un petit quelque chose de libérateur et comique à l’idée de faire flamber sa chambre. Il consulta Gyula du regard, hésitant et grimaçant, faussement contrit et laissant échapper un très doux :

- Oups…

Le rire éclatant d’Aphrodite ne faisait rien aider le jeune homme à prendre la situation au sérieux. Cet imprévu avait le bénéfice de lui changer les idées. La fatigue avait toutefois le défaut de ralentir sa pensée et surtout ses réflexes qui auraient normalement, mais lentement, il réalisait qu’il allait falloir trouver une solution au potentiel incendie qui se formait peut-être derrière la porte. Il balaya les alentours à la recherche d’alternative. Les sanitaires n’étaient pas bien loin. Le placard du concierge aussi était prêt. Une chaudière d’eau sous la porte ferait sans doute l’affaire. Les gicleurs partiraient d’eux-mêmes si ça ne l’était pas? Il était hors de question de filer, ils avaient déjà été remarqués.

Une porte brisée était mieux qu’une chambre cramée non? Au pire ce serait un inconvénient pour dormir le soir, mais ça, ce n’était pas son problème à lui. Ethan commençait à considérer sérieusement de défoncé la porte lorsqu’il croisa le regard de Gyula qui balayait le couloir, se dirigeant vers la cage d’escalier et enfin, lui-même. Ethan réalisa rapidement ce qui trottait en entête du norvégien. Gyula, plus sage, mais « plus peureux », songea-t-il, proposait la fuite. Évidemment le roumain n’était pas d’accord et allait riposter. Il n’en eu toutefois pas l’occasion.

Immédiatement, Gyula entrait en mode solution, surprenant Ethan et le semant de ne pas faire le con et de le suivre, ce à quoi Ethan sourit largement, évidemment. Apparemment, il avait trouvé moyen de sauver la chambre sans se faire prendre par la direction.

Offre intéressante, bien qu’Ethan doutais de l’efficacité du plan pour sauver la chambre. Il décida de faire confiance à Gyula, espérant ne pas le regretter. Préférant généralement confronter ses problèmes de front, la fuite allait contre toutes les fibres de son être, mais c’était bien l’occasion de mettre cette drôle d’amitié à l’épreuve, il lui avait bien fait confiance pour venir le chercher à l’infirmerie, bien qu’il eût douté du réel intérêt du garçon pour la tâche.

Il hocha donc de la tête et le suivit immédiatement, le sourire moqueur de Gyula l’encourageant grandement. Il fallait dire qu’il ne lui laissait pas vraiment le choix non plus en le trainant par le bras.

Ethan ricana en voyant Gyula frapper aux portes. Reléguer le problème aux filles de l’étage, c’était ça la solution. En le réalisant, il fut pris d’un fou rire nerveux. La situation était marrante, quoiqu’un peu incroyable. C’est vrai qu’il avait dû avoir l’air taré d’un point de vue extérieur. De toute évidence Eriksen avait jamais enfumé une chambre. Peut-être n’était-il pas du genre à faire des mauvais coups étant plus jeune? Ethan se promis d’aborder le sujet plus tard. Pour ce qui était de la réaction actuelle, c’était ce genre de moment où il perdait plein contrôle de ses émotions qui donnait les anecdotes les plus intéressantes à long terme. Il espérait que Gyula le perçoive ainsi. Pas que ce soit une préoccupation dans l’immédiat, mais les deux garçons en parleraient certainement pendant longtemps.

Tentant de suivre Gyula, malgré son petit délai de retard causé par le temps qu’il avait mis à réaliser ce qu’il voulait, Ethan sauta pratiquement un pallier d’escalier, manquant de se fouler la cheville en retombant durement sur ses pieds. L’adrénaline était toutefois un excellant stimulant et celui-ci poursuivit sa route sans un quelconque autre ennuis. Il observa nerveusement Gyula tenter d’ouvrir la serrure en murmurant « Go go go! Slowpoke! » sur un ton vaguement aussi énervé qu’amusé. Il pénétra à sa suite dès l’ouverture de la porte, laissant le soin à Gyula de refermer cette dernière. Le regard que Gyula que posa ensuite sur lui, le fit pincer des lèvres. Puis, incapable de se retenir, celles-ci s’étirèrent en un large sourire, mais ce fut son commentaire, accompagner de sa poussée qui le firent éclater d’un rire franc.

- S’t’ait pas exactement planifier comme ça. J’voulais juste enfumer la chambre.

Haletant, il posa ses mains sur ses genoux en baissant la tête, puis se releva pour mieux articuler.

- S’t’une tactique connu! T’as jamais fait ça?!

Il passa une main sur son visage épuisé, puis la remonta dans sa chevelure, laissant couler les mèches entre ses doigts avant de se laisser tomber étendu aux côtés de son colocataire qui avait rejoint son lit pour y reprendre son souffle.

- Well, s’tait intéressant…J’pense pas qu’elle était là, affirma-t-il le plus naturellement du monde, se rendant finalement à l’évidence.

Tournant la tête, il se retrouva à poser les yeux sur le dos de son complice. En effet, c’est ce que Gyula était devenu en proposant la fuite.

- T’sais que l’pensionnat à surement des caméras dans les couloirs? J’dis ça j’dis rien…

Il évaluait la réaction de son colocataire. Il se doutait bien qu’il n’avait probablement pas réfléchit à ce genre de détails sur le coup. Lui non plus d’ailleurs, mais il était habitué d’y songer immédiatement après. Se voulant toutefois rassurant, il précisa sa pensée sur le champ.

- T’inquiète, j’prendrai l’blâme si on a des ennuis. J’pense pas par contre. Si on en a ça viendra d’elle et pour l’incendie… On entendrait sans doute déjà l’alarme. Une chambre crame pas pour un bout d’papier. Ça flambe trop vite. C’est juste que, j’ai réalisé trop tard qu’sa chambre était p’t’être pas aussi ranger qu’les nôtre d’vaient l’être à l’orphelinat, se défendit-il avec la certitude d’un spécialiste.

Malgré tout, un très petit doute subsistait dans le ton de sa voix et il ne le reteint pas.

- J’espère que rien d’autre à flambé. D’un autre côté…l’idée m’plait bien.
- Elle le mérite! On ne nous tourne pas le dos comme ça!
- Arrête j’sais qu’sa t’plaît qu’elle coupe les ponts.
- Oui, mais pas comme ça!

Ethan constata qu’il comprenait plutôt bien ce que la déesse voulait dire. Elle voulait couper les ponts? C’était son problème à elle! Mais l’ignorer comme ça? Totalement inacceptable! En revanche, il en avait assez d’être en colère, il était épuisé et maintenant qu’il avait confirmation qu’il ne pouvait rien y faire avant de croisé la blondinette. La principale concernée n’étant pas à sa chambre, il se demandait quoi faire de sa peau.

Il roula péniblement sur le côté en s’emmitouflant avec le pied de la douillette, songeant qu’il devrait peut-être aller se coucher dans son propre lit plutôt que de languir dans celui de son colocataire. C’est qu’il allait aussi répandre l’odeur de sueur qu’il avait cumulé d’puis la veille. Il n'avait toutefois pas tellement le goût d'être seul avec ses pensées sous l'eau chaude. C'était tellement le pire moyen de se changer les idées. Peut-être que dormir d'abord serais mieux?

- God qu’j’ai b’soin d’une douche! J’ai oublié mon sac de sport à l’infirmerie, se rappela-t-il avec un long soupir de découragement.

-  T’aurais une serviette propre? J’avais mon nécessaire de toilette à l’intérieur, mais j’vais t’avouer qu’j’ai pas l’goût d’faire le ch’min.

Il avait été tellement aveuglé par la frustration qu’il n’avait même pas songé à agripper son sac en sortant, ne le réalisant que durant leur petite escapade. Il n’avait toutefois pas envie d’aller le chercher et il n’avait jamais investie dans des serviettes de rechange, préférant laver la même jusqu’à l’usure. Il fallait bien couper quelque part après la déco du club d’art.

Au final Gyula était un bon gars, il était prêt à assumer ses erreurs, mais Ethan avait pris sa décision, il ne laisserait pas Gyula se faire punir pour un truc tout con qu’il avait déclenché. Il se garda toutefois de le lui mentionner sachant qu’il riposterait sans doute et se contenta de lui sourire, reconnaissant. Il se contenta plutôt d’écouter son colocataire en souriant d’un air espiègle à certain de ses commentaires sarcastiques et ses boutades de derrière la douillette qui ne laissant à présent entrevoir que ses yeux naturellement expressifs. La plupart de ses commentaires étaient justifiés. Profitant du fait qu’il était au niveau de ses yeux en étant assis au sol, Ethan en profita pour mettre tout de même certaines choses au clair. Y avait-il une part de culpabilité d’avoir agis de impulsivement, possiblement, mais c’est surtout qu’il ne croyait pas vraiment pouvoir être qualifié de pyromane et malgré que Gyula l’affirmât avec humour, il sentait le besoin de réajuster le tir un peu.

-   Et en passant, j’suis pas l’seul à faire ça. C’est vraiment un truc de kids. Enfin on était plusieurs à l’orphelinat. Peut-être que c’est moins fréquent quand t’as deux parents qui t'surveillent. M’enfin c’est un truc super innocent! Juste pour faire ouvrir les portes aux gens qui s’enferment…mais j’suppose que quand t’es rendu plus vieux ça fait moins innocent , ajouta-t-il, se rendant à l’évidence que dans ce cas-ci ça semblait un peu fou.

- J’suis pas « pyromane » , réaffirma-t-il tout de même avec un ton certain.

En revanche son regard l’était moins alors qu’il se rappelait vaguement avoir cramé des voitures dans le West Side durant son adolescence.

- Fine jamais fait pour le plaisir, juste si c’était nécessaire pour faire valoir un point, mais je fais plus.

Ses pommettes se rehaussèrent derrière la couverture alors qu’il ricanait.

- Okay…ma gueule.

Il réalisait totalement ne pas être très convaincant et décida qu’il valait mieux observer les gestes de son colocataire qui répondait à sa requête de produits de bain et de serviette. Encore une fois, un profond sentiment de reconnaissance l’envahissait. C’est qu’il ne se sentait pas particulièrement à l’aise dans cet état et il rêvait déjà sortir de la douche tous frais. Il ferma les yeux quelques secondes tout de même épuisé et pas pressé de se lever. Ce fut le petit coup que Gyula fit contre ses jambes qui l’empêchèrent de devenir trop confortable trop rapidement.

- T’as pas un lit à dégueulasser autre que l’mien ?

Pour toute réponse, Ethan secoua la tête et s’enroula dans les couvertures en défaisant le lit et terminant sa course de façon à être orienté face à son colocataire, sa chevelure s’étalant sur le matelas, quelque mèche tombant sur son visage sans qu’il ne prenne la peine de les repousser. Il prit bien soin d’afficher un regard malin qui laissait deviner un sourire provocateur derrière les draps.

- J’veux pas l’salir , ajouta-t-il avec amusement en l’observant se pencher pour prendre son matériel de douche.

- T’as un problème avec ça? Ta nouvelle fréquentation rouquine déteint sur toi? Tu tiens tant que ça à le ramener dans ton lit? Oh mersi!

Il faisait bien évidemment référence au fait que Gyula lui avait récemment mentionné devoir aller acheter des cactus pour et avec Lawrence Doogood, ce que Shaw ne comprenait pas vu son opinion sur la personne. Il avait toutefois cessé rapidement ses plaisanteries en voyant le jeune homme poser ses effets personnels sur le lit pour lui en l’informant qu’il l’accompagnerait.

- T’es bienvenu, Aph approuve, beaucoup même! ET, pour ton information s’pas comme si j’aimais être malpropre. J’suis dans un état où j’me d’mande si je suis plus épuisé que sale ou si j’ai plus faim que j’suis fatigué. Rough night…Alors pour t’répondre…da j’ai faim.

Le roumain se mit à gigoter légèrement dans son cocon de couverture afin de libérer sa main gauche pour attraper la bouteille que le norvégien lui tendait. Il en prit une bonne rasade, soupirant ensuite de soulagement.

- T’es un ange. J’t’aime dude…, blagua-t-il en lui balançant un regard faussement amoureux.

Son humour avait été totalement irréfléchi et sa blague lui laissa un goût âpre et un bref malaise en se rappelant ce qui avait démarré son conflit avec Aislinn la veille. Il espéra soudainement que Gyula le prenne pour ce que c’était: de l’humour. Peu importe, c’était dit! Par chance il savait que Gyula n’était pas homophobe ça faisait un problème de moins à considérer.

- J’amène des chips!

Se redressant du lit en sautant sur ses pieds, toujours emmitouflé, il sautilla jusqu’à son secteur de chambre. Son état faisait en sorte que cette action lui demanda bien plus d’énergie que prévu vu la fatigue, mais il avait bien l’entendu de conserver la douillette le plus longtemps possible maintenant que Gyula lui avait fait part de son dégoût et il fallait dire que son moral montait en flèche depuis quelques minutes.

- Un véritable enfant, ricana Aphrodite amusée.

Elle comprenait toutefois que c’était sa façon à lui de ne pas prendre la vie trop au sérieux, son enfance ayant étant tout sauf une enfance, elle trouvait plutôt saint ce genre d’agissement qui dédramatisait son véritable état émotionnel. Ainsi, elle se contentait de le lui faire remarquer sans pourtant le rabrouer franchement.

- Rabajoie…

Atteignant son stash de nourriture, il ouvrit son armoire pour y trouver exactement ce qu’il cherchait et uniquement ce qu’il cherchait. Cela le confronta quelques secondes au fait qu’il ne mangeait plus beaucoup ni proprement dernièrement, mais les trois bouteilles de vin de piètre qualité qui lui restait étaient assez révélatrices. Il attrapa une bouteille avant de la redéposer. Drôlement, à cette pensée le goût du vin de la veille semblait ressurgir vaguement et lui donna un petit sentiment de nausée. Il attrapa donc le sac de croustilles nature et ferma la porte avec un air de dégoût. Il balança ensuite le sac sur le lit afin de pouvoir faire son chemin avec plus d’aisance en ayant la main libre. C’était une sage décision quoiqu’ayant peu d’importance puisqu’à mi-chemin vers le lit de son colocataire, Ethan s’empêtra dans la douillette et s’écrasa au sol dans un bruit sourd en riant. Assumant sa défaite, il en profita pour se dérouler lâchement au sol.

- Fine, j’laverai ta douillette à notre retour. Douche?

Il sauta sur ses pieds, attrapa le matériel gracieusement prêté par Gyula ainsi que le sac de chips et posa le tout dans un sac avec sa brosse à dent, la pâte et des vêtements léger, mais propre. Il s’assura qu’il avait son téléphone et donna un petit coup de tête en direction du couloir avant de prendre les devants d’un pas sûr. C’est qu’il avait hâte de sentir cette eau chaude revitalisée son esprit.

L’adonis pénétra dans la salle de bain commune de l’étage pour y constater avec satisfaction qu’il n’y avait personne. Ils auraient la paix. Mircea se dirigea donc vers le banc au centre de la pièce pour y déposer son sac avant prendre sa brosse à dent et de s’orienter vers un des éviers afin de rafraichir son visage et jeter un coup d’œil dans le miroir. Décidément, il n’avait pas l’air particulièrement en forme, mais c’était définitivement mieux que la veille tout était mieux que la veille. Peu importe, il fallait remédier à ça. L’incarnation de la beauté ne pouvait pas se trimballer comme ça non?

- Je n’aurais pu mieux le dire!

Il pouffa de rire avant de « fist bump » son autre poing. C’était devenu une habitude un peu comique qui ressemblait à une autofélicitation, mais qui en fait était un geste de complicité avec la déesse. Il avait rapidement réalisé qu’il trouvait dommage ne pas pouvoir avoir de contact physique avec la déesse. Non pas pour la raison évidente que tout homme le voudrait, mais pour autant qu’il se sentait mentalement connecté, la proximité semblait difficile à imaginer et ressentir. Cela rendait leurs interactions un peu impersonnelles? Était-ce une drôle d’idée? Quoiqu’il en soit il avait naturellement développé cette tendance à traiter son propre corps comme une extension partiel d’Aphrodite et ce, sans trop y réfléchir.

Ethan entreprit de brosser ses dents d’un geste lâche, appréciant déjà la sensation de propreté et surtout l’odeur de menthe qui éliminait lentement celle du vin, de la nuit et sans doute … d’Aislinn. Mircea jeta un coup d’œil à son accompagnateur durant le processus, reconnaissant du son qu’il émettait en préparant des propres effets personnels, le silence total n’étant pas une chose désirée, malgré qu’il appréciât la tranquillité des lieux.

- fJ’t’emmerde avec mes trucs aujourd’hui, mais toi du nouveau? Tfa date avec Doogood? Les cours? Ffreyr? Autres événements palpitants! , demanda-t-il la bouche partiellement obstruée par sa brosse à dents qui rendait les paroles peu distinctes.

Sans doute parce qu’il avait réussi à se calmer depuis le début, Ethan reprenait graduellement ses habitudes de faire comme si de rien n’était, ses problèmes n’étaient plus aussi importants. Tant qu’il ne pensait pas à son propre décès ou à la jolie blonde, tout irait bien. Espérant que la perte de contrôle de ses nerfs ne reste pas un souvenir gravé un peu trop longtemps dans la mémoire de son nouveau pote, il réorientait donc le sujet de discussion vers son colocataire plutôt que lui-même.

À l’écoute des réponses de son colocataire, Ethan sourit légèrement à l’idée que Gyula avait espéré que Doogood sèche les cours. Non seulement ce n’était pas surprenant, il imaginait Lawrence n’avoir jamais brisé une règle de sa vie, mais Ethan lui-même n’aurait jamais manqué un cours d’art par exemple pour aller acheter un cactus. Alors, que le rouquin, marié à ses études et ses livres, ne veuille pas y aller était simplement logique. Le roumain évita toutefois de le mentionner à Gyula qui portait un amour inconditionnel à ses bébés hérissés. Ethan aurait fait pareil pour une exposition d’art ou une manif après tout. Il comprenait.

Il fut toutefois déçu lorsque Gyula affirma n’avoir rien de palpitant qui arrivait dans sa vie, il espérait ne pas devoir mener la conversation. Il savait que tous ceux qui affirmaient n’avoir rien d’intéressant dans leurs vies n’avaient aucune idée de l’intérêt qu’il portait à entendre parler des plus petits détails obscurs de la vie des gens. C’était ce genre de discussion qui faisait en sorte qu’on en apprenait davantage sur quelqu’un. Il ne put toutefois s’empêcher de pouffer de rire lorsqu’il compara sa propre vie à la sienne soi-disant « folle », résultant en la nécessité de cracher la pâte à dent qu’il avait en bouche rapidement, mais décida que ce qui lui passait en tête ne valait pas la peine d’être discuté et préférant entendre Gyula qui semblait vouloir s’ouvrir au sujet de Freyr.

Se penchant et plaçant ses mains en coupelle il rinça sa bouche et en profita pour s’asperger le visage au passage en appréciant la fraicheur de l’eau sur son visage.

Lorsqu’il se redressa, Ethan se retrouva face à une drôle de vision reflétée dans le miroir en face de lui, Gyula qui abandonnait son caleçon pour un costume d’Adam au grand plaisir de la déesse, ce qui arracha un sourire en coin au roumain, amusé par sa réaction. Le plaisir fut toutefois de courte durée comme celui-ci avait agrippé son nécessaire pour la douche et s’était réfugié dans l’une des cabines. Ethan n’en fit pas plus de cas, entre autres parce qu’il était épuisé, mais aussi parce que ce n’était simplement pas un problème pour lui, ni quelque chose d’exceptionnel vu son métier et ses intérêts. Il réalisa néanmoins qu’il en apprenait davantage sur Gyula. Il n’avait jamais réalisé à quel point Gyula était confortable avec lui-même sur ce point malgré qu’ils vécussent dans la même chambre depuis un moment maintenant. Ce n’était pas une attitude standard pour tout le monde après tout. Il haussa les épaules retira ses propres vêtements avant de faire un clin d’œil au miroir ce qui fit glousser Aphrodite de rire. Ethan était en train d’acheter la paix pour la soirée, de s’assurer qu’elle serait d’humeur joyeuse sachant que lorsque la dame était offusquée ou anxieuse, sa propre soirée en prenait un coup. Il fallait la rassurer, elle et Gyu, maintenant que la poussière commençait à retomber.

De l’autre côté de la porte où Gyula s’était réfugié, il entendit sa voix se répercutant sur la céramique de la salle de bain lui demander si ça faisait longtemps qu’il était au pensionnat.

- Pas tant, 1 an. J’suis rentré au cursus universitaire seulement.  

Ethan en profita pour s’observer dans le miroir, flambant nu, avant d’entourer sa taille avec une serviette. C’est qu’il tenait à vérifier que tout était à sa place après la veille, mais plus rien ne laissait savoir qu’il était décédé la veille. La brève vision qu’il avait eu la veille en se réveillant n’était plus là. Sa peau avait repris sa couleur normale, toujours pâle oui, il s’en assurait, mais tout de même pas autant que la veille et son regard n’était plus vide. Il en profita pour tenter d’agripper la peau de son ventre. C’est qu’Aphrodite l’avait mis en garde contre ses récentes mauvaises habitudes et il fallait croire que l’inquiétude avait fait son chemin dans son esprit. Heureusement, elle avait tort! Jusqu’à présent du moins... Ce n’était pas une raison pour ne pas faire d’effort prochainement. Il avait une réputation à maintenir après tout. Enfin…prochainement…pas aujourd’hui. Pendant ce temps, Gyula précisait sa pensée.

- T’as déjà croisé un mec qui fait not’ taille, blond, avec des tatouages?

Ethan pouffa d’rire arrogant, haussant un sourcil.

- Da? T’veux une liste?

Il ignorait s’il l’avait entendu, mais de toute évidence Gyula avait réalisé qu’il n’avait pas été particulièrement précis et précisa qu’il faisait allusion à un jardinier du pensionnat avec qui il avait discuté et « avait l’air cool ». C’était le genre de discussion où Ethan aurait préféré être en face à face. L’introduction du sujet était étrange, sortie de nulle part et il sentait qu’il lui manquait une information et rien ne valait l’expression faciale de quelqu’un pour bien les capter. Il décida de le laisser s’exprimer, et s’empêtrer lui-même, ce qu’il ne tarda pas à faire en changeant de sujet en lui proposant du savon et…des conseils pour ses cheveux. De toute évidence, il regrettait d’en avoir parlé, mais l’adonis n’était pas dupe.

Ethan attrapa quelques effets personnels et pénétra dans la cabine aux côtés de celle de son colocataire. Il accrocha sa serviette et déposa ses effets au sol plutôt que sur le petit banc disposé à cet effet. Puis, il attrapa ce dernier et le bougea de façon à le poser près du mur de la cabine adjacente.

- Je n’aime pas où la discussion s’en va.

Ces simples mots de la part de la déesse en disaient long. C’était un ton analyste qu’il n’entendait pas souvent chez elle, un ton d’expert très sérieux. C’était aussi un reproche, un signe qu’elle trouvait qu’Ethan n’avait pas fait suffisamment d’effort pour obtenir ce qu’elle voulait du norvégien et qu’il le « laissait filer ». Ce dont il n’en avait rien à faire comme il s’était promis de conserver une relation saine avec son colocataire.

Il avait bien remarqué qu’Aphrodite semblait plus sensible à tout ce qui avait attrait à l’intérêt d’une personne pour une autre. C’était d’ailleurs la raison qui l’avait poussé à faire pression pour lui pour se rapprocher du jeune homme. Elle y avait vu une porte ouverte. Il ignorait comment elle faisait comme ses explications étaient toujours très vagues et des « Je le sais c’est tout! », « Intuition féminine! » ou « C’est dans le ton. » n’étaient jamais bien précises. C’est aussi qu’elle conservait la plupart de ses impressions pour elle-même. Ethan, lui, n’aurait osé rien assumer autant de ces simples questions et affirmations concernant le jardinier...mais, de toute façon, il s’en donnerait à cœur joie de taquiner son pote que ce soit fondé ou non.

- Moi j’adore! C’est c’que j’ai b’soin.

- Toi? ME donner des conseils pour mes ch’veux? Naaaaaah!

Il se dirigea sous la pomme de douche et activa la poignée afin d’obtenir une eau froide qu’il accueillit directement sur sa tête et toléra quelques instants, les muscles tendus, en laissant son épaisse chevelure s’imbiber. Il se décida ensuite à ajuster l’eau chaude en laissant échapper un soupir de soulagement et en repoussant sa crinière vers l’arrière. Haussant le ton pour être certain d’être bien entendu à travers l’eau, il se risqua à une hypothèse fictive, le but étant surtout de le faire parler.

- MAIS, tu pourrais p’t’être finir ta pensée sur l’grand blond tatoué! L’pensionnat a plusieurs jardiniers, mais j’ai surtout vu des vieux, alors j’suppose qu’j’ai jamais vraiment porté attention. J’ai un admirateur secret? … j’devrais l’connaître?

Ethan marqua une pause afin d’être plus crédible dans sa réflexion et grimpa sur le petit banc qu’il avait placé un peu plus tôt. Il s’étira par-dessus le mur en tendant le bras vers la tête humide de son colocataire pour aller la tapoter avant de revenir se réfugier derrière le muret, ses doigts agrippés à ce dernier et son seul son regard perçant intensément violacé posé sur le visage de Gyula.

- Oh…maint’nant qu’j’y songe j’me l’suis p’t’être fait une fois…

C’était faux, évidemment, mais il espérait voir dans l’expression de son colocataire ce qu’Aphrodite percevait avec son « intuition » ou un signe d’agacement. Il savait généralement bien lire les gens, mais il n’avait définitivement pas les capacités de la déesse. L’idée qu’avoir ce talent lui plairait bien lui passa en tête, ce qui ne manqua pas d’agacer la déesse. Il comprit alors immédiatement qu’elle faisait allusion à un pouvoir potentiel. Ainsi donc, ce n’était pas « qu’une intuition ». Sachant qu’elle n’était plus aussi forte qu’avant, pouvait-elle se tromper tout de même, pouvait-elle simplement encore deviner ou était-ce sa jalousie qui parlait simplement, de la paranoïa? Un mélange de tout ça n’était pas impossible non plus.

- Tu pourrais peut-être, si tu faisais un réel effort…

La déesse de l’amour était exaspérée qu’il se soit refusé de développer ses pouvoirs jusqu’à présent. C’était un sujet délicat entre eux, mais il avait de nombreuses raisons rejeter l’idée et se décida d’éviter toute pensée supplémentaire sur le sujet. Il devait l’admettre, cette capacité piquait sa curiosité. Il se résolut tout de même à se fier simplement sur sa propre intuition, jamais bien mauvaise quoiqu’imparfaite, et à oublier l’idée d’un pouvoir infaillible. C’était comme ça que tout abus commençait après tout et il y avait un certain plaisir à « ne pas savoir ».

Délogeant l’une de ses mains du mur, il tendit la main, le plus naturellement du monde en quémandant.

- Savon.

Ethan pinça les lèvres pour éviter d’éclater de rire à la face de son colocataire qui était, de toute évidence affecté par ses propos. Il avait bien observé le changement de teinte du visage de Gyula qui démontrait un léger malaise. L’utilisation de ses mots était également assez révélatrice. Et lorsqu’il avait levé la tête vers lui pour lui donner le savon, l’expression de son regard en avait dit long malgré son sourire forcé. Il pouvait percevoir qu’il tentait de processer l’information. Plus mature que lui, sa réaction était toutefois restée raisonnable.

Si Ethan avait vaguement douté de l’hypothèse d’Aphrodite, ce n’était plus le cas. Il se demandait toutefois si c’était sérieux ou une simple curiosité? Une chose certaine Gyu avait un crush et Ethan venait de lui fendre le cœur, ce que la déesse lui reprocha. Son amusement était toutefois palpable. C’est que la coquine aimait ce genre d’histoires et sans doute considérait-elle cette brève, mais douloureuse expérience, conséquence suffisante face au désintérêt du Norvégien pour sa propre créature.

- Si tu savais ce que je sais, tu ne jouerais pas avec lui comme ça! C’est cruel.
- Oh, c’mon Aph! Toi, tu m’reproches de faire d’la manipulation? Tu trouves ça marrant aussi! Et t’as raison. J’sais pas s’que tu sais, alors j’peux m’le permettre, répondit le garçon en balayant les propos de la déesse de l’amour.

Il n’avait toutefois pas l’intention de jouer avec les émotions de son colocataire plus longtemps. Enfin, pas de cette façon… mais les taquineries seraient inévitables.

- Oh! So sweet! Ta considération m’touche. Ça m’dérange pas du tout. T’es un grand garçon. T’as passé l’âge de m’demander la permission d’être « ami » avec qui tu veux. Et j’pense qu’il va vraiment s’foutre du fait que j’suis ton coloc. Enfin… jusqu’à ce qu’il pose les yeux sur moi. Alors là, j’serai probablement une menace. J’fais s’t’effet-là parfois. On saura quand tu m’le présenteras parce que, plus franchement, j’sais pas d’qui tu parles. , lui révéla-t-il.

Le regard perçant d’Ethan scruta le visage de Gyula à la recherche d’un signe d’apaisement ou de frustration. À son air victorieux, parce qu’il avait obtenu une simili réponse silencieuse à ses doutes, s’ajouta lentement un brin de compassion. C’est qu’il avait une bonne idée de l’émotion qu’il venait d’imposer à Gyula. Il secoua doucement la tête en signe de faux reproches avant de sauter en bas du petit banc pour retourner sous le jet de la douche pour se réchauffer. Il retourna sous le jet de la douche en haussant le ton pour se faire entendre.

- Alors, jalousie huh? Vilaine émotion… qui en dit long! Dois-je assumer qu’Aph à raison? , demanda-t-il sur un ton doucereux.

Il marqua une pause, s’éloigna du jet pour se savonner de la tête aux pieds, tapota ses muscles abdominaux d’un air satisfait avant de retourner sous l’eau. La sensation de fraicheur et la bonne odeur avait quelque chose de relaxant. Il en profita grandement en se rinçant, prenant une grande inspiration.

- Ton crush à un p’tit nom? Si tu m’demande d’être ami avec tu dois pas l’connaître tant qu’ça, j’me trompe? C’est genre un crush sérieux ou plus comme un intérêt? Ou genre…un fantasme dans le genre : beau mec bronzé par le soleil travaillant torse nu et musclé prenant soin d’ton… cactus. Tu sais, l’genre qui met du piquant dans ta vie.

Son rire bête était révélateur de son état d’esprit fatigué, mais amusé. Il se trouvait très drôle. Il repoussa sa chevelure vers l’arrière, les lissant sur sa tête, et essuya son visage d’une main pour retirer l’eau qui y perlait.

Il se demandait bien comment le jardinier en herbe avait rencontré le mec. On parlait d’un membre du personnel de l’école. Il n’avait, lui-même jamais vraiment pris la peine de leur porter attention à moins d’avoir à faire à eux sauf quelques exceptions. En y songeant, Gyula était peut-être dans le club de Botanique et les jardiniers devaient bien faire un tour dans la serre de temps en temps. Un mentor peut-être? Ethan tenta de se remémorer des discussions précédentes dans lesquelles il aurait pu le mentionner, mais rien ne lui vint à l’esprit.

Quoiqu’il en soit, il allait devoir aller jeter un coup d’œil au mec, ne serait-ce que pour se foutre de la gueule de Gyu ou approuver son choix. Aphrodite y tiendrait de toute façon que ce soit pour être au courant de toute l’histoire et encourager Ethan à jouer les matchmakers, il le sentait, ou à l’inverse s’assurer de ruiner la relation. C’était tout ou rien! Bien sûr, Ethan préférait rester en marge de celle-ci. Gyula pouvait bien faire ce qu’il voulait, tant qu’il pouvait l’embarrasser. C’est bien ce que faisaient les amis, non? C’était toutefois la première fois qu’il sentait Aphrodite investie dans une relation externe aux siennes, sans doute parce qu’il n’était pas particulièrement entouré de nouveaux couples potentiels. Cela devait être stimulant pour elle. Cela promettait donc d’être très intéressant ou particulièrement agaçant.

C’est en pensant à la position de sa propre divinité sur le sujet qu’il réalisa un détail qu’il n’avait jamais pris la peine de considérer chez Gyula.

- C’est Freyr qui doit être content!

Il tenta de contenir son rire goguenard avec une efficacité médiocre. En effet, Gyula n’avait jamais affirmé être intéressé par les hommes, simplement laisser sous-entendre qu’il n’était pas homophobe et que sa divinité passait parfois des commentaires qui laissaient à désirer sur le sujet. Pas que ça ne changeait quoique ce soit en fait, mais encore une fois, il apprenait à connaître son colocataire. C’était aussi une raison de plus pour lui donner sa fameuse sculpture phallique pour accomplir ses « rituels pour sa divinité ». Il allait d’ailleurs devoir s’y remettre, se demandant toutefois comment avoir la motivation de nouveau pour créer. C’était tristement le seul projet créatif qu’il avait en court. Si on pouvait appeler ça « créatif ». C’était pour l’humour simplement, mais c’est que son humeur des derniers temps ne l’aidait pas à être inspiré ou simplement à s’impliquer dans quoi que ce soit. Les événements de la nuit dernière n’aideraient sans doute pas, mais peut-être que cette conversation lui donnerait au moins le courage d’avancer le projet. C’était toujours mieux que de déprimer sur le tapis de l’atelier.

Une chose certaine, Ethan appréciait grandement la compagnie de Gyula. Pour lui changer les idées, il lui changeait les idées! Il prit note d’ajouter Gyu à ses contacts en cas d’urgence. Peu importe ce qui lui arriverait de toute façon, du support moral était toujours bienvenu et Ethan n’ayant pas vraiment de famille, ses contacts d’urgence avaient toujours été des amis ou connaissances impliqués dans sa vie d’une façon ou d’une autre.

Ethan avait réalisé que Gyula n’était pas particulièrement enchanté du petit tour qu’il lui avait jouée, d’autant plus qu’il niait toujours son intérêt pour le jardinier en question, affirmant qu’Aphrodite avait tord et allant jusqu’à passer son bras au-dessus du mur à son tour pour lui imposer une petite tape en lui demandant de se sortir ça de la tête.

Par réflexe Ethan se tourna légèrement en direction du mur opposé avant de jeter un regard offusqué par-dessus son épaule en direction du mur où Gyula s’était trouvé quelques secondes auparavant. Celui-ci ayant disparu un petit sourire amusé était apparu sur ses lèvres devant le déni de son ami et sa réponse au fait que Freyr n’était pas particulièrement heureux de la situation, ce qui, une fois de plus laissait sous-entendre qu’il y avait plus sous cette histoire. Après la divinité semblait homophobe, qu’il y ait quelque chose de légèrement ambivalent entre son possédé et l’autre blond ou non devait le rendre anxieux.

- Peut-être que les pouvoirs d’Aphrodite ne sont plus c’qu’ils étaient, comme tous les autres. J’te laisse le bénéfice du doute.

Il était visible que le roumain doutait de ses propres propos et ceux que Gyula enchaîna n’avaient rien pour lui faire changer d’idée. Il faisait tout de même un effort pour rendre Gyula de nouveau plus confortable, mais pas trop tout de même.

Aphrodite de son côté n’aimait pas du tout le doute qu’Ethan avait émis à l’idée qu’elle puisse se tromper, mais se tu, comprenant qu’il tentait d’amadouer le beau jeune homme. Elle sentit toutefois le besoin de spécifier à Ethan qu’il était visiblement attiré par les traits du garçon. Ce à quoi il acquiesça évidemment. Il nota au passage qu’il avait bien mentionné que ses yeux étaient bien plus beaux, ce qui le fit rougir, flatté.

Cela avait toutefois été de courte durée puisqu’il s’était reconcentré sur la discussion en décortiquant l’utilisation de ses mots et leurs sens. Il le trouvait beau, mais apparemment le blondinet avait surtout été l’une des premières personnes qu’il avait rencontrées et avec qui il avait pu discuter de la possession. Ethan pouvait comprendre, il se rappela avoir rencontré Alistair et Aelter le lendemain de sa possession et cela avait été un peu un genre de soulagement. Il avait d’ailleurs perçu le premier comme un p’tit frère. God qu’il lui manquait de haleurs…

Alors qu’il savonnait son torse sans vraiment porter attention à ses gestes inutilement répétés, ses pensées furent interrompues par le son de la voix de Gyula qui était de nouveau plus clair et provenant du haut du mur d’où il lui tendait le shampoing. Il tendit la main pour attraper la bouteille. Un sourcil levé en signe d’irritation, il se retourna de nouveau dos au jeune homme en lui faisant un geste pour qu’il déguerpisse, mais celui-ci, sans doute trop occuper par sa discussion sembla ignorer le geste.

De toute façon, lorsque Gyula prononça les mots « L’pire c’est quand on s’est enlacé ! », Ethan n’était plus préoccupé par le fait d’être observé et pouffa simplement d’rire en murmurant le mot « crush » entre ses lèvres. Le norvégien s’était empressé de rectifier ses propos sans trop de succès. Le mal était fait.

-   Tu vois?! C’est ce que je te disais! , ajouta Aphrodite avec véhémence.

- Tu m’fais pas d’calin quand on s’dit au r’voir! J’pensais qu’on s’entendait bien toi et moi , lui balança-t-il d’un ton faussement accusateur.

-   S’il peut commencer à t’en faire pour prouver son point je te félicite cher! , ricana Aphrodite.

Ethan vit que Gyula descendait enfin de sa marche improvisée avec satisfaction.

- C’était pas plutôt pour voir jusqu’où descend son tatouage? le taquina-t-il.
- Il a quoi d’ailleurs comme tatouage, tu sais? T’as pu « deviner »?

Ethan porta son regard sur la bouteille de shampoing, intéressé par la qualité du produit. Il ouvrit la bouteille et la sentie avant de commenter.

- Oh? R’garde ça! Quelqu’un a fait ses r’cherches. J’t’ai sous-estimé. Respect.

Gyula avait en effet fait ses recherches de produits. Il reconnaissait là un produit de qualité qui hydraterait bien et ne contenait pas d’ingrédients indésirables. Plus que content, il en versa un petit peu dans sa main, n’abusant pas, car il connaissait fort bien la valeur du produit en question. Il fit mousser le tout dans sa longue chevelure, prenant bien soin de masser son crâne au passage, profitant de la sensation agréable en fermant les yeux un instant. Il constata que le geste l’endormait un peu. Avec chance, il arriverait à trouver la même fatigue une fois de retour dans la chambre.
Il entendit Gyula se déplacer à l’extérieur de sa cabine et décida d’accélérer le rythme pour ne pas être abandonné à sa douche et ne jamais obtenir la fin de cette conversation. Il rinça donc sa tête généreusement avant de repousser sa crinière vers l’arrière, essuyer l’eau qui perlait sur son visage et de fermer le robinet.

- Alors…même les jardiniers peuvent être possédés…bon à savoir! J’pensais qu’c’était réservé aux « gens importants », genre les profs. Il a qui?

Ethan tordit essora ses cheveux avant de les repousser de nouveau vers l’arrière, se sécha avec sa serviette, puis l’enroula autour de sa taille avant de sortir de la cabine, préférant sécher entièrement avant de se vêtir. Il se dirigea plutôt vers ses effets personnels pour y prendre son rasoir et quelques pots de crèmes, son après-rasage et son eau de Cologne. Cette fois, ce fut Aphrodite qui fut soulagée. Enfin, il prenait un moment pour prendre soin de lui-même. C’est que sa barbe naissante, bien qu’elle lui allât bien, ajoutait grandement à son look pouilleux des derniers jours. Un petit rafraichissement lui ferait le plus grand bien.

Ethan s’était dirigé vers un évier pour faire face à l’un des miroirs, y déposant sa panoplie de pots et produits divers. Il ouvrit son premier et en profita pour exfolier son visage, puis rincer rapidement.

Il avait hésité à quémander des câlins à Gyula qui lui avait fait savoir qu’il devrait le demander, ne serait-ce que pour le plaisir de le voir camoufler son intérêt pour le blondinet, il avait finalement décidé de laisser tomber la chose, le sujet étant devenu bien plus intéressant au fur et à mesure que le norvégien parlait. Entre autres, Gyula n’avait pas vu le tatouage en entièreté à l’exception de flammes bleues, ce qui indiquait que le fameux câlin ne s’était pas terminé complètement à poils, mais il connaissait en revanche l’identité du possesseur du jardinier, aspect assez intime de tout immortalien. Il y avait donc une certaine proximité ou confiance établie entre les deux.

Aphrodite avait d’ailleurs redoublé d’intérêt envers le sujet depuis que Gyula avait mentionné Artémis, une divinité grecque. Immédiatement, elle s’était mise à insister pour qu’Ethan se mêle de cette histoire avec un peu plus d’ardeur.

Le roumain appliqua son déodorant, suivi de sa crème à rasage en tentant de se concentrer à la fois sur son colocataire physique et mental, ce qu’il réalisa, n’était pas une mince tâche en se rasant. Il avait donc simplement hoché la tête en réponse à Gyula qui émettait une hypothèse sur la possession du personnel. Son visage, livre ouvert qu’il était, devait clairement exprimer que sa tête était ailleurs, divisé entre ces deux conversations, mais il savait que Gyula comprendrait.

- Oh, elle.
- Une amie à toi?
- Nah, je la soupçonne d’être mêlée au meurtre d’Adonis…et autrement c’est plutôt comme un caillou dans ma chaussure, comme la plupart de ses suivants. Un peu comme Hestia à s’obstiner à préserver sa virginité. J’ai essayé de lui trouver un match et elle n’en a rien à faire.
- Oh…résistante à tes charmes, j’vois.
- J’avais failli réussir en fait. Un ami chasseur à elle, Orion, mais il a fallu qu’Apollon s’en mêle.
- Hestia fait la même chose, mais j’sens pas la même animosité avec elle. J’suppose que c’est pour Adonis, mais au fond tu as des preuves? C’était pas Arès?
- Les deux réclament ce succès.
- Qui voudrait s’vanter de ça? What the fuck! Foutus dieux grecs…Alors laisse-moi d’viner… On est en mission de vengeance-là?

Il se doutait bien que seule sa résistance à l’amour n’aurait pas créé un tel effet, mais il pouvait comprendre la frustration pour la perte d’Adonis. Il savait que c’était un sujet délicat et connaissance les tendances vengeresses d’Aphrodite, il redoutait un peu le reste de la conversation. Il n’allait toutefois pas y mettre fin, la déesse en ayant décidément lourd sur le cœur. L’écouter était la moindre des choses.

- Hmmm, si on peut lui imposer Gyula, je vais le considérer comme une victoire personnelle, faute de pouvoir faire mieux sans mes pouvoirs.
- Gyula s’est imposé seul, j’crois.
- C’est Diane, elle ne le laissera pas l’approcher si elle le considère comme une extension de son corps.
- Mouais, mais nous c’est spécial, j’crois…J’ai pas l’impression qu’tous l’monde voient les chose d’la même façon…et il lui a déjà fait un câlin.
- Ouais, et ça devait l’enrager , ricana-t-elle sur un ton extrêmement vindicatif.
- Bon, tu as raison! Ce n’est peut-être pas suffisant… C’est décidé alors! Tu te le fais! Sois violent!
- HEY WOAH! C’est le crush de Gyu! J’vais pas lui faire ça! En plus, j’ai aucune idée de ce que l’mec à l’air ou qui c’est.

Surpris, Mircea avait fait un faux mouvement avec son rasoir, se coupant légèrement la mâchoire. Il crispa des dents un moment, davantage irrité par ce lamentable échec que ressentant la douleur.

- J’pensais qu’t’étais pour une première fois « saine ». Elle est vierge tu disais non?

- Elle ne le mérite pas et lui ne l’est peut-être pas. Ce n’est pas « vraiment » elle. En plus, si tu as le culot de tuer la plus belle créature dans ce monde, une expérience traumatisante est la moindre des choses qu’elle mérite.

Il écarquilla les yeux, déconcerté par la violence de ses propos. Rien de nouveau, mais le tout avait pris l’une de ces tournures.

- Plus belle créature étant Adonis…right. T’sais quoi? On d’vrait trouver une autre méthode qui sonne pas comme un viol.
- Ce n’en est pas un. Tu le charmes lui, c’est tout! On s’en fou d’elle!
- « Ah bah… da! Si simple! »
- OUI! C’est ton boulot après tout!

Elle n’avait pas tort, et toujours pas compris qu’il essayait de s’en détacher de se boulot, mais c’était définitivement le temps de cesser la discussion. Ethan avait noté sa contradiction alors qu’elle avait d’abord parlé d’eux comme un tout, puis fait la distinction entre les deux entités afin de justifier ses actions. Cela amenait une foule de questions dont il n’avait aucune intention d’éclaircir aujourd’hui. Devait-on, par exemple, considérer les différents matchs divinité/étudiant comme un tout ou non? Peu importe! Pour le moment, il savait qu’il était sage de ne pas l’antagoniser. Elle savait sans doute le fond de sa pensée et ses réflexions, inutile de lui mentionner des incohérences dans son discours.

Au loin il entendait le son du sac du sac de chips que Gyula ouvrait et le remercia mentalement pour la distraction. Il rinça son rasoir et le déposa sur la bordure de l’évier.

- T’en veux ?
- DA! Mersi!, s’exclama-t-il en attrapant la chip que Gyula lui tendait du bout des doigts et l’avalant rapidement en prenant bien soin de ne pas toucher le restant de crème qui restait visible sur sa peau.

Soulagé de fuir la conversation grâce au son de la chips qui se répercutait dans les os de sa mâchoire au fur et à mesure qu’il la croquait, il profita du moment pour rincer son visage et évaluer les dégâts de son petit accro. Rien de dramatique, il devrait toutefois prendre garde avec son après-rasage qu’il s’activa à appliquer avant de s’arrêter un moment et pousser un profond soupir en observant son reflet dans le miroir, puis celui de Gyula qui se trouvait un peu plus loin derrière et venait de s’adresser à lui.

- Da, beaucoup mieux! J’suis juste crevé, mais t’as un talent fou pour changer les idées, et pas que les miennes apparemment. M’enfin…j’sais pas..

C’était vrai, il lui avait changé les idées, mais le fait de se poser un peu lui faisait réaliser que cette sensation d’avoir un poids sur le cœur était toujours présente, la fatigue également et même que l’anxiété que vivait Aphrodite à l’idée de rencontrer Artémis de nouveau lui avait été transmise. Il hésitait à trop se confier à son colocataire. Il était plus solide que ça après tout, et il l’avait vu dans un sale état déjà. Ce serait difficile de le lui faire oublier. Il fallait se concentrer sur l’important, pas leurs problèmes, mais des trucs positifs, comme l’intérêt tout à fait sain de Gyula portait pour son jardinier.

Il laissa sa main flotter par-dessus ses pots de produits cosmétiques durant un court moment, à la recherche de sa crème hydratante qu’il finit par attraper avant de se retourner vers son interlocuteur. Il s’appuya nonchalamment sur l’évier, ouvrit le pot, déposa le couvercle sur le comptoir et y trempa son doigt avant d’apposer quelques petits spots aux endroits stratégiques requis. Il était clair, que son rituel était une habitude, il n’avait pas besoin du miroir et poursuivait la discussion en faisant de petites rotations en allant du bas vers le haut du visage afin de bien tout faire pénétrer.

- …j’ai une impression d’lourdeur qui veut pas partir, mais c’est normal. Ça ira mieux quand elle reviendra s’expliquer.

C’était sorti tout seul, malgré sa volonté de mettre fin à ses propos. Drôlement, il s’était senti à l’aise de l’avouer à Gyula. Il comptait toutefois sur le fait qu’Aislinn reviendrait pour s’excuser ou s’expliquer ou qu’il obtiendrait des réponses d’une façon ou d’une autre. L’idée lui donnait la légitimité de ne pas s’attarder sur le sujet comme c’était un problème passager, qui se réglerait seul. N’est-ce pas? Cela rendait son sentiment beaucoup moins important.

- En attendant…

Son ton mielleux aurait dû avertir le norvégien sur le retour de son nouveau sujet préféré.

- Tu comptes faire quoi avec ton jardinier. Tu compte m'le présenter?

- Un peu rapide en affaire Mircea? L’idée ne te vient pas en tête qu’il ne veut peut-être pas qu’on le rencontre? Surtout après ta petite blague un peu plus tôt!
- Évidemment, mais est-ce vraiment une option?
- Naaaah
- Naaaah

D’une même voix mentale, la divinité et son possédé s’étaient prononcés d’un commun accord. Cette complicité faisant comme un baume sur toutes les autres blessures émotionnelles de la journée.

Si les dents blanches d’Ethan avaient pu illuminer la pièce à ce moment, Gyula aurait été aveuglé. Le large sourire goguenard du garçon les laissait toutes paraître alors qu’il quittait son poste pour s’approcher de sa victime en trempant le bout de trois doigts dans son pot de crème.

- Ce serait dommage de jamais savoir d’qui tu parles, ajouta-t-il en lui déposant trois petits spots de crème hydratante sur le nez et les deux pommettes en un geste vif de ses doigts disposé comme une patte de rapace.

Ethan avait tiré la langue, son visage se tordant en une expression taquine avant de retourne vers l’évier pour rincer ses mains et chercher une crème antiride pour les yeux, l’appliquant à son tour avant d’attraper son cache cerne. Il hésita, puis secoua la tête pour lui-même, ayant déterminer qu’il n’utiliserait que le cache cerne qu’après avoir dormi selon les besoins. Il jeta ensuite un coup d’œil à sa personne, s’observant dans le miroir en rangeant son matériel et se rinçant les mains à nouveau. Il attrapa enfin son eau de Cologne pour s’en asperger légèrement.

- Good enough…

Il se retourna vers Gyula en s’appuyant sur l’évier et observant son colocataire se débarrasser de la crème qu’il lui avait imposé tout en refusant la demande d’Ethan de rencontrer Ashton.

Ce dernier lui balança d’ailleurs un air piteux exagéré en espérant le faire changer d’avis, sans trop de succès.

- J’vais pas lui dire n’importe quoi! J’vais juste voir si c’est un total dick et agir en conséquence. C’est pour ton bien! Et s’il est cool, j’peux t’mettre en valeur aussi.

Il poussa un profond soupir, un mince sourire affiché à l’intention de son interlocuteur.

- En fait, j’comprends pas pourquoi tu fonce pas. Être l’ami d’un mec n’est pas si difficile. Impose-toi! Ça fait des miracles. La plupart des gens savent pas comment réagir et juste…roll with it! Et puis, après dans son cercle social « si » tu veux plus… C’est encore plus simple!

De toute évidence, Gyula n’avouerait jamais qu’il s’agissait d’un crush, mais toute cette retenue pour être « son pote » semblait laisser croire le contraire. Peu importe, il attendrait d’avoir plus de nouvelles avant de s’emporter.

Il se dirigea vers le banc pour y attraper quelques chips qu’il engouffra en fermant les yeux, s’en délectant. Maintenant qu’il se sentait plus frais, manger et dormir semblaient être la meilleure des choses à faire.

- Oh tu sais ce sentiment quand t’as rien mangé d’puis des jours et tu mets enfin la main sur un truc cheap à manger et c’est genre un resto 5 étoiles pour toi. J’ai ça en s’moment. Meilleures chips que j’ai jamais mangées!

Il secoua la main en l’air chassant son propre commentaire en réalisant que Gyula n’avait peut-être jamais manqué de rien. En fait, même Aphrodite ne pouvait pas s’y identifier, la demoiselle ayant toujours été traitée comme une déesse, il en était certain. Il avait simplement cherché à partager le fait qu’il appréciait ces chips plus qu’en temps normal et c’était le comparatif qui lui était venu à l’esprit.

Il essuya le sel et le gras sur sa serviette avant de se diriger vers ses vêtements, enfilant son pantalon, sans remettre ses vieux sous-vêtements. N’ayant pas apporté de vêtement de rechange, il avait surtout prévu se revêtir le même pantalon le temps de retourner à la chambre et s’en redébarrasser du tout pour dormir. Il s’assura donc d’avoir tout son matériel, puis se redressa pour se retrouver face à Gyula qui venait de s’approcher de lui en l’observant. Il tenta d’abord de lire son regard en plissant des yeux, incertain de la suite et attendant qu’il ne se prononce. Au lieu de cela, le norvégien l’enlaça, ce qui le fit éclater de rire alors qu’il s’abandonnait à ce câlin inattendu, mais apprécié. Il en profita même pour répliquer le geste et en abuser en allant loger sa tête sur son épaule l’espace d’un moment et abusant du privilège pour y déposer un baisé en chuchotant: « S’pour Freyr…et un p’tit peu Aph…j’pouvais pas laisser passer l’opportunité.» . Il ricana doucement avant de reprendre son sérieux.

- On verra pour la bière. L’offre m’intéresse, mais si j’m’endors j’pense pas m’réveiller à temps. J’suis crevé, j’pourrais m’endormir sur ton épaule, direct. Aussi, j’pense pas qu’parler d’elle soit une bonne idée. Ça va passer d’toute façon.

Sachant le problème de la main, il releva la tête pour observer son colocataire. Il avait surtout le sentiment qu’il avait déjà trop parlé. Être seul ne lui tentait pas, mais c’était la bonne chose ça faire pour sa dignité.

- J’vais juste dormir, mais merci d’l’offre.

Comme pour appuyer ses propos, il ne put s’empêcher de pousser un long bâillement qu’il tenta au minimum de camoufler de son avant-bras alors qu’il se libérait de l’étreinte de Gyula. Ce dernier le donna une tape amicale sur l’épaule à laquelle il répondit avec un regard reconnaissant et une tape similaire sur son bras. Il tourna ensuite les talons pour aller placer et brosser sa longue chevelure rapidement, plaçant sa tête sous le séchoir à main question de ne pas avoir une allure complètement moche à son réveil. Regrettant légèrement l’idée de refuser une sortie avec Gyula, il chercha rapidement une alternative tout aussi intéressante et décida de lui en faire part en criant par-dessus le son du séchoir.

- Fine… peut-être pas aujourd’hui, mais on pourra y aller dans les prochains jours. Aussi, tu te rappel que tu m’as dit vouloir aller à une rave un jour. Le copain d’une de mes potes en organise un en fin juillet. C’est encore loin, mais il est en pleine organisation et j’l’aide. Si ça t’intéresse j’t’y traine? On d’vrait avoir droit au open bar en échange d’mes services. Réserve le 21-22 juillet. C’est un weekend, j’assume que tu voudras rien faire le lendemain alors réserve les deux jours. T’en penses quoi? Tu peux amener un « ami » si tu veux.

La tête toujours penchée vers le bas, il s’orienta de manière à voir son coloc et de s’assurer qu’il voit son sourire espiègle en retour.

- Tu pourrais aussi le garder pour toi.

- C’est pas l’but et j’pensais voir si d’autres voudraient venir. Peut-être Eireen. Ce serait tordant de l’y voir. Quoique je doute de son intérêt pour ce genre de fête, mais elle avait toléré Pâques. J’pourrais voir si des gens du club voudraient venir. Ou si Eireen vient, elle voudra peut-être invité Gwen…ce serait awkward, mais plus on est de fou plus on rit! Elle doit savoir comment faire le party par contre!

Après quelques minutes à passer ses doigts dans ses cheveux pour tout bien faire aérer, il décida que ce serait suffisant, se redressa en rejeta son épaisse crinière vers l’arrière avant de peigner le tout de nouveau de manière à conserver son volume sans avoir l’air trop échevelé.

Le large sourire satisfait d’Ethan en disait long était fier de la réponse de Gyula et s’imaginait déjà sortir avec son bro, sans drama, simplement du plaisir. Ses pensées furent toutefois interrompues par les actions de ce dernier. Il avait été d’abord surpris de voir Gyula s’approcher avec un pansement pour couvrir sa petite blessure, mais le fut davantage confus par le baiser de Gyula. Il l’observa d’un air interrogateur, puis, graduellement, un sourire amusé apparut sur ses lèvres.

- J’ai quel âge dans ta tête? 5 ans?

Il lui tira la langue pour le taquiner. Il avait eu l’image de l’une des sœurs à l’orphelinat qui avait toujours eu ce réflexe de donner un baisé sur les blessures des enfants les plus jeunes.

- Tu vois, ce serait facile. Tu es un bien meilleur choix que son jardinier de toute façon, j’en suis certaine.
- Non, mais tu vas donner d’faux espoir à Aph… Please don’t. , ricana-t-il.

Sa demande avait du vrai bien qu’il le mentionnât avec humour, mais il tenta de reprendre ses esprits et s’efforça d’éviter d’en faire trop pour une fois. Parce qu’en effet, sa première idée avait été de l’attraper par le visage et lui remettre la pareille sur les lèvres. Revanche simple dont Ethan aurait été bien capable s’il n’était pas aussi crevé et ne tentait pas d’éviter plus de drama avec sa déesse.

- T’inquiètes pour la rave. Si c’est que toi et moi on aura du plaisir aussi j’en suis certain. Je proposais juste, si tu voulais amener quelqu’un d’autre. Et, da, c’est gratuit…bah enfin l’entrée et l’alcool pour moi et mes accompagnateurs, après, peut-être pas pour tous le monde si on amène une armée, mais toi et moi au minimum. Aussi, si tu veux des extras tu t’arranges avec les dealers sur place, mais j’connais des gens. J’arrangerai quelque chose si j’peux.

Les sourcils froncés, le roumain avait définitivement la tête ailleurs, réfléchissant à quoi porter comme Gyula l’avait demandé

- Eh bah…je dirais la plupart des gens dans les raves vont porter des trucs fluorescent sous les blacklight et c’est toujours approprié, mais c’est plutôt une soirée de Dark electro. My people, tu vois?,
-
Il faisait allusion bien évidemment allusion à son look personnel, aux types de gens avec qui il se tenait principalement.

- Du coup, la plupart portent du punk et gothic et tous leurs dérivés en fait, ou juste généralement foncé. Mais le DJ est plutôt du genre Hip Hop normalement et electro. Mon conseil est…peu importe le style…met un truc confortable pour toi qui te rend confident, on est à Galway, c’est pas l’plus gros événement ever, quoique c’est très respectable pour la ville. Enfin, il y aura toute sorte de gens. Beaucoup d’étudiants de l’université de Galway. Ça lieu dans une vielle usine en bordure de ville et près des champs pour éviter de déranger. On avait songé à l’un des clubs au centre-ville comme la plupart sont déjà équipés, mais l’usine accueil un plus grand nombre de personnes et fait u peu plus trash. Et yep, j’aide souvent. J’ai comme une réputation de quelqu’un qui sait faire la fête, mais aussi qui sait comment travailler dans ces conditions. En plus, ils savent qu’ils peuvent généralement compter sur moi comme barman comme bah…s’tait second boulot jusqu’à récemment, et j’m’y applique… mais cette fois ils ont décidé qu’non.

À ces mots, Ethan roula des yeux, de toute évidence irrités par la situation.

- Reste qu’ils apprécient l’aide pour le montage de l’équipement et des propositions de pièces musicales. Alors, on m’a invité à participer, mais pas comme « employé ». En fait, c’est une fille qui était à l’orphelinat avec moi, et qui s’en est mieux tiré, disons, mais elle se tient encore avec des gens peu recommandables, genre son imbécile de mec, qui est le DJ. Un douche…Pour être franc j’ai accepté d’aider pour elle parce que ça lui tient à cœur et j’ai des contacts pour l’équipement, mais j’ai fait le strict minimum.

Il soupira.

- Bref, elle aurait été et est toujours d’accord pour m’avoir, mais lui est pas chaud à l’idée et donc elle s’occupera du bar pour cette fois. Apparemment, j’suis « instable » et il veut éviter les problèmes. Moi j’pense qu’il est jaloux et aime pas ma présence autour de sa copine, mais c’est pas comme ça avec elle.

Il retourna vers ses effets personnels en jouant dans sa chevelure à présent très douce, et en haussant les épaules. Ce n’était pas comme s’il pouvait y faire grand-chose, ce n’était pas son événement. Aphrodite, quant à elle, riait sachant que ne pas l’engager, mais accepter sa présence avait été une erreur. Son possédé avait toujours été extrêmement professionnel, mais lui retirer cette responsabilité et l’avoir dans une telle fête eut tendance à le rendre justement irresponsable malgré tout ce qu’il pensait. C’était bien plus risqué de l’avoir sans chaîne dans les lieux.

Ethan s’affaira à terminer de ranger ses effets personnels en silence et agripper quelques croustilles au passage. Il tenta de songer à s’il avait oublié quoique ce soit et détermina que non. De toute façon il allait dormir. Prêt à quitter les lieux, il se retourna vers son interlocuteur.

- J’ai fini.

Il attendit que Gyula ait terminé de ramasser ses propres effets personnels avant de se diriger vers la porte. Une fois dans le couloir, Ethan se décida à poser une question qui lui avait trotté en tête depuis un p’tit moment.

- Il s’est passé quoi à Dublin pour qu’t’ais du mal à manger? J’ai t’jours pensé qu’ta famille était assez confortable. Genre en Inde, j’dis pas, mais même là ta famille à les moyens de s’organiser pour que vous soyez abreuvée correctement.

En effet, pour lui ça ne faisait pas de sens à moins que ses parents lui aient refusé de l’aide et en termes de parents irresponsables, il avait lui-même connu le summum. Il était donc assez curieux de la situation familiale de son colocataire et déjà prêt à chialer en sa faveur. Il détestait par-dessus tout ces histoires de parents qui finissaient par abandonner leurs responsabilités.