La cloche avait sonné. Tous étaient sortis, sauf une. Une, seule et unique : la dernière jeune fille, celle qui regardait le vide. Perdue dans ses pensées, elle n'avait pas entendu la cloche sonner, et ses membres lui semblaient trop engourdis pour poursuivre ses camarades, déjà partis. Elle rangeait donc ses affaires tranquillement, comme si elle attendait quelque chose.
Quelque chose de beau, un rêve, une fantaisie, ou une ambition non poursuivie. Car, après tout, Roxane avait passé sa vie à attendre. Trop timide pour faire le premier pas, elle n'allait jamais voir les autres, faisant tout pour être oubliée. C'était une spectatrice, une admiratrice. Trop lâche, trop craintive, elle n'osait se placer sur le premier plan. Et, souvent trop pensive, elle avait du mal à agir à temps.
Mais la possession l'avait changée. Quelque chose était né en elle. Une forme de volonté, venue s'ajouter à elle. Pour la première fois de sa vie, elle obtenait quelque chose. Et, pour la première fois de sa vie, elle songeait à le saisir.
Ainsi, une fois son sac fait, Roxane se leva, et sortit de la salle. Elle ne courait après personne, mais contemplait l'ombre d'elle-même. Chaque pas qu'elle faisait l'ancrait dans son éternelle réflexion.

« Que vais-je faire, maintenant ?  Ou du moins, qu'allons-nous faire ? », se répétait l'adolescente.

Puisqu'elle était possédée. Elle allait devenir quelqu'un. Elle allait être importante. Oh, comme cela la terrifiait ! Devra-t-elle quitter sa vie calme ? Ses livres de botanique ? Oh, quelle gêne l'emplissait... Maintenant habitée, elle se sentait perturbée, violée. C'était bien étrange. Trop étrange.
Ainsi, la jeune fille demeurait simple, toujours aussi repliée sur elle-même. Mais avec un semblant de vœu, au fond de sa poitrine, faisant battre son cœur, chaque jour un peu plus fort. Certes, elle avait des moments d'absence. Et, oui, elle était timide, voire un peu soumise. Mais quelque chose grandissait, en elle. Un sens des responsabilités qui se confirmait. Peut-être de la maturité, aussi, qui sait ? Mais surtout, et là résidait cette nouvelle lueur intérieure, cet espoir désespéré, surtout naissait en elle un semblant de personnalité. Une once d'extravagance et, quelques fois, le désir de se démarquer. C'était rare, oui, mais ça suffisait à la maintenir en vie. Elle écrivait, elle lisait, jamais très bien, mais peu lui importait. C'était son univers qui, peu à peu, se construisait.