En début de journée, il était rare que des élèves pénètrent dans le dojo Pancrace, ayant tous cours. Cependant... Lieven n'avait plus envie d'aller en cours. Elle devenait dangereuse, et le seul moyen pour elle de ne blesser personne était de s'éloigner d'eux. Et de se défouler sur autre chose. La jeune femme avait vu sa renaissance se faire dans le combat, et... dans l'amour. Elle avait cru pouvoir protéger l'une de ces deux choses avec l'autre, et elle s'était plantée. Désormais, il ne lui restait que le combat, cette passion qui lui permettait surtout d'extérioriser ses sentiments, ceux qu'elle gardait constamment derrière son expression morne, et inchangée.

Ce matin-là, alors qu'elle se levait, elle ne prenait donc pas ses affaires de cours, mais plutôt ses affaires de sports. Deimos l'avait fait cauchemardé toute la nuit, lui montrant toutes les manières possibles et inimaginables dont Set aurait pu mourir. Gorge Tranchée, veines coupées, un vol plané par une fenêtre, poignardé par Jörgen... Oh.. Les manières étaient nombreuses, et rien que d'y penser, un haut-le-coeur prit Lieven, qui s'appuya donc au meuble le plus proche.

" Tu n'as pas aimé mes idées si délicieuses? Pourtant... Tu semblais ne pas être si dérangée que ça à l'idée de voir ton a... "

"Ferme-là."

Lieven tremblait. De fureur.  Il lui avait bien semblé avoir eu un moment de lucidité dans ses cauchemars. Un moment où ses propres envies avaient pris le dessus. Son katana lui était passé à travers le corps, alors qu'elle enfonçais lentement la lame, par à-coups. Ce rêve n'avait été que très peu manipulé par Deimos, qui s'était contenté de rire, et de modifier une nouvelle fois les règles du jeu.

La jeune femme aurait préféré ne pas s'en souvenir. Elle n'a jamais voulu faire souffrir Set, mais depuis que Deimos était là... Elle se transformait. N'ayant plus personne pour la guider vers le droit chemin, Lieven tentait désespérément de ne pas l'écouter... Mais elle était tout autant attiré par ce pouvoir qu'il pouvait lui offrir. Celui de cesser de souffrir constamment, sans répliquer. Celui de faire souffrir comme elle, on l'avait fait souffrir. Elle ne savait plus qui elle était, elle qui s'était auto-proclamée Retfaerd, pour oublier sa famille d'adoption?

Prenant une grande inspiration, elle mit quelques instants à mettre ses idées en place, puis repris son sac. Cela faisait bien une semaine qu'elle n'avait pas combattu, et cela jouait surement sur son manque de discernement. Deimos ricana doucement en sentant l'énervement de son objet, sachant que cela suffirait à l'énerver de plus belle.

Ouvrant avec fracas la porte de sa chambre, elle se faufila dans les couloirs, n'attardant son regard sur personne, comme habituellement. Elle se fichait bien des autres. Set avait été l'unique personne qui avait compté pour elle. Désormais, l'Olympienne oubliait toute notion d'altruisme. Elle ne faisait déjà pas preuve de compassion, de pitié... Mais aujourd'hui, si les élèves devaient mourir subitement du jour au lendemain, elle s'assurerait de sa survie avant tout. A n'importe quel prix.

Arrivée devant le Dojo, elle pénétra dans le lieu-dit doucement, se dirigeant vers les vestiaires, faisant à peine attention si elle pénétrait dans celui des hommes ou des femmes, plongée dans ses pensées de plus en noires. Ces cauchemars avaient le don de lui rester en tête, et elle avait fort à parier que Deimos était la source de cela. Retirant ses vêtements, elle ne put s'empêcher de fixer une énième l'énorme cicatrice qui barrait sa poitrine, souvenir d'une violence sans pareille envers la jeune femme. Manquant la mort de peu, elle avait eu la chance d'être tombée sur Set. Une autre preuve qu'elle ne pouvait effacer, désormais qu'il était mort. S'empressant de revêtir son kimono, afin de cacher une grande majorité de sa cicatrice, qu'elle détestait.

"Elle est pourtant si délicieuse à voir, Liev'"

Ce surnom. C'était celui employé par Set. Serrant les dents, la jeune femme se retint de proférer quelques insultes, gardant son énervement pour le tatami. Ouvrant avec fracas la porte, elle marcha d'un pas rapide jusqu'au tatami, saluant ce dernier avant d'y poser le pied. Au moment-même où elle posa le pied sur cette matière qu'elle appréciait tant, un semblant de soulagement l'empara. Seulement, elle venait notamment de se rendre compte qu'elle n'était pas seule. Au même moment, quelqu'un venait de sortir des vestiaires et pénétrait dans la dite salle.

Et ce quelqu'un n'était pas n'importe qui. C'était le Professeur Maka. Ne montrant pas sa surprise, elle lui fit un signe de tête discret, avant se forcer à user de politesse.

"Bonjour, professeur. "

Allait-il l'empêcher de se défouler, parce qu'elle était là sur ses heures de cours? Elle espérait que non, cela l'embêterait réellement. Lieven avait attendu ce moment avec tant d'impatience qui lui était presque impossible de penser qu'elle repartirait d'ici les mains vides, et collée. Joignant les mains pour le saluer, comme toute personne présente près du Tatami, c'est d'un ton cependant morne qu'elle s'adressait à son professeur. Il avait toujours dégagé quelque chose qui intéressait Lieven. Qui la poussait à lui témoigner une once de respect. Mais cela s'arrêtait là, une once...

"Cela ne vous dérange pas si j'utilise votre salle durant les prochaines heures? "

Elle n'avait pas à expliquer ses raisons. Maintenant qu'elle y repensait, elle était surement rentré dans les vestiaires de garçons, il l'avait peut-être vue... Rajustant son kimono par réflexe, elle s'échauffait doucement. Même si elle n'avait pas l'accord du professeur, Lieven ne pouvait s'empêcher de s'étirer, et de donner quelques coups dans le vide. Ce besoin se faisait si oppressant...

Un jour... Tu briseras ce prof.
Un murmure si délicieux à entendre... Cette idée m'était aussi passée par la tête.


[HRP: Si tu veux que j'édites, pas de soucis ! Je te laisse choisir pour le vestiaire emprunté par Lieven ! XD ]

Aasir était déjà chaud en cette matinée. Il venait de passer une bonne heure et demi sur le ring, à améliorer son jeu de jambes, pourtant impeccable. Suite à quoi il avait nettoyé de fond en combles la salle de sport, dont il était responsable, et était parti pour faire de même avec le dojo. Le Tigre dormait toujours, tel un félin. Il se réveillerait vers onze heure, comme tout les jours, en proclamant que le Kényan s'était ennuyé sans lui. Comme tous les jours, Aasir ne répondrait pas, et le félin dirait que sa non réponse équivaut une affirmation. Puis il exigerait de manger et l'embêterait avec ça tant qu'il ne l'aurait pas fait, ce qui n’empercherait pas Aasir d'aller manger à la cantine, aux mêmes horaires que les élèves.

Le balai brosse sur l'épaule droite, la serpillière sur l'épaule gauche et le seau d'eau savonneuse en main, le boxeur se dirigea vers le dojo. Malgré son passé de boxeur professionnel, l'homme à la peau d'ébène avait toujours respecter les maîtres de ces lieux. Il les trouvait chargés d'histoire, de sueur et de combat. Chaque dojo avait une senteur différente, un vécu différent et c'était ce qui le rendait beau. Perdu dans ses pensées, Aasir poussa la porte des vestiaires hommes afin de se rendre dans la salle d'art martiaux. Il se figea lorsqu'il reconnut une silhouette familière, mais surtout féminine.

Sa championne la plus douée en arts martiaux était devant lui, à moitié nue. Sa vision déclencha une sensation étrange chez l'homme qui fronça les sourcils, mais celle ci ne fut que de courte durée. En effet, une grande cicatrice sur le ventre de la jeune femme l'intrigua, et sa curiosité dépassa ce sentiment. Il n'eut cependant pas le temps d'en discerner tous les détails : la jeune femme repartit à la vitesse de la lumière, sa ceinture nouée en l'espace d'un centième de seconde. Un temps de réflexion s'imposa à l'ex champion olympique. La jeune femme s'était trompé de vestiaire, mais cela lui importait peu : à cette heure, personne n'était dans ces vestibules, aussi ce n'était pas dérangeant. Toutefois, il lui en toucherait un rapide mot, simplement pour qu'elle y fasse attention.

Il entra donc dans le dojo, saluant à l'entrée de la pièce. La jeune femme était déjà sur le tatami. Elle le vit et lui tourna le dos. Aasir ne dit rien. Il était le mieux placé pour respecter la solitude des gens. Le silence ne le gênait pas, au contraire. Il l'apaisait. La voix humaine était un bruit qu'il ne supportait qu'avec quelques modifications, pour faire des personnages de cartoons. Ses élèves savaient faire preuve de silence, et quand ils parlaient, il suffisait d'un regard du boxeur pour les faire taire immédiatement, avec un regard étrange.

La jeune femme vint lui demander si elle pouvait utiliser le dojo pour quelques moments. Le champion réfléchit un instant. Il avait cours à 14h mais il ne ferait qu'aider Ryan, aussi la salle serait libre pour la journée complète. Il l'observa son élève un instant. Son visage était fermé, comme à son habitude, mais quelque chose avait changé. Dans ses yeux peut être. Ou son expression. Lieven et Aasir se ressemblaient sur la communication des sentiments. Tout passait par le combat. Il lui répondit donc, de sa voix caverneuse :

-Utilise là à ton aise, mais je l'utiliserai également.

Pas de justification. Pas besoin. Lieven commença à s’échauffer au moment où le professeur commença à passer le balai. Pendant sa besogne, il l'observa bouger. Elle bougeait avec souplesse et légèreté telle une véritable championne d'arts martiaux, et lui transmettait une véritable envie de combattre. Le champion aimait se mesurer à aussi fort que lui, et malgré son passé, dans un combat purement cantonné aux arts martiaux, il n'était pas certain de gagner contre la jeune fille. En free fight, cela aurait été autre chose, mais sur le terrain de prédilection de la femme au visage de pierre...

Plus que poussé par l'envie de vérifier cela, il se hâta tranquillement de finir son boulot, avant d'aller se changer et de revenir dans le dojo en kimono. Il salua, et fit signe à Lieven, après avoir capté son attention par un léger tapotement sur l'épaule, de s'échauffer à deux.

Prenant une grande inspiration, Lieven fermait doucement les yeux pour tenter de se vider l'esprit. Difficile, lorsqu'un dieu y logeait. Lorsque la jeune femme rouvrit les yeux, avec de s'échauffer lentement, elle n'était que très peu apaisée, tant son coeur saignait depuis ces derniers jours. Elle avait besoin de se battre. Se contenant au départ d'envoyer quelques coups de pieds dans le vent, afin de délier ses muscles, Lieven mit de plus en plus d'entrain dans ceux-ci. Réalisant divers katas, passant de coups circulaires, à des coups sautés, elle ne devenait que plus fluide au fur et à mesure que l'adrénaline circulait dans son corps, mais aussi dans son esprit.

Elle aimait cette sensation de liberté qui s'émanait de ses mouvements, elle se sentait revivre, comme à chaque fois qu'elle s'était battue avec...

Une main se posa soudainement sur son épaule; pendant un instant, la jeune femme y cru. Un regard dans lequel brillait une lueur d'espoir se posait sur ce qu'elle croyait être Set mais... Ca n'était que son professeur. Perdant cette lueur qui s'était insinuée dans son regard, Lieven haussa un sourcil en le voyant la saluer.  Un léger sourire, presqu'imperceptible, se dessinait alors sur le visage de la jeune néerlandaise. Saluant le professeur en retour, elle se reculait de quelques pas, sans adresser un seul mot au professeur.

Deimos, lui, s'agitait. Un combat contre Aasir Maka? C'était une occasion en or ! Alors que Lieven se mettait en garde, elle sentit sa température hausser d'un cran, une vague migraine la prenant alors... Tiquant légèrement, elle attendait qu'Aasir se mette en position. Dès lors, tout commença. S'élançant prudemment, le regard de Lieven se fit vif, et Deimos sourit. La championne jaugeait son adversaire, même si elle savait combien il pouvait être redoutable. Malgré que cela ne soit pas sa spécialité, elle envoya son poing droit en direction du torse de son adversaire. Puis un autre. Elle ne se contentait pas d'attaquer, elle prenait le temps de se mettre en retrait, réalisant quelques parades, ses jambes se mouvant rapidement. Pourtant, elle ne faisait qu'effleurer, retenant ses coups. Elle n'y allait pas sérieusement. Pas par peur de blesser le professeur non, pas parce qu'elle le sous-estimait non plus.. Ce n'était pas du genre de Lieven de juger les gens comme ses inférieurs. Mais elle savait que si elle se donnait à fond... Deimos en profiterait. Cela était déjà arrivé.

"Tu ne sais donc que chatouiller tes adversaires? Ce n'est pas comme ça que tu aurais pu le sauver !  "

Lieven s'arrêta, alors qu'elle envoyait sa main ouverte en direction du torse du professeur Maka. S'arrêtant à quelques millimètres de celui-ci... Sa main trembla. La ramenant à elle, Lieven prit quelques instants.

"Veuillez m'excuser, j'ai faibli."

Se remettant en garde, ses sourcils froncés, cette fois-ci, elle fixait Aasir différemment. Elle ne pouvait pas se contenter d'effleurer, n'est-ce pas? C'était surement un affront qu'elle lui faisait là. La néerlandaise sentait son sang bouillonner, mais elle tenait bon, ne tremblant plus.

"C'est cela... Laisse ta colère envahir ton corps... '"

La jeune fille s'était mise en garde. Aasir en fit de même. Alors l'échauffement put commencer. Lieven attaquait mollement, selon le professeur. Même pour s'échauffer, il l'avait déjà vue plus dynamique. Elle semblait tellement distraite que dans chacune de ses attaques, le champion voyait au moins deux opportunités de riposte. Par deux fois, lors de l'enchainement, il put même entre-apercevoir la possibilité de placer un coup décisif. Le genre de coup qui met à terre et empêche de se relever pour les deux prochaines minutes. Toutefois, il n'en fit rien. D'abord parce que ce n'était qu'un échauffement : aucun interet de mettre KO quelqu'un alors que celui ci ne fait que délier ses muscles. Ensuite parce qu'elle ressemblait à Vil Coyote après avoir échoué pour la énième fois à capturer Bip Bip. Cela ne ressemblait aucunement à ce à quoi la jeune fille l'avait habitué. D'habitude, malgré l'inexpressivité de son visage, il sentait toujours derrière un feu battant, une envie de vaincre. Aujourd'hui, il semblait qu'elle n'avait envie de rien, et qu'elle n'avait pas l'esprit au combat. Il se contenta donc pour le moment de parer et esquiver les coups.

Soudainement, dans une attaque plus que grossière qui aurait fait honte à la jeune fille tant il comportait de failles, elle lança sa paume ouverte vers la poitrine d'Aasir et stoppa net son mouvement. L'ex champion regarda alors son visage. Ses yeux étaient hagards. C'était difficile de s'en rendre compte chez une femme aussi peu expressive que Lieven, mais le boxeur était à peu près certain que la jeune femme était perdue, pour une raison qu'il ignorait. Il avait entendu dire que son ami d'école était parti... Peut être était ce pour cela. Toutefois, ce qui était clair, c'est que la championne avait besoin de se défouler mais son corps n'était pas encore une projection de son esprit. Aasir allait devoir la forcer à se réveiller un peu. Son adversaire s'excusa. Le Kényan dit alors de sa voix grave et pénétrante :

-Varie plus le rythme de tes coups. Tes changements d'allonge étaient bien mais trop grossier. Donne toi à fond mais observe ton adversaire.

Le message qu'il voulait faire passer était clair : si elle ne se ressaisissait pas, elle allait s'en prendre. Aasir allait prendre l'offensive. Le champion rajusta son kimono, et se remit en position, attendant que son adversaire aies fait la même. Dès que cela fut fait, il allongea immédiatement un enchainement très rapide de taekwondo. Trois coups de pieds latéraux. Genou. Cote. Tête. Dans un équilibre parfait. Il reposa son pied avec élan et s'amena au corps à corps. Il frappait et virevoltait, plus pour forcer son antagoniste à se réveiller plutôt que pour faire vraiment mal. Ce n'était pas indolore non plus, mais il désirait vraiment voir si Vil Coyote avait laissé tomber son festin de Bip bip. A partir de maintenant, chacun de ses enchaînement laisserait une faille a la contre attaque jusqu'à ce que Lieven l'exploite. Le véritable combat commencerait alors.