L’antre de la Folie

C'est donc ainsi qu'elle pénétrait dans la pièce. Un rideau sali, sans doute irrécupérable. Une élève en ayant fait la découverte. Et un cadre tout à fait banal aux allures de Cluedo qui avait fait déserter son antre au Directeur.

Le tout mélangé nous laissait une Calypso et une Cassandre seules dans ce bureau directorial vidé de son possesseur légitime. Cela faisait un peu bizarre à la secrétaire, que d'occuper la pièce en l'absence de son possesseur… Et elle aurait bien été tentée de fouiller un peu si la présence de l'étudiante à ses côtés rendait la chose délicate. Et au lieu de farfouiller dans les tiroirs de son supérieur, elle alluma la lumière et saisit un formulaire vierge sur l'étagère. Il servait d'ordinaire à d'autres type de déclaration de dégradations, plus banales. Des gribouillis sur les tables. Des ballons percés. Et elles étaient généralement rédigées par les femmes de ménages ou les enseignants. A vrai dire, Cassandre aurait très bien pu la remplir elle-même. L'avantage de procéder ainsi, c'est que cela lui permettait de garder un œil sur la miss, et de l'empêcher de vagabonder dans tout le Pensionnat à la recherche d'un meurtrier…

Elle tendit la fiche à la demoiselle, affichant un bref sourire. Et puis, Cassandre se laissa tomber sur la chaise moelleuse du Directeur, laissant à Calypso une chaise tout aussi confortable mais située de l'autre côté du bureau. Et immanquablement, le regard de la secrétaire dévia vers les tiroirs, sujets de sa curiosité…

L’antre de la Folie

«Sortons, il n'y a rien d'intéressant à voir ici. Si ce rideau a été saccagé, il faut en faire une déclaration. Vous êtes celle qui a découvert cette dégradation. J'aurais besoin que vous me suiviez au bureau du Directeur pour remplir le papier en question.»

Calypso se releva, et de sa grâce habituelle, se rapprocha cette fois-ci de Mme Delauney, pour arriver à sa hauteur. A vrai dire, elle trouvait son avis complètement... idiot, et fermé d'esprit. Même le Directeur semblait penser que quelque chose d'important semblait se passer ici, et cette femme ne pensait qu'à la dégradation du matériel? C'en était navrant. La grecque ne se permit pas d'énoncer ce fait à voix haute, afin de ne pas passer pour quelqu'un d'effronté, mais n'en pensait pas moins. Baldr soupira une nouvelle fois, ne préférant pas moraliser la jeune femme, qui l'enverrait surement valser. Suivant la pionne dans les couloirs, les deux jeunes femmes parvinrent devant la porte du Bureau du Directeur.

Calypso se souvenait y être entrée par deux fois, et avait toujours trouvé cet endroit... Énigmatique. Mais elle n'avait pu vraiment pousser ses recherches, car il était difficile de savoir ce qui pouvait bien se cacher dans tous ces dossiers en étant assis sur une chaise. Mais aujourd'hui... Elle n'était qu'avec une secrétaire, une femme destinée à servir le café, et à faire les comptes à la place d'un homme. C'était un métier qu'elle trouvait... Particulièrement dégradant, de par sa condition.

Pénétrant dans le lieu-dit, la jeune femme était presque en alerte, guettant le moindre petit indice étrange qui pourrait ressortir de cette pièce. Au lieu de ça, La femme qui l'accompagnait lui tendit un papier, avant de s'asseoir dans le canapé moelleux du Directeur. Calypso haussa un sourcil, la regardant faire, et sans prendre la peine de regarder le papier qu'elle connaissait déjà, s'assit allègrement sur le bureau, posant cette même feuille près d'elle. Dans cette pièce, la lumière était tout de même un peu faible, et cela donnait une impression quelque peu ... effrayante. Si Calypso avait été comme ce dit Pryam. Sans regarder la secrétaire - pionne - esclave du Directeur, Calypso s'adressa à elle.

«Donc, sur le papier, j'indique que la dégradation a été faite par le Directeur? Ou par l'éventuel "meurtrier" de cet établissement?»

C'était un ton amical, quoi que très légèrement hautain. A quoi cela sert-il de déclarer une dégradation qui n'est même pas imprévue? C'était surement un tour du Directeur, pour effrayer les petits enfants. Rien de plus ! Son regard se mit à vagabonder sur les étagères, et la jeune femme se releva. Doucement, son doigt passa le long d'une porte appartenant à une armoire fermée à clé. Curieuse, elle se demandait bien ce qui pouvait s'y trouver...

«Peut-être que le nom du meurtrier est indiqué ici... Après tout, ce n'est pas le Directeur lui-même qui se dit tout savoir de ce qu'il se passe dans ce Pensionnat?»

Calypso jouait avec le feu. Mais elle pouvait toujours dire que le jus de citrouille lui était légèrement monté à la tête...

L’antre de la Folie

Le fait que la gamine s'asseye directement sur le rebord du bureau au lieu d'utiliser le fauteuil à sa disposition fit lever le regard de Cassandre sur elle. Un mécontentement subtil au fond de ses prunelles, mais nul mot ne sortit de sa bouche. Pas la peine. Mais elle se souviendrait. Calypso était désormais qualifiée comme effrontée dans la case de mémoire qui lui était attribuée.

- Donc, sur le papier, j'indique que la dégradation a été faite par le Directeur? Ou par l'éventuel "meurtrier" de cet établissement ?

Elle se retint de lever les yeux au ciel (ou plutôt au plafond en l'occurrence). Et ce fut d'un ton qu'elle voulut neutre qu'elle répondit :

- Mettez juste la vérité : vous ignorez de qui il s'agit. Alors inconnu ira très bien.

Et malgré ses efforts, la secrétaire ne put empêcher un sourire ironique de fleurir sur ses lèvres.

Elle s'était relevée et observait la pièce. Un court instant, Cassie se demanda pourquoi. Et supposa qu'elle était partie à la recherche d'un crayon. Parce que ça l'arrangeait bien. Ainsi, elle pouvait fouiller à son tour. Et, délaissant le pot de crayon posé en évidence sur le bureau, elle ouvrit le premier tiroir.

- Peut-être que le nom du meurtrier est indiqué ici... Après tout, ce n'est pas le Directeur lui-même qui se dit tout savoir de ce qu'il se passe dans ce Pensionnat?

Elle l'entendit à peine. Posé sur des pochettes colorées, un petit papier blanc qui avait était plié à la va-vite attirait son attention. Elle le saisit sans grande délicatesse et entreprit de l'aider à se déplier davantage.

« Votre recherche ici va connaître la même fin que la mission de la chevauchée de Hermóðr. »

Elle sentit presque aussitôt l'air intrigué d'Idunn adopta. Hermóðr ? l'interrogea t-elle mentalement. Tu aurais pu écouter davantage en mythologie, au lieu de dévorer ton professeur des yeux Cassandre. Il s'agit en plus de la mythologie de ton dieu possesseur…
Les consonances sonnaient effectivement nordiquement. Et peu à peu, ses souvenirs revinrent quant à cette leçon.

Et, le front plissé, Cassandre marmonna en abandonnant le papier sur le bureau :

- Donc… Nous allons réussir, mais cela ne servira à rien ? C'est… stupide.

Et Idunn ne put que se taire face à ce résumé simpliste de l'épopée qui martyrisa son cœur à l'époque, maudissant cette stupide géante.

L’antre de la Folie

Les yeux rivés sur le coffre, la jeune femme était rongée par la curiosité. A vrai dire, elle s'imaginait pleins de scénarii dans lesquels elle ouvrait le coffre, et découvrait des informations croustillantes à propos du Directeur. Des objets d'une rareté immenses aux origines mythologies... Ou de terribles secrets quand au but de cette école.. La jeune femme frémissait. Seulement, ca n'était pas au goût de quelqu'un.

«De la part de quelqu'un qui se dit bien élevée.. Je te trouve bien impolie, ma nixe... Cesse donc de fouiner un peu partout, tu va finir par t'attirer des ennuis.»

Calypso levait les yeux au ciel. Depuis qu'elle était ici, elle avait toujours eu des groupies, comme des gens qui ne l'aimaient pas. Ce n'est pas aujourd'hui que cela allait changer. Mais elle se décidait pour une fois à se calmer un petit peu. En un sens, Baldr avait raison. Elle ne montrait pas la meilleur image de la nymphe qu'elle était.. Un bruit de froissement retentit derrière, et en entendant la secrétaire marmonner quelque chose, la jeune femme revint près de cette dernière. Intriguée, elle s'avança, pour saisir le papier que Delauney venait de jeter. C'est avec stupeur qu'elle lu cette unique phrase.

« Votre recherche ici va connaître la même fin que la mission de la chevauchée de Hermóðr. »

La chevauchée de Hermóðr. Palissant légèrement, Calypso bien qu'un malaise se créait entre cette feuille, Baldr et elle. Un très grand malaise. Baldr ne quittait pas des yeux cette feuille. Ce fait avait toujours été ancré dans son esprit. L'amour d'un frère, d'une famille d'un peuple... Mais la haine d'un seul homme. Et Calypso avait été triste d'apprendre comment s'était fini cette histoire. Et la situation actuelle n'aidait pas. La tristesse de Baldr envahissait Calypso, et celle-ci commençait à légèrement broyer du noir. Elle n'avait pas l'habitude d'être triste, de ressentir de la peine. Elle frissonna.

«Quittons cette pièce, veux-tu?»
«Mais... Mais on peut encore chercher ! Ce n'est peut-être qu'une fausse piste ! »
«Ca ne sert à rien, Calypso... Cela ne servira à rien...»

Calypso n'était pas du genre à abandonner, et elle continuait de fixer cette unique phrase. A vrai dire... Elle savait que Baldr voulait simplement se changer les idées. Qu'à chaque fois qu'il s'enfermait dans sa reconstruction spirituelle de Breidablik, c'était pour méditer sur son passé, sur son présent, et sur son futur... Ce passé qui l'avait surement détruit en partie... Baldr ne se gêna d'ailleurs pas pour soupirer, et s'en retourner vers son domaine. Calypso n'avait jamais eu le droit de voir ce qu'était Breidablik, mais... Baldr était surement l'une des rares personnes qu'elle respectait... Un peu.

Mais, têtue, elle regarda Cassandre. D'une voix un peu plus faible que précédemment, la tristesse de Baldr l'ayant un peu affectée, elle lui adressa un sourire un peu moins hautain.

«On ne perdra rien à essayer de chercher le moindre indice, si? »

Tout comme le frère de Baldr l'avait fait. Il avait cherché Baldr, allant voir Hel, pour tenter de le ramener. Il avait essayé, même si... Cet imbécile de Loki avait tout foiré. Alors qu'elle jeta rapidement un regard vers le coffre, il lui semblait apercevoir quelque chose, dans son reflet. Haussant un sourcil, elle regarda à l'opposé, cherchant du regard un objet un peu plus étrange que les autres. Elle cru voir quelque chose de familier.

«Ca ne serait pas... La ... Lame... Ou l'épée de vie de Freyr? »

Se tournant vers la secrétaire, elle savait que celle-ci serait peut-être terre à terre. Mais avec un peu de chance, elle accepterait au moins de se pencher sur la question...