« J’aime et je hais comme n’importe qui. Mes passions m’emportent loin et mes craintes me clouent au sol. Je rêve d’amour, d’aventures et d’un monde en paix. Seulement, tout ça, je le garde pour moi. »

Quand on ne sait pas parler, on trouve d’autres moyens de se faire comprendre. Le langage corporel est un bon outil et Senna a appris à le perfectionner. Ses sourcils, totalement indépendants l’un de l’autre, sont l’une de ses meilleures armes pour lui permettre d’afficher une multitude d’émotions. Se faire comprendre par sa posture et ses expressions, voilà comment elle amoindri les barrières.
Niveau corps, ce n’est pas pour ses formes ni pour son mètre 65 qu’on la remarque mais plus par son allure sportive. Son gout pour le basket entretient des muscles convenables qui enlèvent une grande partie de l’impression « fille fragile » que provoque son handicap. Ses cheveux ainsi que ses yeux sont noirs. Elle s’habille généralement avec des couleurs claires, le sombre ayant tendance à effacer la présence. Pour elle, son mutisme s’occupe de cette tâche alors pas besoin d’en rajouter. Elle opte principalement pour un trio basique : t-shirt, jean et basket car elle se sent à l’aise dedans.

Comme on peut l’imaginer, son handicap influence beaucoup son comportement. Elle fait de son mieux pour vivre avec et éviter qu’il soit un obstacle mais il arrive des moments où elle sature. Et lorsqu’on ne peut crier sa frustration ou insulter à vive voix un idiot, on s’énerve encore plus. La meilleure échappatoire, c’est le basket. Sa seule solution pour extérioriser ses sentiments négatifs est de se déchaîner sur le terrain.
Une fois apaisée, Senna devient une jeune fille sympathique, ouverte au contact et enthousiaste à sa manière. Elle tente désespérément de s’intégrer aux autres. Elle fait de son mieux pour faciliter les échanges avec eux, acceptant les codes de communication qu’ils lui proposent, croyant toujours être les premiers à en avoir eu l’idée, et chérissant ceux qui font de leur mieux pour la considérer comme n’importe qui.
Senna a conscience qu’il est dur pour les gens de savoir sur quel pied danser en sa compagnie. Elle aimerait leur dire « fais comme avec tout le monde », le problème, c’est qu’elle n’est pas assez comme tout le monde aux yeux des autres. Rien que de devoir lire pour communiquer en perturbe plus d’un.
Parfois, elle en vient à haïr le monde, à haïr son handicap, à se haïr elle-même. Puis, elle se souvient que si elle ne fait pas l’effort de les comprendre, il n’y aura jamais de chances qu’eux la comprennent.
Avec ceux qui lui veulent du mal pour la simple excuse qu’elle est muette, elle n’hésite pas à leur rendre leurs coups. La plupart du temps, elle se plaint aux professeurs car ils sont très sensibles quant à ce qui concerne le harcèlement envers les handicapés. Mais elle n’hésite pas à faire des vengeances sournoises, sachant pertinemment que c’est comme ça qu’elle gagnera le respect des autres.

Une grande partie de son comportement est liée à son handicap. Or, celui-ci peut être guéri. Si un jour elle trouve le courage d’affronter son traumatisme, elle sera surement amenée à connaître de grands changements. Actuellement, elle est encore trop obstinée, trop jeune pour comprendre la nécessité de devoir évoluer.

Dans un sens, la société est bien conçue pour l’intégration des handicapés, y aurait des choses à améliorer ou à repenser mais c’est bien foutu. On pourrait croire qu’un peu d’efforts des deux côtés suffit à faire vivre à ces derniers une vie normale. Malheureusement, rien n’est aussi simple.
Lorsqu’une fille dit qu’elle veut devenir basketteuse, les hommes lui rit au nez. Lorsqu’une fillette déclare qu’elle veut devenir pompier, tout son entourage la regarde avec indulgence et amusement. Et lorsque c’est une muette qui cumule les deux, tout le monde la dévisage avec pitié.
C’est l’histoire de ma vie : J’aime le basket, je veux devenir pompier et je suis muette.
Le mutisme, à cause d’un traumatisme. Lorsqu’une femme vous hurle de vous taire tout en vous étranglant alors que vous n’avez que 6 ans et qu’après, vous vous retrouvez dans l’incapacité totale de parler alors que vos cordes vocales sont opérationnelles, c’est que vous êtes surement traumatisés. Je ne me suis pas réveillée un matin en me demandant « Tiens, qu’est-ce qu’il se passerait si un môme se fait agresser par une vieille folle ? ». Cette situation, je l’ai vécue.
Le basket, parce que mes deux frères Regis et Alex de 6 et 3 ans mes aînés m’y ont donné goût dès mon plus jeune âge.
Le métier de pompier, parce que mon père en était un et que sa caserne m’a toujours soutenue, même handicapée. Les week-ends, là où les enfants « normaux » jouaient entre eux, criaient et hurlaient, moi j’étais entourée de soldats du feu dont j’étais la mascotte. Quand intimider les petites racailles n’a plus suffit à les empêcher de me harceler, ils m’ont appris à me défendre. Lorsque mon père a perdu l’usage d’une de ses jambes en pleine intervention, ils ont pris toute la fratrie sous leurs ailes.
J’aurais pu rester comme ça, la protégée d’une tribu de pompiers, la sœur chérie de deux frères accros au basket. Mais une fois qu’ils ne sont plus là, rien ne va. Souvent harcelée et isolée, mon quotidien à l’école n’est pas des plus joyeux. Je fais de mon mieux pour m’intégrer parmi mes camarades, je tente de gagner leur respect en rendant les coups qu’on peut me faire mais même avec toute l’indulgence du monde, ils sont rares à agir comme si de rien n’était et j’en souffre.
Mais celle qui souffre le plus, c’est ma mère : deux infirmes à gérer, c’est trop pour elle. Elle m’a fait consulter des dizaines de spécialistes mais qui ne pouvaient rien face à mon obstination à rester dans mon mutisme. A l’approche de la fin du collège, elle a décidé qu’il fallait me brusquer, me faire quitter mon cocon confortable pour m’immerger dans un environnement qui me force à comprendre que je ne peux pas continuer ainsi, que je dois combattre mon traumatisme et le surmonter pour pouvoir, un jour, reparler.
J’ai donc été inscrite au Pensionnat Immortalia qui m’avait remarquée, surement pour mon talent à retenir les cours en seulement trois lectures. Devenir pompier ne demande pas autant d’études, mais ma mère y tient, alors je me conforme à sa décision. Et seulement quelques semaines après mon arrivée, j’ai été convoquée par le Directeur pour une affaire dont je ne peux parler en détail. Aujourd’hui, j’ai quelqu’un à qui parler sans barrières, aucunes.

Senna a été perturbée par les débuts de la possession mais y a rapidement trouvé un avantage non négligeable : Le fait de pouvoir communiquer aussi aisément avec quelqu’un. Il y aura certainement des moments où elle va saturer et vouloir qu’il disparaisse mais Guo a beaucoup de choses à lui apprendre notamment à relativiser et à en apprendre plus sur elle-même. Un sage, c’est toujours utile. Malheureusement, Senna est encore jeune et fera certainement preuve de mauvaise foi ainsi que d’obstination. Des étincelles jailliront surement de leur relation mais il en sortira plus de bon que mal, on peut l’espérer.

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Test RP
Les jardins d’Immortalia étaient un endroit fort appréciable pour méditer et passer un moment au calme. Un tronc comme dossier et l’herbe comme seul témoin, je regardais la vidéo du dernier match de mon frère Regis sur mon smartphone. Celui-ci jouait dans l’équipe de basket de son université et participait à une compétition locale. Alex avait pris soin de tout filmer pour me l’envoyer.

« Ma foi, je crois bien que les innovations de ce siècle me réservent d’énormes surprises. Quel est donc cette étrange activité ? », intervint la « voix dans ma tête ».

Je souriais pour moi-même en songeant à quel point je trouvais ridicules tous ces jeunes qui plaisantaient sur une prétendue folie en parlant avec détachement de voix dans leurs têtes. Au prochain qui me sortirait « Oh, je suis fou mais les voix dans ma tête me disent que tout va bien » ou un truc du même gabarit en se croyant original, je lui expliquerais ce que c’est vraiment d’avoir une voix autre que la sienne dans la tête.
Enfin, je l’aurais fait si ça ne mettait pas ma vie en jeu. Ou peut-être pas, ça aurait pris trop de temps à écrire et jusqu’à maintenant, mes conversations avec mes camarades de classe avaient été ardues. Peu d’entre eux arrivaient à cacher leurs signes d’impatience à attendre que j’écrive ce que je souhaitais leur communiquer.

« C’est un sport » expliquais-je, en mettant pause à la vidéo en tapotant sur l’écran, arrachant un « formidable ! » admiratif de la part de mon compagnon tandis que je m’étonnais à nouveau de la sensation de pouvoir communiquer aussi simplement avec quelqu’un.

Avais-je été choisie pour ça ? Possédée à cause de mon handicap ? Je ne risquais pas de laisser échapper que j’avais un dieu dans la tête sur un coup de tête vu que tout ce que je souhaite communiquer est filtrer par le laps de temps qu’il me faut pour l’écrire.

« On appelle ça du basket. » continuais-je.
« Panier ? Pourquoi panier ? » m’interrompit la voix avec curiosité.
« Je crois bien que c’est à cause de l’objet dans lequel la balle doit aller pour marquer des points. »

Depuis deux semaines que je vivais avec Guo, celui-ci se révélait avide de connaissance. Tout l’intriguait, même des choses qui m’étaient devenues insignifiantes par habitude. Zhang Guo, un vieil ermite, comme il s’était présenté, un immortel, une divinité taoïste comme Wikipédia l’avait fait, venait d’une époque fort lointaine et il avait beaucoup de retard à rattraper. Aujourd’hui ne faisait pas exception, il commença à me questionner sur les détails.
Au début, cela m’avait agacée. Du jour au lendemain, sans que l’on m’ait demandé mon avis, je devais me coltiner une entité parasite dans ma vie. Mais j’avais passé 10 ans dans le silence, à souffrir des barrières de mon mutisme. Pouvoir parler sans obstacles avec quelqu’un, fut-ce un dieu, était une sensation que j’appréciais de plus en plus d’autant plus que Guo était un personnage intéressant. Ses avis étaient toujours construits et il arrivait toujours à me faire relativiser sur des problèmes bénins.
Je me réinstallais correctement contre mon tronc d’arbre et remis la vidéo depuis le début. Je mis un peu d’ordre dans mes idées et lançais la vidéo tout en expliquant à Guo ce qu’était le basket.
C’était vraiment sympa de pouvoir parler avec quelqu’un.