Numa regarda encore un moment les oiseaux. Leur chant était si beau, si enchantant, que le cœur de la jeune française devint plus léger. Sa divinité avait décidé de ne pas l’embêter aujourd’hui. Même si Numa adorait l’hiver, la neige, ce calme et ce blanc si pur,  elle n’aimait pas l’approche des fêtes. Encore moins celle de Noël, et donc son anniversaire.
Le regard perdu sur les branches de l’arbre, la brune se mit à fredonner pour accompagner les volatiles. Ils allaient certainement s’envoler pour un pays plus chaud dans peu de temps.
La voix de Numa était douce et apaisante. Une voix que peu de personnes avaient le loisir d’entendre tant elle avait la parole précieuse.

*Tu devrais rentrer Numa, tu vas attraper froid.*

La voix de l’esprit du chien réveilla l’adolescente de ses doux songes. En effet, avec l’uniforme d’Immortalia, elle n’était pas habillée pour se retrouver longtemps dehors. Mis à part ses collants en laines, elle n’avait rien pour protéger ses jolies jambes. Numa  arrêta sa mélodie, sortit ses mains de ses poches et souffla légèrement dessus. Son souffle chaud réchauffait ses fins doigts de lune qui n’étaient pas bien à l’abri dans les fines poches de son gilet blanc. Elle aurait du prendre son manteau. Mais elle n’avait pas prévu de sortir pour admirer les derniers oiseaux de Galway avant que ces derniers ne fuient le froid de l’Hiver.

Enfouissant une nouvelle fois ses pâles mains dans ses poches, elle tourna les talons et regagna l’établissement, voulant se rendre rapidement à la bibliothèque prendre un ou deux romans avant d’aller se changer pour se promener à Galway. Elle avait passé beaucoup plus de temps dans l’atelier qu’à l’extérieur, elle qui déteste être enfermée. Elle avait besoin de marcher, sentir l’air contre sa peau, entendre les murmures du vent, voir les beautés de ce mondes.

En arrivant dans le couloir du premier étage, Numa se rendit tranquillement à la bibliothèque. Sa démarche n’était pas nonchalante, mais elle prenait bien tout son temps.
Soudain, dans le couloir, une élève attira son attention. Elle avait de beaux cheveux noirs et des yeux bleus très froids et perçants. Ce n’était pas le doux bleu printanier comme celui de Numa, celui-ci était plus … glacial.

La jeune française se mit sur le coté pour la regarder passer. Non pas que les filles l’intéressaient, c’était la beauté qui fascinait ses yeux vairons.
Cette jeune inconnue ne pouvait pas être qualifiée de beauté fatale, mais elle était loin d’être laide. Sa coupe bien trop droite et son regard sévère ne donnait nullement envie d’aller vers elle. Mais il fallait tout de même avouer qu’elle avait un beau visage et ses cheveux sombres faisaient ressortir la peau claire de l’étudiante.

Le plus discrètement possible, Numa observa cette demoiselle jusqu’à ce qu’elle soit complètement de dos. Puis, la jeune française allait reprendre son chemin mais un objet au sol attira son attention.
C’était des clés. Des clés de chambres.
Elle se pencha pour les ramasser. C’était bien des clés de chambres, sans aucun doute.

*Ces clés sont surement à la fille qui vient de passer.*
*Sûrement. Je vais les lui rendre.*

Numa se retourna vivement. La fille n’avait pas encore disparut dans le couloir. La française ouvrit la bouche, prête à crier pour attirer l’attention de l’inconnue. Mais rien ne sortit.

*Qu’est-ce qu’il t’arrive Numa ?*
*Je … je n’aime pas crier …*
*Bon aller dépêche toi de la rattraper.*
*Oui, je vais faire ça*

Numa se mit à marcher vivement vers l’inconnue à la coupe très droite et la suivre dans les couloirs, marchant vite, sans courir pour autant.

*Oui, je vais faire ça*

Ce n’était pas quelques secondes, mais bien quelques minutes à Numa qu’il fallait pour rattraper la demoiselle, entre les passants, les tournants de couloirs et l’allure rapide de l’inconnue, elle n’était pas très aidée. La française finit tout de même par arriver près de la fille à la coupe bien droite. Celle-ci se retourna vivement, comme si elle l’avait repéré et attendait juste de la prendre sur le fait. Le regard toujours aussi sévère, et toisa la jeune française en venant à elle.

_Pourquoi tu me suis ? T'as un problème ?

Sa voix était franche. Sèche. Une voix qui ne donnait pas vraiment envie de lui chercher des noises.

*Numa, ne stresse pas.*

L’inconnue avait un regard si sévère et un ton si irrité que cela rappelait de vieux souvenirs à la jeune française. De mauvais vieux souvenirs.
Son cœur s’emballa rapidement, mais rien ne se lisait sur son visage de poupée. Ses ongles commencèrent à se changer en griffes. Elle respirait doucement avec l’aide de sa divinité. Ils savaient tout deux que si Numa n’arrivait pas à se calmer dans les quelques secondes qui allaient suivre, elle allait se changer en hybride, et dans le couloir ce n’était pas le meilleur endroit qu’il puisse exister pour ça. Surtout si cette demoiselle aux yeux froids n'était pas une possédée. Sans uniforme c'était impossible à dire.

*Ce n’est rien Numa, surtout calme toi.*

Mais comment pouvait-elle se calmer ?
Voilà à quoi ça servait d’essayer d’être aimable. Ça a toujours été ainsi. Pourquoi continuait-elle à se soucier des autres ? Au diable son caractère altruiste et son bon fond intérieur !
Mais l’esprit du chien avait raison. La jeune française serra les poings et essaya de penser à des choses positives, comme on lui apprenait en cours de possession.
Ses griffes redevinrent peu à peu des ongles dans ses paumes. Puis, lorsqu’elle était finalement totalement calme, Numa répondit de sa voix claire :

_Non.

Une chose à la fois. Le cerveau de Numa était en feu. Il essayait de rassembler toute les réponses possibles et inimaginables pour paraitre aimable à cette jeune fille tout en lui demandant si les clés étaient bien les siennes. L’esprit du chien ne pouvait pas vraiment l’aider promptement, il n’aimait pas vraiment cette fille aux yeux perçants. Elle rappelait bien trop de choses négatives à son hôte pour qu’il puisse l’apprécier, pour le moment.

*Donne-lui ses clés et pars. Cette fille ne m’inspire rien.*

C’était si improbable que le chien n’apprécie pas un humain. Lui qui souhaite que son hôte soit amie avec toute la ville. Sa méfiance était infondée mais faisait peur à Numa. L’esprit du chien était toujours de bon conseil, du moins jusqu’à présent. De toute évidence, Numa était trop peu elle-même pour prendre en considération une autre perspective. Et lui bien trop protecteur pour voir autre chose que ce que dégageait cette inconnue.

Numa continua de fixer son interlocutrice. Même si elle avait un regard imposant, la française ne pouvait pas détourner ses yeux de cette couleur perçante. Peur ou Courage ? La frontière était mince.

_Je ne te veux pas de mal. Et je ne vois pas comment je pourrais.

Numa tendit sa main vers la brune aux yeux clairs et l’ouvrit, montrant l’objet ramassé plus tôt. Sa paume avait rougit avec la pression qu’elle y avait effectué pour se calmer. Heureusement qu’elle n’avait pas planté ses griffes à l’intérieur de sa chair. Elle n’aurait pas pu expliquer une main en sang.

_J’ai trouvé ça par terre. Est-ce à toi ?

_J’ai trouvé ça par terre. Est-ce à toi ?

La jeune fille scruta de ses yeux froids l’objet dans la main rosée de la lycéenne qui reprenait leur teinte naturellement blanche. L’inconnue ne les regarda qu’une seconde mais Numa avait l’impression que c’était une très très longue seconde.
Le doute commençait à l’envahir. Et si ce n’était pas les siennes ? Et si elle allait avoir des ennuis avec cette fille assez effrayante pour un malentendu ? Comme si elle n'avait pas déjà assez eut de soucis tout au long de sa vie, il fallait en plus qu'elle en ait à Immortalia ?

*Elle est beaucoup moins effrayante que certaines personnes que tu as pu croiser. Et pour parler de soucis ... N'oublie pas qu'il y a quand même une rumeur assez moche sur toi. Tu es en plein dans les ennuies, ne le nie pas !*

L'esprit du chien n'avait pas tord. Numa avait oublié cette partie là ... Etant donné qu'elle se fichait éperdument des relations humaines, les regards tournés vers elle et les messes basses ne l'atteignaient pas. Ou du moins, ne l'atteignaient plus. Si tout le monde préféraient croire des ragots, c'était définitivement leur problème, pas le sien.
Numa ne faisait pas référence à son physique, mais plutôt le bleu perçant de ses yeux et la sévérité qu’ils dégageaient.

La brune à la coupe bien droite finit par prendre ses clés du bout des doigts et les laisser tomber dans sa poche. Numa baissa immédiatement sa main, comme si elle voulait éviter tout contact avec l'inconnue. Et ce n'était pas qu'une impression. La petite brune n'aimait pas le contact humain au contraire des animaux.
Numa se mit à caresser discrètement mais nerveusement sa bague blanche à son auriculaire gauche avec son pouce.
Cependant, l’inconnue parla avec plus de douceur pour remercier la française, comme un peu gênée de s’être emporter.

_C'est bien les miennes, hum, merci.

Après quoi, l’inconnue la scruta comme Numa avait pu le faire tout à l’heure dans le couloir. La jeune française ne bougea pas et ne dévia pas le regard de celui perçant de son interlocutrice. C’était tellement stressant, et pourtant, aucune émotion ne pouvait troubler son visage de poupée habitué à ne rien laisser paraître.
Peut-être aurait-il mieux fallut être expressive pour que cette fille voit qu’elle lui fichait la trouille. Numa ne manquait pas de courage, loin de là, mais avait tout de même des peurs et des craintes qu’elle ne pouvait réprimer.

L’inconnue finit par se retourner et commencer à partir.
Numa ne put dissimuler un soupir de soulagement. Bien heureuse de n’avoir pas été victime d’une quelconque agression. Vu sa force de crevette, ça aurait très mal finit. Enfin, Gõu aurait certainement prit possession de son corps pour la défendre et si cette fille n’était pas une élève M, Numa aurait eut le droit à un billet simple pour l’annihilation.
Mais après quelques pas seulement, la brune au regard froid s’arrêta, se retourna pour revenir vivement vers Numa. Celle-ci eut un mouvement de recul. Ses griffes apparurent à une vitesse ahurissante.
L’esprit du chien était prêt à sortir pour défendre son hôte, comme un gardien protégeant son maitre.

_Dis moi, tu ne saurais pas par hasard où se trouve la bibliothèque ?

Hein ?
L’inconnue montra le livre qu’elle avait en main.
Les deux complices eurent un long silence dans l’esprit de la française. Puis, plus détendu, l’esprit du chien s’exprima le premier.

*Peut être que je me suis emporté et mal jugé cette humaine. Mais c’est à toi de décider ce que tu comptes faire.*

Numa était un peu perdue. Elle aurait préféré que l’esprit du chien reste sur sa position de ne pas apprécier la fille aux yeux de glaces, ça lui aurait permis de décamper sans remords. Même si les yeux froids de l’inconnu ne lui donnaient aucune bonne impression, ce n’était pas sa faute. Au-delà, peut être qu’elle était gentille. Peut-être pas. Dans tout les cas, elle n’avait pas mérité de tourner en rond alors que la bibliothèque n’était pas loin … dans l’autre direction.
Et en vérité, c’était le but premier de Numa dans cette partie du pensionna. Prendre un ou deux romans avant de troquer son uniforme scolaire pour se promener en ville.
Après que ses griffes aient disparues du bouts de ses fins doigts, Numa finit par acquiescer à l’inconnue, la parole n’étant pas sa plus grande capacité.

_Je voulais m’y rendre.

Numa se mit sur le coté pour pointer la direction opposée à son interlocutrice, lui indiquant qu’elle aurait prit la mauvaise direction si elle était partie sans le lui demander.
Puis, la jeune française se retourna complètement, commençant à se diriger vers le lieu convoité des deux jeunes femmes, assez lentement. Elle se retourna après deux trois pas pour regarder la fille au regard sévère, et affirma, de sa voix naturellement calme :

_Je t’y emmène.

HRP: