C'est ainsi que, quelque petite dizaine de minutes plus tard, Sacha et moi arrivâmes dans le bureau du Directeur, qui était absent - par chance. Plusieurs raisons me firent croire qu'il y avait de bonnes chances pour qu'un œuf se trouve ici : d'une part, les Moires - et même le Directeur, s'il était de cette partie - encourageaient souvent les comportements risqués ; d'autre part, bien que peu fréquenté, il s'agissait d'un lieu incontournable du pensionnat, au même titre que la bibliothèque, l'amphithéâtre ou le bassin. Néanmoins, la tension me serrait le ventre, me faisant quasiment oublier ma fatigue : le Directeur ne serait probablement pas en joie de voir deux élèves fouiller son bureau, même s'il avait (délibérément, m'était avis) laissé la porte ouverte en sortant, et je ne voulais pas non plus subir le regard accusateur de Sacha pour l'avoir fait monter ici encore mouillée et que nous nous retrouvions sans nouvel œuf à partager.

Je n'étais pas rentré dans la pièce depuis ma possession, ou plutôt, depuis les quelques instants avant que je ne fus invité à pénétrer dans la salle 3.4. Bien que j'avais la certitude de connaître cette pièce pour y être allé deux mois auparavant, un étrange sentiment de nouveauté me prit et me fit vaciller imperceptiblement. Haussant les sourcils, je réussis à me convaincre qu'il ne s'agissait que de la sensation de voir la pièce pour la première fois avec un regard nouveau et passai ma main dans mes cheveux avant de me concentrer pour la chasse.

Parmi les étagères et armoires fouillables, il y avait : une bonne partie des tiroirs du bureau, exceptés deux qui étaient cadenassés, une étagère avec beaucoup de dossiers - s'il fallait les ouvrir uns à uns, nous n'étions pas prêts de finir -, une armoire dont je ne distinguais pas l'intérieur et une vitrine à fenêtres transparentes. Je fis la grimace au mauvais goût avec lequel le Directeur avait aménagé son office avant de me diriger vers le secrétaire.

« Je vais commencer par le bureau, je crois que nous avons du pain sur la planche, » dis-je à Sacha d'un air faussement désespéré. En vérité, la perspective d'une longue chasse risquée me revigorait - la fatigue s'amenuisait et mon envie de gagner était là, plus que jamais présente au fond de moi.

Dès le premier tiroir que je fouillai - coup de chance -, je tombai sur une petite boîte qui m'a semblé hors du temps. Un alphabet qui m'était inconnu, une sorte de runes, était gravé sur le dessus pour former un message qui nous était, à mon dieu et à moi, indéchiffrable. Je fis pousser le petit loquet précautionneusement et tombai sur deux petites fioles d'eau, avec un message que j'ouvris en premier lieu.

"Pour avoir fait votre chasse aux œufs dans cette pièce un peu spéciale, vous ne remporterez pas d’œuf pour ce coup-ci, mais de l'eau de Pâques. Il s'agit d'une eau, une fois la totalité de la fiole ingérée, pouvant guérir n'importe quelle blessure ou maladie. Faites-en bon usage..."

Je regardai les rayons du soleil, qui perçaient à travers la fenêtre, traverser ce qui me semblait être une eau parfaitement normale ; les diamants de lumière qui se reflétaient dans la fiole ne m'émurent pas particulièrement de leur avantage magique, si ce n'est pour le beau spectacle qu'ils prodiguaient - mais après tout, de l'eau banale aurait eu tout à fait la même réaction.

J'appelai Sacha et la mis au courant de ce que j'avais trouvé ; je pris une fiole, la glissai dans la poche de mon manteau qui était toujours sur elle, et lui tendis la boîte contenant la deuxième.

"Je crois qu'on a eu le gros lot, là ! Mais nous devrions nous dépêcher de sortir d'ici. Que dirais-tu d'une petite pause, pour nous remettre de nos émotions ?"