Arrivé très en avance pour mon premier cours magistral destiné aux première M – il s’agissait de notre deuxième rencontre, à vrai dire, mais la première étant une introduction à mon concept de cours, je n’y voyais là qu’une entrée fade et insipide que l’on servait avant un plat majestueux –, je relisais mes notes de cours non sans une certaine appréhension. L’inquiétude que mes élèves remarquent ma tension n’arrangeait en aucun cas ma situation : s’ils s’apercevaient trop vite que j’étais un professeur tout à fait débutant, le reste de leur scolarité se déroulerait probablement dans un chaos certain pour moi. J’inspirai et expirai puissamment. Mon cœur ralentit progressivement et je retrouvai le calme dans lequel j’avais opéré lors du premier cours.

« Neal, n’oubliez pas ce que je vous ai suggéré au petit-déjeuner : imaginez-les nus, ou en sous-vêtements si cette vue vous offusque trop, et l’appréhension devrait disparaître. Je vous fais de toute façon absolument confiance pour la gérer lorsque le moment sera venu, je sais que vous en êtes plus que capable. »

Merci, Horus. J’éprouvai un agréable sentiment de plénitude à entendre mon dieu me proférer de tels encouragements ; dans sa justesse et sa clairvoyance, il ne pouvait pas se tromper. Assis derrière mon bureau, je levai des yeux sombres vers les premiers élèves qui franchissaient timidement le seuil de la porte que j’avais ouverte au préalable. A chaque « bonjour » que j’entendais, je hochai poliment la tête.

Je soupirai bruyamment lorsque le vacarme assourdissant, inévitable, se propagea dans ma classe comme une nuée d’insectes. Il n’était pas encore dix heures ; je n’avais pas encore le droit de prendre mon autorité sur la classe tant que la cloche n’avait pas marqué le début de la double heure de cours. Afin d’éviter de me concentrer sur les vagissements insipides des élèves qui pensaient probablement discuter de sujets tout à fait convenables et intéressants, j’écoutais Horus qui abusait d’un délit de faciès sur tous les nouveaux arrivants.

« Ah, regardez-moi ce maquillage : a-t-elle essayé de se fondre dans une nature peinte par Picasso ? » ou encore « Je n’oserais pas porter ce visage ostentatoirement », avant de conclure par un grandiose « Encore plus moches que les seconde. »

Un rictus se forma au coin de ma bouche ; c’est avec cette expression vaguement moqueuse que je me levai pour aller fermer la porte lorsque la cloche retentit. J’y mis un peu trop de conviction et elle claqua ; de quoi faire taire la plupart des élèves.

« Nous allons maintenant cesser les discussions primitives pour se consacrer à l’enseignement du savoir. J’imagine que vous vous souvenez parfaitement de mes éclaircissements du dernier cours ; si ce n’est pas le cas, référez-vous en à vos camarades une fois la lecture terminée. »

Je balayai la salle du regard, l’expression sévère, avant de continuer mon monologue.

« Comme je vous l’ai présenté lundi dernier, nous allons apprendre ensemble à gérer votre possession, notamment en évitant qu’elle ne devienne totale. Il va sans dire que l’annihilation d’un élève comme vous autres ne serait pas une grande perte ; néanmoins, par obligation et respect envers vos familles, nous devons nous assurer de votre bien-être. »

« Bien. Nous arriverons sans nul doute mieux à un résultat favorable lorsque l’on comprend les bases du mécanisme. Quelqu’un peut-il me parler du processus de possession ? Qu’en savez-vous ? » lançai-je à la cantonade, n’espérant pas une réponse convenable.

Résumé de l’action:

HRP:

« Tiens, tu n’es pas en retard pour une fois. Tu fais des progrès on dirait. »

Tu lèves les yeux au ciel. La déesse n’as pas tort, cela dit : le cours ne débutera que dans cinq minutes, et pourtant tu es déjà là, sur le pas de la porte, prête à t’aventurer au-delà. Oui, mais les circonstances sont assez particulières : c’est ton premier cours de gestion de la possession, et tu dois bien dire que tu es assez intriguée par ce cours. Et puis… tu ne tiens pas à te faire remarquer dès le premier jour. Tu arriveras sûrement en retard demain, ça suffit amplement.

Tu pénètres dans la salle, le pas léger – probablement la joie de commencer à 9h30 – non sans gratifier le professeur d’un « Bonjouuur ! » un peu trop enjoué pour ne pas être inquiétant. Tu as accidentellement loupé son cours d’introduction la dernière fois – mais comme il est nouveau, il n’a probablement pas mémorisé tous les visages, donc il ne devrait pas s’en rendre compte. Le fait est que c’est la première fois que tu le croises, et son air sévère ne fait que confirmer les rumeurs dont tu as déjà eu vent.

Un bref coup d’œil à la ronde te confirme ce dont tu te doutais déjà : personne que tu ne connaisses dans les parages pour l’instant. En même temps, il n’y a pas encore grand monde. Par chance, au même moment un inconnu s’installe à la table juste devant toi. Tu en profites pour lui taper la tchatche pour les minutes restantes avant le début du cours.

Finalement la cloche sonne, et au même moment un bruit violent te ramène vite à la terre ferme. Oh, ça ? Ce n’était que le professeur qui vient de claquer la porte. Quelque chose te dit que ce n’est pas pendant le cours de gestion à la possession que tu vas le plus t’amuser… Pendant les premières minutes, tu fais un effort pour rester concentrée sur le discours de Mr D'Arcy. Tu tique lorsque tu l’entends évoquer la possession totale.

« Tu peux faire ça toi Thémis ? »

« Disons que je pourrais probablement… C’est loin d’être dans mon intérêt cela dit. Après tout, nous tenons aussi bien l’une que l’autre à éviter l’annihilation, n’est-ce pas ? »

« Si tu voulais me rassurer, c’est loupé. »

Tu te reprends en réalisant que le prof vient de vous poser une question. Ah mince. Tu le savais que t’aurais jamais du laisser Thémis de distraire de la sorte.

« …attends. JE te distrais ? C’est toi qui a commencé à me parler il me semble. »

« Tais-toi, j’écoute ! »

Pendant quelques secondes, la classe reste silencieuse.

« Pssst ! C’tait quoi la question ? », demandes-tu en chuchotant au garçon de devant. Pour toute réponse, il te lance un regard qui signifie probablement que tu ferrais mieux de la boucler si tu ne veux pas vous attirer d’ennuis à tous les deux. Si Sir D’Arcy est déjà si craint que ça au bout de seulement deux cours, cette matière promet…

Au bout de quelques secondes, une main se lève quelques rangées devant toi. D’ailleurs, cette silhouette t’est familière. La jeune femme prend la parole et tes yeux s’écarquillent lorsque tu reconnais sa voix. Tu l’écoutes pendant qu’elle donne une définition assez détaillée de la possession – ah, c’était donc ça la question ? Elle ponctue sa réponse en haussant les épaules avant de jeter un regard derrière elle.

« Leila ! », chuchotes-tu à son attention en lui adressant un léger signe de la main avant de te rappeler que tu es dans une salle de classe – pas le meilleur endroit pour prendre des nouvelles – et de ramener ton attention vers le cours. Pas sûr qu’elle t’ait entendue mais tu ne peux pas vraiment te permettre de te faire remarquer tout de suite. Ah, si tu avais su qu’il y avait un visage connu dans cette salle, tu ne serais pas restée derrière le gentil jeune homme qui met un point d’honneur à t’ignorer depuis que le cours a commencé. Un peu ennuyée par le silence qui semble s’être installé, tu lèves à ton tour la main.

« Je peux savoir ce que tu comptes faire ? »

« Participer au cours… J’ai fait l’effort de sortir de mon lit avant midi, c’est pas pour rester à me morfondre au fond de la salle non ? », lui rétorques-tu avant de poursuivre à voix haute une fois que le professeur t’as donné la parole :

« C’est un peu comme une symbiose en fait. L’hôte, enfin l’humain, abrite la divinité, qui en échange est sensée lui conférer des pouvoirs - un avantage évolutif en quelque sorte. Enfin ça c’est dans le meilleur des cas. Y a aussi des cas où celui qui possède l’hôte peut devenir un parasite. »

« Alors là tu m’étonnes. Moi qui pensais que tu séchais les cours de bio… »

« Eh ouais, surprise hein ! J’aurais même pu parler d’endosymbiose pour être plus précise mais j’ai pas envie de passer pour une élève trop sérieuse non plus. Et pour être honnête, je séchais bien le cours de bio, j’ai entendu ça dans un anime en fait. »

« J’ai dit que tu m’étonnais, mais si ça peut faire dégonfler tes chevilles tu es loin de m’impressionner pour autant. »

«D’où ma question », reprends-tu à voix haute, un peu calmée dans ton élan par la déesse. « Est-ce que les cas de possession totale sont si courants que ça ? »

Pas que tu ne fasses pas confiance à Thémis, mais t’aimerais bien avoir un avis extérieur sur la question quand même.

Résumé de l’action: