Arrivé très en avance pour mon premier cours magistral destiné aux seconde M – il s’agissait de notre deuxième rencontre, à vrai dire, mais la première étant une introduction à mon concept de cours, je n’y voyais là qu’une entrée fade et insipide que l’on servait avant un plat majestueux –, je relisais mes notes de cours non sans une certaine appréhension. L’inquiétude que mes élèves remarquent ma tension n’arrangeait en aucun cas ma situation : s’ils s’apercevaient trop vite que j’étais un professeur tout à fait débutant, le reste de leur scolarité se déroulerait probablement dans un chaos certain pour moi. J’inspirai et expirai puissamment. Mon cœur ralentit progressivement et je retrouvai le calme dans lequel j’avais opéré lors du premier cours.

« Neal, n’oubliez pas ce que je vous ai suggéré au petit-déjeuner : imaginez-les nus, ou en sous-vêtements si cette vue vous offusque trop, et l’appréhension devrait disparaître. Je vous fais de toute façon absolument confiance pour la gérer lorsque le moment sera venu, je sais que vous en êtes plus que capable. »

Merci, Horus. J’éprouvai un agréable sentiment de plénitude à entendre mon dieu me proférer de tels encouragements ; dans sa justesse et sa clairvoyance, il ne pouvait pas se tromper. Assis derrière mon bureau, je levai des yeux sombres vers les premiers élèves qui franchissaient timidement le seuil de la porte que j’avais ouverte au préalable. A chaque « bonjour » que j’entendais, je hochai poliment mais sèchement la tête.

Je soupirai bruyamment lorsque le vacarme assourdissant, inévitable, se propagea dans ma classe comme une nuée d’insectes. Il n’était pas encore neuf heures ; je n’avais pas encore le droit de prendre mon autorité sur la classe tant que la cloche n’avait pas marqué le début de la double heure de cours. Afin d’éviter de me concentrer sur les vagissements insipides des élèves qui pensaient probablement discuter de sujets tout à fait convenables et intéressants, j’écoutais Horus qui abusait d’un délit de faciès sur tous les nouveaux arrivants.

« Ah, regardez-moi cette coupe de cheveux ; a-t-il souhaité imiter Angela Merkel ? » ou encore « Ce piercing à l’arcade est d’un mauvais goût incroyable », avant de conclure par un majestueux « Ils ne sont pas très séduisants, dans cette classe. »

Un rictus se forma au coin de ma bouche ; c’est avec cette expression vaguement moqueuse que je me levai pour aller fermer la porte lorsque la cloche retentit. J’y mis un peu trop de conviction et elle claqua ; de quoi faire taire la plupart des élèves.

« Nous allons maintenant cesser les discussions primitives pour se consacrer à l’enseignement du savoir. J’imagine que vous vous souvenez parfaitement de mes éclaircissements du dernier cours ; si ce n’est pas le cas, référez-vous en à vos camarades une fois la lecture terminée. »

Je balayai la salle du regard, l’expression sévère, avant de continuer mon monologue.

« Comme je vous l’ai présenté lundi dernier, nous allons apprendre ensemble à gérer votre possession, notamment en évitant qu’elle ne devienne totale. Il va sans dire que l’annihilation d’un élève comme vous autres ne serait pas une grande perte ; néanmoins, par obligation et respect envers vos familles, nous devons nous assurer de votre bien-être. »

« Bien. Nous arriverons sans nul doute mieux à un résultat favorable lorsque l’on comprend les bases du mécanisme. Quelqu’un peut-il me parler du processus de possession ? Qu’en savez-vous ? » lançai-je à la cantonade, n’espérant pas une réponse convenable.

Résumé de l’action:

HRP:

Heureux de commencer une heure après les horaires habituels, fait très agréable, surtout pour un lundi matin, je me rendais de bonne humeur dans ma classe de gestion de la possession. Je n’avais malheureusement pas pu connaître le précédent professeur, puisqu’il était parti sans donner de raison officielle lors des congés de Noël ; ma possession ayant eu lieu en février, je n’avais pas eu l’occasion de suivre ses cours. Néanmoins, d’après ce qu’on m’avait dit, il était beaucoup trop passif pour être un professeur correct ; sa gentillesse lui avait également joué des tours, sans que je sache de quoi ils retournaient, et les ateliers, seuls cours qu’il organisait, consistaient surtout à bavarder casuellement de tous les sujets qui nous passaient par la tête. Je me demandais si les élèves n’avaient jamais appris quoi que ce soit avec ce professeur, mais d’un autre côté, je ne savais que choisir entre ce que je savais du précédent et ce que j’avais appris du nouveau.

Lors de son cours d’introduction, on aurait pu entendre les mouches voler ; ou plutôt, non, puisque si elles avaient osé faire du bruit, il les aurait sûrement annihilées. Je frémis à l’idée d’entendre de nouveau son ton sarcastique et glacial et priai sans grande conviction pour que jamais aucune de ses remarques acerbes ne me vise personnellement. Néanmoins, j’étais attiré par sa manière de se tenir et de parler et par son attitude stricte, j’étais certain qu’il ferait tout pour que le cours nous apprenne vraiment à nous gérer nous, les changements que notre possession implique et les dieux de ceux qui en ont besoin – bien que j’étais persuadé ne faire pas partie de cette catégorie.

J’entrais timidement en classe lorsque je remarquai que le professeur était déjà à son bureau et qu’il avait laissé la porte ouverte pour nous accueillir ; en franchissant le seuil, je le gratifiai d’un discret mais poli « Bonjour, professeur » avant de m’installer. Personne n’était encore arrivé. Je regardai ma montre, j’étais arrivé un peu plus en avance que ce que je ne voulais, mais peu importe. Je choisis une place près du mur, à mi-chemin entre le bureau et la dernière table afin de n’être ni trop devant, ni trop à l’arrière. Je posai mon sac sur le sol afin d’accueillir quiconque souhaiterait s’asseoir à côté de moi, sortis mes affaires et attendis, conversant casuellement avec Loki pendant que j’observais le professeur, qui semblait lui aussi plongé dans un dialogue avec son dieu. Je le scrutai plus que nécessaire, dévisageant ses traits et me demandant à quel panthéon son autre moitié pouvait bien appartenir.

Je fus interrompu dans mes divagations par le troupeau d’élèves qui arrivaient quelques minutes avant la sonnerie. Le professeur D’Arcy leva des yeux agacés vers eux comme pour leur intimer le silence, mais ils n’en firent rien et il abandonna bien vite, les traits agacés. Je blêmis – il n’avait pas l’air d’être de ceux qu’on énervait sans conséquence.

Lorsque la cloche sonna, il claqua la porte ; je sursautai. Il commença à expliquer son programme de la même manière qu’il avait fait son introduction la semaine dernière : strict, sans émotion et d’un ton qui ne laissait place à aucune objection. Il nous demanda ensuite ce que l’on savait du processus de possession, et je me rendis compte qu’il avait bien raison d’en revenir aux bases : je n’y connaissais rien. Cela se passait à l’intérieur de moi et je ne savais ni pourquoi, ni comment ; j’avais simplement accepté ce fait comme étant une nouvelle partie d’Alum avec laquelle je devais coopérer sans même me demander d’où ceci était possible. Je regardai donc autour de moi si d’autres élèves avaient la main levée pour tenter d’apporter leur contribution au cours.

Résumé: