To arms, citizens !

Alec et Cassie

Ce n'était pas possible. En vrai, ça avait le don de l'énerver. Dans une vie, il y a toujours ce genre de personnes qui se moquent totalement de l'implication des autres. Ce genre de personnes qui, incapables de se mettre à la place d'autrui, ne concentre son attention que sur sa propre personne. Diantre, qu'elle aurait aimé lui planter un crayon quelque part à celui-là. Mais non. Il fallait se retenir. Faire preuve de… pondération. Et pourtant, Cassie grinçait des dents au fin fond de son bureau. Et le stylo coincé entre sa main martyrisait le meuble dans un tapotement régulier. Dont le bruit cadencé exacerbait encore davantage sa patience mise à mal.

Et pourtant, ce n'était pas faute de l'avoir relancé. Non pas une fois, mais bien plusieurs! Et rien n'avait changé. Elle ressemblait à une bouilloire. L'eau qui chauffe, qui chauffe, la bouilloire qui siffle et… BAOUM. C'était ce qu'il venait de se produire à cet instant précis. Se dressant d'un coup, Cassandre rejeta sa chaise en arrière et fusa hors de la pièce, claquant la porte derrière elle. Toute son organisation partait à vau-l'eau. L'emploi du temps devait être bouclé, que diable !

- Tu… ne crois pas que tu en fais un peu trop ?
- Non. S'il continue à reporter davantage de leçons, je vais devoir le retenir sur sa paye.
- Peut être qu'il a une bonne excuse…
- Ce n'est pas mon problème. Enfin si. Mon problème, c'est que du coup les élèves prennent du retard qu'il va bien falloir que quelqu'un arrive à replacer tout ces cours dans les semaines à venir. Et qui c'est qui se tape le sale boulot hein?

Iduun s'était finalement tue, pendant que Cassandre continuait sa marche conquérante à travers les couloirs de l'école. Cependant, elle ne se faisait aucune fausse idée. Dès qu'elle tomberait sur ce prof incompétent, nul doute possible, elle reviendrait à l'assaut avec cette naïveté infantile et … Elle l'avait vexée. Tant pis. Marmonnant des phrases inintelligibles, la miss continua son chemin.

Arrivée devant son objectif, Cass' prit le temps de reprendre son souffle et de retrouver une posture un peu plus impressionnante… avant d'ouvrir la porte à la volée et de jeter un regard furibond à l'intérieur de la Salle des Profs. Raté. Il n'était pas là. Une grimace fit son apparition alors qu'elle entrait à l'intérieur et refermait la porte derrière elle, plus doucement cette fois. Qu'à cela ne tienne. Elle l'attendrait ici. Ce poltron finira bien par poindre le bout de son nez ici pour reposer ses fesses près de la machine à café. Et alors, elle se tiendrait prête à fondre sur lui.

Elle se laissa tomber peu gracieusement sur le fauteuil rembourré et lança un regard d'excuse à la ronde, plus ou moins sincère en fonction de qui il était adressé. Car bon, faire irruption comme ça dans une salle censée permettre aux profs de se reposer (et de travailler, hein!) ce n'était pas forcément très apprécié…

To arms, citizens !

Alec et Cassie

Plongé sur mes dossiers, je m’échinais à essayer de lire les phrases sans queue ni tête de mes secondes M, qui s’exprimaient encore comme des collégiens et n’avaient pas de suite dans leurs idées. Ma tête me faisait mal, et j’avais malencontreusement plongé mon cachet d’aspirine dans mon café, rendant mon humeur encore plus maussade.

« Eh oui, ça fait du bien de surcharger les élèves avec des montagnes de travail, mais c’est déjà plus pénible quand il faut les corriger, hein ? Des centaines de copies à rendre pour la semaine suivante, si c’est pas un suicide psychologique, ça… »

« Arrête, Dagda. Je n’ai pas besoin de te dire que je ne fais pas ça pour les embêter, mais pour qu’ils apprennent mieux et plus facilement. N’ajoute rien à mon mal de tête, s’il te plaît. »

« Je te taquine, va. En attendant, tu vas tomber dans quelques lignes sur une sacrée perle. »

« Laisse-moi la surprise, que je réfléchisse à un sarcasme pour me moquer de l’auteur. »

Mon fardeau s’était soudainement allégé, grâce à l’intervention de mon alter ego. Je m’autorisai même un petit sourire lorsque je tombai sur ladite perle (sic) : « Durant la mytologie, Zeus c’est probablement taper la terre entière. » Plutôt honorifique, pour le dieu des dieux grec.

« Heureusement que tu n’es que celte, finalement, mon vieil ami. Je n’ose imaginer la colère d’un dieu grec envers celui qui a bafoué leur panthéon. »

« Tu as bien raison. D’ailleurs, je ne… »

Je n’entendis pas la suite de la phrase de Dagda, interrompu par un grand bruit. J’étais assis seul à une table ronde située près de l’entrée, et je n’eus qu’à lever la tête pour comprendre l’origine de ce vacarme. La secrétaire, Melle Delaunay. Plutôt du genre violent, à se laisser emporter et à fulminer. Fulminer, d’ailleurs, c’était ce qu’elle faisait. Je ne comprenais pas la raison de cet énervement, mais j’entendis Dagda rire, au fond de moi. Evidemment, il souhaitait que je me sociabilise un peu : si je voulais satisfaire ma soif de curiosité, il fallait que je me débrouille sans compter sur son aide.

Alors que la jeune femme se laissait tomber avec un soupir sur un fauteuil non loin, je déposai délicatement mon stylo rouge sang et me levai pour aller à sa rencontre.

« Bonjour, Madame. » lançai-je poliment, la tête légèrement inclinée sur le côté en signe de docilité.

« Avez-vous besoin d’une aide quelconque pour résoudre votre désagrément ? » osai-je même, afin de rétablir le silence dans la salle des professeurs.
Aucun habitué de la machine à café n’était présent pour déblatérer des ragots insupportables sur les adultes et les élèves, aussi l’ambiance était lourde et propice au travail. Je n’allais certainement pas laisser la secrétaire le briser et m’empêcher de corriger mes copies restantes.

To arms, citizens !

Alec et Cassie

A présent qu'elle se trouvait ici, Cass' sentait son impatience monter d'un cran à chaque minute qui s'écoulait. Autant dans son bureau, elle pouvait toujours faire quelque chose d'autre, se défouler sur un papier quelconque. Comme envoyer une lettre de réclamation auprès de l'entreprise de livraison alimentaire, qui arrive avec un retard d'une demi-heure chaque semaine ? Là, dans ce fauteuil, et bien… A part tapoter l'accoudoir nerveusement, il n'y avait pas grand'chose à faire. Tapoter et ruminer ses problèmes.

- Bonjour, Madame.

Elle releva la tête pour découvrir le professeur de mythologie debout devant elle. Son regard dévia rapidement sur la table qu'il venait de quitter. La table et la pile de copies. Elle l'avait dérangé, et à coup sûr il venait la réprimander… Elle ne put retenir une grimace d'apparaître fugacement sur son visage.

- Avez-vous besoin d’une aide quelconque pour résoudre votre désagrément ?

Oh ? Elle revint vers lui. Le dévisagea. Alec Rosier, elle l'avait eut en prof. Lorsqu'il venait tout juste de commencer à enseigner. Et alors, son cœur d'adolescente avait plus d'une fois été secoué face à lui. Il en demeurait une certaine gêne lorsqu'elle se retrouvait face à lui. Une gêne qu'elle se gardait bien de lui montrer.

- Sauf si vous savez exactement où se trouve le professeur Al-Kaajim à l'heure actuelle, je crains bien que vous ne puissiez m'aider…

Elle laissa échapper un soupir, et se leva, se dirigeant vers la machine à café pour se servir une tasse. Elle n'avait jamais sut comment le nommer. Monsieur? Alec? Elle s'était résolue à ne plus l'appeler Professeur lorsqu'elle avait terminé ses études, mais en dehors de ça… Alors elle s'évertuer à l'appeler le moins possible. Si Monsieur mettait une distance entre eux, Alec était encore trop intime pour être employé à ses yeux...

Ce ne fut qu'en revenant vers lui, une tasse à la main, qu'elle nota un détail perturbant. Elle s'arrêta, fit quelques pas en arrière pour revenir au niveau de la table qu'elle venait de dépasser, et l'observa sans se cacher. Et levant un regard sincèrement intrigué vers l'enseignant, elle demanda incrédule :

- Votre café… crépite ?