En fait, il n’aurait jamais dû venir travailler en Irlande. Surtout en tant que jardinier. Parce que bosser dehors, avec le sale temps irlandais, c’était pas vraiment la joie, il devait l’avouer. Artémis, elle, se foutait carrément de lui, lui répétant qu’il aurait dû l’écouter, blablabla…
Enfin. Il devait néanmoins faire son boulot, ou sinon, sa paye allait disparaître, ou au mieux, s’alléger un peu. Et ça, il ne pouvait pas se le permettre, il n’avait que ça pour revenir à ses besoins. Payer le logement de fonction, également la cantine, et puis tous les autres achats – rares et peu nombreux – qu’il faisait à Galway. Et s’il était fauché, il refuserait catégoriquement une quelconque aide financière. Enfin, à part venant de la banque. Mais surtout pas de sa famille, malgré les régulières propositions que sa mère lui faisait. C’était que le jeune homme n’aimait pas dépendre de quelqu’un, de quelque chose.

Au moins, ses pieds chaussés de bottes en caoutchouc – y’avait pas plus sexy, je vous l’assure – ne s’enfonçaient pas d’un mètre dans le sol, qui était raisonnablement mouillé. Ashton soupira, lança un coup d’œil contrarié au ciel qui, du gris orageux, s’était éclairci, sans pour autant que les jolis nuages disparaissent. Mais ça, encore, ça n’était pas si dérangeant que ça, c’était même chaleureusement accueilli, car travailler sous le Soleil tapant ? Dur dur. Il aurait été obligé de porter un chapeau. Rien qu’à cette pensée, le blond grimaça alors que de l’autre côté, Artémis sautait de joie. Ferme-la, vieille harpie. Etrangement, elle ne l’écouta pas. Il laissa tomber.

Passant une main nonchalante dans ses cheveux déjà en bataille – c’était le style, que voulez-vous ? – il continua sa progression, du local de jardinier à l’étendue herbeuse, non loin et une fois arrivé, constata avec plaisir que le sol était encore solide là aussi. Heureusement pour lui.
Il était tôt – quoi, neuf heures ? dans ces eaux-là – et, lui facilitant la tâche, la pseudo-prairie était quasiment déserte, à part deux trois élèves qui devaient sécher, ou profiter d’une heure de trou pour flâner dans le parc. Ne les examinant que pour quelques secondes, il détourna son attention d’eux et se mit au travail.

Marchant précautionneusement dans l’herbe bien tondue – on se demandait par qui – il analysait chaque parcelle de sol, s’aidant à la fois de la vue et des pouvoirs qu’il avait acquis avec la possession. Et à chaque fois qu’il tombait sur un trou – oui, y’avait des trous, à cause des animaux et autres – il prenait une grande inspiration, se concentrait, et guidait les brins d’herbe poussant à côté à l’aide de mouvements fluides de sa main, pour qu’ils se replacent, de telle sorte que le trou n’existe plus.
Et ouais. C’était ça son travail du vendredi matin. Reboucher les trous. La joie. Mais bon, il n’allait pas se plaindre, non plus. Il avait un travail, un lieu où dormir, de quoi manger et s’habiller… Il n’était pas malheureux, non plus. Et c’était le principal, non ?
’Non, le principal, c’est ma satisfaction.’
Et tu seras jamais satisfaite tant que je s’rai en vie, JE SAIS. Tu me l’as déjà dit, la s’maine dernière.
’J’aime bien te répéter des choses. Je sais que ça te rend de très mauvaise humeur, et je m’en régale.’
Il soupira. Elle n’était pas croyable. Il n’y avait aucune façon de discuter avec elle… Et de toute façon, il ne le voulait pas. Hors de question de taper la discute à une déesse qui le traitait de cette manière. Du respect, s’il vous plaît, c’était tout ce qu’il demandait !