Le con accélère, ne me laisse aucun répit, et j’ai l’impression de manquer d’air sous ses coups de reins sans pitié, le front collé contre mon avant-bras, et je ne vois que du noir entre mes paupières entrouvertes.

Je ne peux que l’accompagner, mu par cette ferveur qui me ferait presque honte, envie frénétique de m’abandonner complètement à lui sans que mon esprit n’y consente, alors j’étouffe mes gémissements pathétiques, le plaisir continuant de s’accumuler dans mon bas-ventre brûlant tandis que ma main bougerait presque seulement par elle-même, animée par ce besoin que j’ai de ressentir plus, plus, plus encore.

Et puis, vient le moment où tout va crescendo, la cadence s’accélère sans faillir, et le corps se tend brutalement tandis que quelque chose se rompt et,

c'est l’extase, le plaisir qui brûle les veines, qui rend la vision trouble, qui vide la tête pour n’y laisser que les vestiges d’une jouissance en salve, et le liquide contre la main, le bruit imperceptible contre les sacs devant moi, et la respiration qui reprend après une apnée inconsciente.

Je ne pense plus à rien qu’à cet orgasme puissant qui m’a secoué de la tête aux pieds, et, le souffle court, j’encaisse les derniers mouvements, l’autre qui finit par se joindre à moi et, dans la volupté qui m’enveloppe, je me rends vaguement compte qu’il n’a pas mis de préservatif alors que je le sens se déverser en moi. Un frisson profond me parcourt et je ferme les yeux, les jambes vacillante, mes genoux rencontrent les sacs d’engrais alors que je me retiens pour ne pas m’affaisser au sol.

J’entrouvre les yeux, une expression de plénitude sur le visage, et je croise le regard de l’autre. Son sourire me donne envie de le frapper, mais je ne peux que m’incliner devant lui et la façon dont il a de s’occuper de son partenaire durant l’acte. Puis un dernier coup de hanche qui me fait doucement soupirer, et il se retire. Dans cette torpeur post-orgasmique, j’arrive quand même à saisir le sens de ses mots et je le regarde, presque désabusé si je n’étais pas en train de partir loin, comme repu par ce qui venait de se passer.

« T’es qu’un con, toi. »

Artémis revient d’un coup pour m’appuyer, et je ne fais aucune remarque sur son absence, trop occupé à suivre l’autre des yeux. J’aurais pas dit non à un renouvellement de l’expérience, mais c’est trop cher payé, malgré la qualité du sexe. Il se rhabille, pièce par pièce, tandis que je me redresse doucement, une douleur sourde mais presque agréable dans le bas du dos, maintenant que la sensation de plaisir extatique se dissipe lentement, je sens le sperme couler contre mes cuisses alors je grimace et je récupère de quoi m’essuyer, jetant le mouchoir froissé dans une poubelle que je vais devoir changer rapidement.

Le son de sa voix attire mon attention une nouvelle fois, alors que je viens à peine de remonter mon sous-vêtement pour éviter de déambuler cul nu, et je le regarde, il est assis à même le sol, un rayon de Soleil faisant ressortir des reflets dans ses cheveux. Je hoche la tête à sa question, l’observant encore quelques fractions de seconde, avant de me diriger vers lui pour récupérer mon habit de travail, fouillant dans les poches pour y sortir un paquet de cigarettes déjà entamé.

Je lui en offre une avant d’en placer une autre entre mes lèvres, et je la lui allume d’un coup de briquet, enflammant mon propre cylindre ensuite, m’asseyant en face de lui, contre l’étagère opposée. On ne devrait pas fumer là-dedans, mais je m’en fiche, alors je me prends mon shot de nicotine droit au cerveau, et ça vient faire durer ce calme bienheureux qui m’emplit malgré moi après le sexe, qu’il soit sans lendemain ou non. Mon esprit, lui, est accaparé par la fumée et trouve toujours une distraction pour me faire oublier ce truc qui se tord dans mes entrailles, et ouais, je ne veux vraiment pas y penser, alors je continue de tirer sur ma cigarette, toujours pas rhabillé, intrigué par le coup de téléphone que l’étudiant est en train de passer.

Son changement d’attitude me perturbe, mais il est évident que l’on montre des facettes différentes à chaque nouvelle personne, parce qu’on veut inconsciemment plaire, et dans un métier comme celui-ci, le jeune homme a intérêt à plaire s’il veut continuer de voir ses clients et de se faire grassement payer.

Je ne sais pas si je pourrais faire ce taf. ’Tu joues déjà bien la comédie, ça ne devrait pas te poser de problème de faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Mais je n’aurais jamais accepté que tu fasses ce genre de métier, garçon, c’est quelque chose de bien trop dégradant.’ J’ai envie de secouer la tête. Elle ne comprend pas.

Je suis vite distrait par le liquide que je sens encore couler contre le tissu, et j’aimerais prendre une douche pour tout retirer, me sentir propre, mais en même temps, je ne peux pas m’empêcher de me sentir étrangement satisfait quant à cette souillure. Désolé Artémis.

« Radin ? Tu m’as joui dans le cul, j’peux bien être radin. J’suis dégueu maintenant. »

Je le regarde avec un air agacé mais je ne trompe sûrement personne, mon sourire visible sous le masque que je peine à garder dans cette situation étrange.

« Et non, j’ai pas l’argent sur moi. »

Je réfléchis un instant alors qu’Artémis me dit que je n’aurais juste dû pas accepter ce stupide marché. Je m’humecte les lèvres avant de tirer une nouvelle fois sur ma cigarette.

« Si t’attends ici j’peux te le rapporter d’ici dix minutes. »

Puis, un sourcil arqué.

« Si t’es trop impatient, tu m’accompagnes jusqu’aux dortoirs directement. »

Une autre taffe. Je hausse les épaules, perdant l’intérêt pour cette conversation. J’ai juste envie de me barrer d’ici, de prendre une douche, de me nettoyer de fond en comble puis de m’écrouler sur mon lit et profiter du fait que mon corps soit encore assez détendu pour espérer dormir plusieurs heures.

« Sauf si t’as autre chose à me proposer. »

J’ai envie de grincer des dents mais il n’a pas tort sur tous les points – je ne lui avouerai jamais, cependant, parce que je tiens trop à ce stupide ego pour lui concéder une demi-vérité qui remplit ma bouche d’amertume dès que j’y pense.

La question du paiement se pose et, alors que j’attends sa réponse, il m’en offre une autre qui me laisse interdit, non pas à cause de la révélation soudaine de sa divinité, mais plutôt du silence de mort qui s’installe dans mon esprit, pour quelques secondes. Il précède une montée en tension qui me fait presque peur, parce qu’Artémis n’a jamais été si silencieuse, si froide, et puis,

l'explosion attendue mais qui me surprend quand même dans son ampleur, parce qu’Artémis a tant de choses à dire sur cette divinité rivale, sur la tragédie du misérable Hippolyte, sur la frontière entre la chasteté et le désir charnel, et tant d’autres choses qui me pèsent l’esprit inutilement.

Je cligne des yeux et je lance un regard à l’étudiant, qui m’observe avec attention, avant de lui offrir un sourire crispé, tirant sur ma cigarette plusieurs fois de suite comme si j’allais crever.

« Quel bordel. »

En écho à ma remarque, Artémis se met à s’insurger, elle me hurle qu’elle se sent souillée que j’aie été pris par derrière par un hôte d’Aphrodite, que sa luxure la perdra, qu’elle ne le pardonnera jamais (je n’arrive pas à savoir si elle vise la déesse, l’étudiant, ou moi), et, après une exclamation d’horreur, se demande alors si l’hôte n’a pas usé des pouvoirs divins pour me séduire. Je regarde l’autre, le jaugeant, m’analysant, et j’en viens à la conclusion que non, il est juste incroyablement séduisant, et que mon cul n’a pas pu résister à ce que le jeune homme avait à me proposer.

Artémis n’est pas satisfaite de ce que je lui dis, alors elle continue de parler, et même si je compartimente et que je la garde aussi éloignée de mon esprit que possible, ces moments-là sont toujours délicats à supporter, parce que sa présence semble partout dans mon crâne et que les vestiges de ses pouvoirs s’intensifient pour quelques instants, devant la flambée de ses émotions fortes qui prennent toute la place.

Je garde la cigarette en fin de vie entre mes lèvres et je me penche en avant pour récupérer sa carte. Je secoue la tête en souriant, très tenté de l’appeler pour faire appel à lui, mais d’une façon plus officieuse. Quoi, ne fait-il ça que pour l’argent ? Et les plans cul, alors ?

Je rentre le numéro sur mon téléphone et je l’appelle immédiatement, haussant un sourcil pour lui faire comprendre que c’est moi qui suis en train de faire sonner son mobile, avant de ranger la carte dans la poche de ma salopette, et je reprends la cigarette entre mes doigts pour une dernière taffe. Je l’écrase ensuite contre le métal des étagères, m’assurant qu’elle soit bien éteinte avant de la balancer dans la poubelle, qui, à présent, doit vraiment être vidée le plus rapidement possible.

« Bravo pour le petit effet, en tout cas. Artémis est en pleine crise. »

Je ne suis qu’un peu amusé. Il savait très bien ce qu’il faisait. Il savait que ça allait attiser le conflit, et il l’a fait quand même. Peut-être que la déesse de l’amour a été satisfaite d’avoir eu l’hôte d’Artémis sous le sien, comme une victoire plus que mesquine. Je soupire.

« Tu viens juste de rendre ma soirée insupportable, mais j’laisse couler parce que t’as été un bon coup. »

Et que ça faisait longtemps que j’avais pas été dans cette position, qu’Artémis trouve si humiliante et qui me satisfait plus que je ne le voudrais. J’essaie de ne pas y penser. J’essaie d’effacer de ma mémoire la jubilation de me faire malmener, j’essaie d’oublier que j’ai joui alors qu’on me prenait. Artémis ne m’aide pas, revenant sur ce qui vient de se passer avec une rage décuplée.

Je me lève, retenant une grimace à la sensation inconfortable provoquée par le mouvement, et je m’empêche de mettre une main à mes fesses, sachant très bien ce que j’y trouverai à travers le vêtement. Je me rhabille prestement, mettant de côté la douleur sourde mais délicieuse au bas de mon dos, et je fais signe à l’autre de se lever et de s’habiller.

« Tu pars avant. J’vais ranger un peu. T’façon, j’dois fermer à clé. »

J’espère juste qu’il se dépêchera de quitter les lieux. Ma douche patiente dans mon appartement, je ne voudrais pas la faire attendre.