Vous savez, ce n'est pas une histoire fabuleuse...
Enfin, Vicky n’a pas perdu ses parents dans un accident tragique, elle n’a pas connu de destin tragique par un coup du sort. Non, Victoria a eu une enfance et une vie normale, et ceux malgré son handicap. Son père est autoentrepreneur, et sa mère fleuriste. Depuis toujours, ses parents ont toujours vécu dans la campagne, aux alentours de Bristol. Pour les plus connaisseurs, dans le village de Keynsham.
Ce petit village est donc le lieu de naissance de Victoria. Ils ne savaient pas que leur enfant serait aveugle avant sa naissance, et cela fut un choc. Apparemment, ce n’était que du pas de bol… Ils ne pouvaient pas y faire grand-chose. Et puis, c’était leur fille chérie, leur première. Plutôt que de la repousser, ils l’acceptèrent comme elle était, et avec son handicap.
Ses parents firent venir une aide extérieure, le jeune Carl Volker, spécialiste de la petite enfance pour les jeunes aveugles. Ce fut lui qui s’occupa, entre autre, d’éduquer les parents, comme l’enfant, sur le fonctionnement de ce handicap, et sur la vie qu’ils allaient devoir mener. En avance sur les enfants du même âge, Victoria commença à marcher, et prononça ses premiers mots très tôt. Pour les parents, c’était un risque de tous les instants. Si elle se cognait sur un coin qu’elle n’aurait pas touché avant avec ses mains, si elle dévalait les escaliers en ne voyant pas le vide, et ainsi de suite. Mais Carl Volker fit un excellent travail pour les rassurer, et apprendre à l’enfant à se diriger avec ses 4 sens seulement.
Ne pouvant pas lire, sa mère lui lisait tout. Ne pouvant pas regarder les dessins animés à la télévision, son père la prenait sur ses genoux, et lui racontait ce qu’il voyait à l’écran. Ne pouvant pas voir les photos de famille, la famille entière lui laissait toucher leur visage, et aller dans leur bras pour connaitre leur trait et leur chaleur.
Pour Victoria, qui vivait avec ça, et avec toute sa famille, son handicap n’était pas forcément une mauvaise, ni une bonne chose. C’était juste une partie d’elle-même.

Ses parents eurent un second enfant, un petit garçon qui reçut le fameux nom de George, comme le prince. Vic avait alors 10 ans, et commençait tout juste le collège, n’étant restée jusque-là que dans des écoles spécialisées. Le but était aussi qu’elle puisse s’intégrer un petit plus au monde des voyants.
Ses professeurs s’adaptèrent, dictant toujours les leçons, pour qu’elle puisse les enregistrer sur un magnétophone. Elle avait aussi ses livres de cours en braille. Et quelques amis, mine de rien. C’était un plutôt bon départ, dans sa vie qui tournait lentement vers celle des adultes.
Bon, avouons-le… La plupart du temps, la raillerie est facile sur une personne handicapée. C’est ce qui est arrivé, vers sa 4ème, un groupe de filles un peu cruche qui la traitait de chouchou des profs, simplement parce qu’elle ne pouvait pas ouvrir les yeux pour voir au tableau. Des vraies pestes. Elles la forcèrent même à les ouvrir, ses yeux. Et les filles paniquèrent et s’enfuir en courant devant sa pupille bleu/blanche froide, et peu commune. C’est depuis cet épisode qu’elle préfère avoir un bandage. Comme ça, les gens comprennent plus facilement que ses yeux sont « blessés », et donc qu’elle ne peut pas voir.

Sa scolarité se continua tranquillement, dans son village, allant en seconde dans son lycée. Il restait une grande interrogation dans la tête de Vic : quel était le métier qu’elle souhaiterait faire plus tard ? Et elle n’en avait pas vraiment une idée fixe…
Sans vraiment d’objectif, elle ne suivait finalement les cours que par obligation. Dans le courant de l’année, sa mère lui lut cependant un prospectus, pendant le dîner : « Lycée Immortalia ».
D’après sa mère, l’endroit semblait sympathique, et puis avait une très bonne réputation. Enfin meilleure que celle du lycée où Vic étudiait jusqu’à maintenant, c’est-à-dire Primepoc…

Deux mois plus tard, elle prenait l’avion avec ses valises, et partait pour l’Irlande. Ce n’était pas si long après tout, et ses parents savaient à l’avance que leur fille, même si elle ne voit pas, n’est pas une chose que l’on garde enfermée dans le cocon familial.
Les premiers mois furent quand même assez difficiles, au début. La perte de repère était évidente pour la jeune fille : nouveau lieux, nouvelles personnes, voix, odeurs, sensations. Pas les mêmes profs, ni les mêmes classes… Elle venait de s’installer dans une chambre vide, et seule. Après inspection, elle avait fait état d’un second lit, mais pas d’une colocataire. Ou d’un. Urf.

Ensuite, la routine s’est installée… Elle ne se fait pas vraiment d’ami pour l’instant, mais ça n’est pas parce que les gens l’évitent… Juste qu’elle n’en a pas encore envie, et ne cherche donc pas à en avoir. Après, elle sourit à une personne avenante, elle reste polie, elle s’assoit de temps en temps à une table un peu peuplée à la cantine et bavarder avec des camarades de classe… Mais sinon, pas grand-chose d’autre.
Elle appelle régulièrement chez elle, une fois par mois au moins, histoire d’avoir de leurs nouvelles de temps en temps. Les Smartphones, avec l’option dictaphone et lecture automatique à voix haute lui facilitent aussi beaucoup la vie pour les sms !
Enfin voilà, la vie est simple, et tranquille…

Et un jour, un surveillant vint la trouver en classe, lui intimant de sortir de cours quelques instants. Il la conduisit dans une salle, lui expliquant que le directeur voulait lui parler.
Et ensuite, c’est le trou noir.